Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 21 mars et le 1er avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société le Loup Blanc demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision, notifiée par lettre du 8 janvier 2025, par laquelle le conseil national de l'ordre des vétérinaires a confirmé la décision du conseil régional de l'ordre des vétérinaires Grand Est du 5 septembre 2024 fixant les dates de sa suspension d'exercice du 1er avril au 30 juin 2025 sur tout le territoire national ;
2°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, d'une part, sera appliquée à compter du 1er avril 2025 et, d'autre part, entraînera la privation de son exercice vétérinaire et de celui du docteur A..., vétérinaire seul associé, aujourd'hui, de la société, qui revêt la forme d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), alors que celui-ci, poursuivi dans la même affaire, a été relaxé, ainsi que de celui du vétérinaire salarié par la société, et perturbera la campagne de vaccination contre la maladie hémorragique épizootique en cours dans les élevages bovins, à laquelle elle participe ;
- que la décision contestée est irrégulière, faute de lui avoir été notifiée et d'avoir été approuvée par le conseil national de l'ordre des vétérinaires dans sa session des 26 et 27 mars 2025 ;
- qu'elle est insuffisamment motivée, dès lors que le conseil national de l'ordre s'est borné à constater que la sanction disciplinaire à son encontre était devenue définitive, en omettant de répondre aux arguments qu'elle a soulevés ;
- qu'elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que, d'une part, elle ne pouvait être prise à l'encontre d'une société mais seulement d'un vétérinaire et que, d'autre part, elle porte préjudice au docteur A... en l'empêchant d'exercer alors que, poursuivi dans la même affaire, il a bénéficié d'une décision de relaxe.
Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 28 et 31 mars et le 1er avril 2025, le conseil national de l'ordre des vétérinaires conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société le Loup Blanc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Le Loup Blanc, et d'autre part, le conseil national de l'ordre des vétérinaires ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 1er avril 2025, à 15 heures :
- Me Maman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Le Loup Blanc ;
- Me Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des vétérinaires ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Les personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire peuvent exercer en commun la médecine et la chirurgie des animaux dans le cadre : / (...) / 2° De sociétés d'exercice libéral (...) ". ; Aux termes de l'article L. 242-7 du même code : " (...) II.- Sans préjudice des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées, le cas échéant, à l'encontre des personnes physiques mentionnées au I exerçant en leur sein, les sociétés mentionnées aux articles L. 241-3 et L. 241-17 peuvent se voir appliquer, dans les conditions prévues au I, les sanctions disciplinaires suivantes : / (...) / 2° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximale de dix ans, sur tout ou partie du territoire national, assortie ou non d'un sursis partiel ou total (...) ". Aux termes de l'article R. 242-109 de ce code : " Lorsqu'une décision de suspension du droit d'exercer est devenue définitive, le conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel se trouve le domicile professionnel administratif du vétérinaire ou des sociétés vétérinaires sanctionnées détermine les conditions d'exécution de cette décision et en particulier les dates de cette suspension (...) " Aux termes de l'article R. 242-84 du même code : " Toute décision administrative d'un conseil régional de l'ordre rendue en application des dispositions du présent code de déontologie vétérinaire peut faire l'objet d'un recours administratif devant le conseil supérieur. Seule la décision du conseil supérieur de l'ordre rendue sur ce recours peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat ". Il en va ainsi y compris s'agissant des décisions administratives d'un conseil régional de l'ordre des vétérinaires prises en application de l'article R. 242-109 de ce code.
3. La société Le Loup Blanc demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision, notifiée par lettre du 8 janvier 2025 et contre laquelle elle a introduit un recours pour excès de pouvoir, par laquelle le conseil national de l'ordre des vétérinaires a rejeté son recours contre la décision du 5 septembre 2024 du conseil régional de l'ordre des vétérinaires de la région Grand-Est déterminant les conditions d'exécution de la sanction de suspension du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée de trois mois sur l'ensemble du territoire national, infligée à la société, qui revêt la forme d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, par une décision des instances disciplinaires de l'ordre des vétérinaires devenue définitive. Par la décision contestée, le conseil national de l'ordre des vétérinaires a confirmé, notamment, les dates d'exécution de cette sanction, fixées du 1er avril au 30 juin 2025.
4. Pour justifier de l'urgence qu'il y a à suspendre l'exécution de cette décision, la société Le Loup Blanc soutient, en premier lieu, que les deux vétérinaires qui sont, pour l'un, son seul associé et son gérant et, pour l'autre, l'un de ses salariés, seront empêchés par cette décision d'exercer leur profession. Il est toutefois constant que la sanction dont la décision contestée a pour objet de déterminer les conditions d'exécution, en particulier les dates de la suspension du droit d'exercer, n'est applicable qu'à la seule société Le Loup Blanc. Si elle exclut qu'aucun vétérinaire, notamment l'associé et le salarié de la société, puisse, pendant la durée de la suspension de la société, exercer pour le compte de celle-ci, elle ne leur interdit d'exercer pendant cette période ni pour leur propre compte, ainsi que le rappelle, au demeurant, la décision contestée, ni pour le compte d'une autre personne morale exerçant légalement la profession de vétérinaire.
5. La société requérante soutient, en second lieu, que la suspension de son droit d'exercer l'empêche de participer à la campagne de vaccination contre la maladie hémorragique épizootique, actuellement en cours, sous l'impulsion des services de l'Etat, dans les élevages bovins de la région Grand-Est et de la région Bourgogne. A l'appui de ce moyen, elle produit notamment des bons de commandes de doses de vaccin passées du 7 février au 28 mars 2025, postérieurement à la notification de la décision contestée. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la suspension du droit d'exercer de la société du 1er avril au 30 juin 2025 soit susceptible de compromettre l'accomplissement de la campagne de vaccination en cours, à laquelle peuvent continuer de participer tous autres vétérinaires exerçant légalement, à titre individuel ou en commun, leur profession, y compris l'associé et le salarié de la société Le Loup blanc, hors du cadre de cette dernière.
6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie en l'espèce. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, la requête présentée par la société Le Loup Blanc doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Loup Blanc la somme de 2 000 euros à verser au conseil national de l'ordre des vétérinaires en application des mêmes dispositions.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société le Loup Blanc est rejetée.
Article 2 : La société Le Loup Blanc versera une somme de 2°000 euros au conseil national de l'ordre des vétérinaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société le Loup Blanc et au conseil national de l'ordre des vétérinaires.
Fait à Paris, le 9 avril 2025
Signé : Nicolas Polge