Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 et 27 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de l'autoriser à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement des magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire pour la session 2025, ainsi que de la décision du 20 mars 2025 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa situation et de l'admettre à concourir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, depuis le mois d'octobre 2024, elle a renoncé à toute activité professionnelle afin de se consacrer exclusivement à la préparation du concours professionnel et ne perçoit plus de revenus professionnels, en deuxième lieu, elle subit un préjudice moral et financier important résultant de son investissement dans la préparation du concours et de son inscription à un établissement de préparation privée payant et, en dernier lieu, la décision litigieuse vient de lui être notifiée et l'empêche de concourir aux épreuves d'admissibilité qui se tiendront la semaine du 2 avril 2025 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle ne fait état d'aucune analyse des éléments et pièces qu'elle a produites, ni d'aucune motivation liée aux activités professionnelles qu'elle a exercées antérieurement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa candidature satisfait aux conditions posées par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, puisqu'elle est titulaire d'une maîtrise en droit privé et sciences criminelles et qu'elle a exercé en tout plus de sept ans en tant que gestionnaire de dossier et clerc auprès d'un huissier de justice et en tant que juriste chargé d'étude contentieux et juriste gestionnaire de portefeuille contentieux et puisqu'elle a, en parallèle de ces expériences, poursuivi ses études au sein de l'école nationale de procédure et au département de formation des stagiaires ;
- elle méconnaît le principe d'égalité entre les candidats dès lors que des profils admis à concourir les années précédentes sont identiques au sien ou présentent des activités manifestement moins qualifiantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;
- l'arrêté du 7 juillet 2024 fixant les modalités d'inscription des candidats au concours professionnel prévu par l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- l'arrêté du 18 octobre 2024 portant ouverture au titre de l'année 2025 du concours professionnel prévu par l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B..., et d'autre part, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 mars 2025, à 14 heures :
- le représentant de Mme B... ;
- Mme B... ;
- les représentants du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice ;
à l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Un concours professionnel est ouvert pour le recrutement de magistrats des second et premier grades de la hiérarchie judiciaire. / (...) Les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article et aux articles 23 et 24 sont remplies au plus tard à la date de la première épreuve du concours. (...) ". Aux termes de l'article 23 de la même ordonnance : " Le concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire prévu à l'article 22 est ouvert : 1° Aux personnes remplissant la condition prévue au 1° de l'article 17 et justifiant d'au moins sept années d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ".
3. Par une décision du 3 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser Mme B... à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, session 2025, au motif qu'elle ne justifiait pas d'au moins sept années d'activités professionnelles dans le domaine juridique, administratif, économique ou social la qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. Mme B... demande la suspension de l'exécution de cette décision et de celle du 20 mars 2025 par laquelle a été rejeté son recours gracieux.
4. Il résulte de l'instruction et des échanges à l'audience que, pour retenir ce motif, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prendre en compte dans sa totalité l'expérience de Mme B... en qualité de chargée d'études dans le domaine contentieux à la Caisse fédérale de crédit mutuel, du 17 juillet 2017 au 29 février 2024, estimant que le contenu de ces fonctions ne se caractérisait pas, dès leurs premières années d'exercice, par une autonomie et une technicité juridique la qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires, contrairement à celles dont elle faisait état à compter du 1er mars 2024. En l'état de l'instruction et eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose le ministre, le moyen tiré de ce qu'il aurait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation n'apparaît pas propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. Il en va de même, s'agissant d'un concours professionnel organisé pour la première fois sur le fondement des dispositions précitées de l'article 23 issues de la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, du moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre candidats de différentes promotions, ainsi que de celui tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Fait à Paris, le 29 mars 2025
Signé : Philippe Ranquet