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17/03/2025 | FRANCE | N°501875

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 mars 2025, 501875


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... et l'association Fonds de soutien juridique des sons ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 janvier 2025 du préfet de l'Hérault portant interdiction des rassemblements festifs à caractère musical et interdiction de circulation de tout véhicule transportant du matériel de sons à destination d'un rassemblement festif à caractère musical non décl

aré ou autorisé sur l'ensemble du territoire du département de l'Héraul...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... et l'association Fonds de soutien juridique des sons ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 janvier 2025 du préfet de l'Hérault portant interdiction des rassemblements festifs à caractère musical et interdiction de circulation de tout véhicule transportant du matériel de sons à destination d'un rassemblement festif à caractère musical non déclaré ou autorisé sur l'ensemble du territoire du département de l'Hérault du 3 janvier 2025 au 31 décembre 2025. Par une ordonnance n° 2501240 du 21 février 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 février et 5 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et l'association Fonds de soutien juridique des sons demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 21 février 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 janvier 2025 du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'insuffisance de motivation en ce qu'elle ne se prononce pas, d'une part, sur le caractère général et absolu de la délimitation du champ géographique des saisines de matériel de sonorisation type " sound system " dans le département de l'Hérault et, d'autre part, sur les exigences d'accessibilité et d'intelligibilité relatives à la mesure de police administrative prise par le préfet de l'Hérault ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à l'atteinte grave et immédiate que porte la décision contestée à la liberté de réunion et de manifestation et au droit de propriété à une échéance très proche des manifestations festives prévues ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété en ce que l'arrêté contesté, d'une part, interdit le transport de matériel de sonorisation de type " sound system " sur l'ensemble du réseau routier du département et, d'autre part, prévoit la possibilité de saisine du matériel en vue de sa confiscation par le tribunal ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion et de manifestation dès lors que la décision contestée excède le champ d'application de l'article L. 211-5 du code de sécurité intérieure en ce qu'elle soumet à déclaration un rassemblement festif de 250 personnes, inférieur au seuil de 500 personnes prévu par le texte ;

- le préfet de l'Hérault n'est pas compétent pour adopter l'arrêté contesté dès lors que, d'une part, la restriction de libertés et droits individuels relève de la compétence du législateur et, d'autre part, le préfet a excédé le champ d'application matériel, géographique et temporel de l'arrêté ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure en ce qu'il élargit son champ d'application matériel, géographique et temporel et porte interdiction des rassemblements festifs se déroulant tant dans des lieux publics que privés ;

- le préfet de l'Hérault s'est fondé à tort, d'une part, sur des rassemblements festifs ayant eu lieu par le passé hors du département de l'Hérault et, d'autre part, sur des éléments relatifs à la consommation d'alcool et de produits stupéfiants des participants, à la situation internationale actuelle, aux risques naturels et à la protection de l'environnement ne permettant pas de caractériser le risque de trouble grave à l'ordre public ;

- l'arrêté contesté méconnaît les principes de proportionnalité, d'intelligibilité et de sécurité juridique en ce que, d'une part, il porte une interdiction générale et absolue et, d'autre part, il élargit l'obligation de déclaration pour les rassemblements festifs de moins de 500 personnes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La liberté d'aller et de venir, la liberté de réunion et la libre disposition de son bien par un propriétaire ont le caractère d'une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative citées au point 1.

Sur le cadre juridique du litige :

3. Aux termes de l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure : " Les rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin et répondant à certaines caractéristiques fixées par décret en Conseil d'Etat tenant à leur importance, à leur mode d'organisation ainsi qu'aux risques susceptibles d'être encourus par les participants, font l'objet d'une déclaration des organisateurs auprès du représentant de l'Etat dans le département dans lequel le rassemblement doit se tenir, ou, à Paris, du préfet de police. Sont toutefois exemptées les manifestations soumises, en vertu des lois ou règlements qui leur sont applicables, à une obligation de déclaration ou d'autorisation instituée dans un souci de protection de la tranquillité et de la santé publiques. La déclaration mentionne les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, l'hygiène et la tranquillité publiques. L'autorisation d'occuper le terrain ou le local où est prévu le rassemblement, donnée par le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel d'usage, est jointe à la déclaration ". Aux termes de l'article L. 211-7 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut imposer aux organisateurs toute mesure nécessaire au bon déroulement du rassemblement, notamment la mise en place d'un service d'ordre ou d'un dispositif sanitaire. Il peut interdire le rassemblement projeté si celui-ci est de nature à troubler gravement l'ordre public ou si, en dépit d'une mise en demeure préalable adressée à l'organisateur, les mesures prises par celui-ci pour assurer le bon déroulement du rassemblement sont insuffisantes ". Aux termes de l'article R. 211-27 du même code : " Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d'organiser un rassemblement mentionné à l'article L. 211-5 sans déclaration préalable ou en violation d'une interdiction prononcée par le préfet du département ou, à Paris, par le préfet de police. Le tribunal peut prononcer la confiscation du matériel saisi ". Aux termes de l'article R. 211-2 du même code : " Les rassemblements mentionnés à l'article L. 211-5 sont soumis à la déclaration requise par cet article auprès du préfet du département dans lequel ils doivent se dérouler lorsqu'ils répondent à l'ensemble des caractéristiques suivantes : 1° Ils donnent lieu à la diffusion de musique amplifiée ; 2° Le nombre prévisible des personnes présentes sur leurs lieux dépasse 500 ; 3° Leur annonce est prévue par voie de presse, affichage, diffusion de tracts ou par tout moyen de communication ou de télécommunication ; 4° Ils sont susceptibles de présenter des risques pour la sécurité des participants, en raison de l'absence d'aménagement ou de la configuration des lieux ".

Sur la demande en référé :

4. Par un arrêté du 3 janvier 2025, le préfet de l'Hérault a interdit du 3 janvier 2025 au 31 décembre 2025 sur le territoire du département de l'Hérault la tenue des rassemblements festifs à caractère musical répondant à l'ensemble des caractéristiques énoncées à l'article R. 211-2 du code de la sécurité intérieure, autres que ceux légalement déclarés ou autorisés, ainsi que la circulation, au cours de la même période, de tout véhicule transportant du matériel de sons à destination d'un rassemblement festif à caractère musical non déclaré ou autorisé. Mme A... B... et autre ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 3 janvier 2025. Les requérants relèvent appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat de l'ordonnance du 21 février 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

5. L'intervention du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, est subordonnée à la réunion de deux conditions tenant, d'une part, à une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge dans les plus brefs délais, et, d'autre part, à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

6. S'agissant de la condition de l'urgence, il appartient à toute personne demandant au juge administratif d'ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Il revient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par cet article est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration.

7. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon eux, à suspendre l'arrêté préfectoral en litige, Mme B... et autre se bornent à faire valoir qu'il serait entaché d'illégalité en ce qu'il porte une atteinte grave et immédiate à la liberté de réunion et de manifestation, ainsi qu'au droit de propriété eu égard au risque de saisie du matériel de sonorisation transporté en vue de l'organisation d'une manifestation festive. Ils soutiennent en outre que cet arrêté ferait obstacle à la possibilité d'organiser des manifestations dont la tenue était prévue dans le département de l'Hérault, sans toutefois préciser si ces dernières ont donné lieu à la déclaration préalable prévue par les dispositions de l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure cité au point 3 et, le cas échéant, à une décision d'interdiction de la part de l'autorité préfectorale. Ce faisant, Mme B... et autre ne justifient pas de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour eux de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et autre ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B... et l'association Fonds de soutien juridique des sons est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et à l'association Fonds de soutien juridique des sons.

Copie en sera adressé pour information au ministre de l'intérieur.

Fait à Paris, le 17 mars 2025

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 501875
Date de la décision : 17/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2025, n° 501875
Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:501875.20250317
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