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06/03/2025 | FRANCE | N°501985

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 mars 2025, 501985


Vu la procédure suivante :

Mme B... D... et M. A... C..., agissant en leur nom et au nom de leur fils mineur E... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'admettre M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge avec leur enfant dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence sans délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2500

876 du 13 février 2025, le juge des référés du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... D... et M. A... C..., agissant en leur nom et au nom de leur fils mineur E... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'admettre M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge avec leur enfant dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence sans délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2500876 du 13 février 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de leur demande.

Par une requête, enregistrée le 27 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et M. C..., agissant tant en leur nom qu'au nom de leur fils E... C..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'urgence est caractérisée en raison de la composition de la famille et de l'état de santé de leur fils de trois ans qui est incompatible avec une vie dans la rue dès lors qu'il souffre de pathologies chroniques ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à l'hébergement d'urgence et à l'intérêt supérieur de l'enfant ;

- le recours introduit par la personne visée par une obligation de quitter le territoire français contre cette mesure d'éloignement ne permet pas, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, de la faire regarder comme s'étant maintenue au-delà de la période strictement nécessaire à son départ volontaire et d'exiger d'elle des circonstances exceptionnelles pour pouvoir prétendre à un hébergement d'urgence ;

- l'abstention du préfet de la Haute-Garonne de mettre en œuvre ses pouvoirs au bénéfice des requérants manifeste, en l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, une carence caractérisée des autorités de l'État dans la mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Seule une carence caractérisée des autorités de l'Etat dans la mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale permettant au juge des référés de faire usage des pouvoirs qu'il tient de ce texte, en ordonnant à l'administration de faire droit à une demande d'hébergement d'urgence. Il lui incombe d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration, en tenant compte des moyens dont elle dispose, ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée. Les ressortissants étrangers qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas vocation à bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence, une carence constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l'issue de la période strictement nécessaire à la mise en œuvre de leur départ volontaire, qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Constitue une telle circonstance, en particulier lorsque, notamment du fait de leur très jeune âge, une solution appropriée ne pourrait être trouvée dans leur prise en charge hors de leur milieu de vie habituel par le service de l'aide sociale à l'enfance, l'existence d'un risque grave pour la santé ou la sécurité d'enfants mineurs, dont l'intérêt supérieur doit être une considération primordiale dans les décisions les concernant.

4. Pour rejeter la demande tendant au bénéfice des dispositions précédentes que Mme D... et M. C..., ressortissants guinéens, ont présentée, en leur nom et au nom de leur enfant mineur, à l'encontre du préfet de la Haute-Garonne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, par l'ordonnance attaquée dont les intéressés interjettent appel, a, en premier lieu, relevé que leurs demandes d'asile avaient été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et qu'ils avaient fait l'un et l'autre l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 25 novembre 2024. Il en a déduit qu'alors même qu'ils avaient présenté des recours suspensifs contre ces mesures d'éloignement, ils ne pouvaient être regardés comme ayant vocation à demeurer sur le territoire français et devaient donc faire état de circonstances exceptionnelles de nature à justifier leur prise en charge par le dispositif d'hébergement d'urgence. En second lieu, au titre de l'appréciation de ces circonstances, il a relevé qu'hébergés de manière continue par l'Etat ou l'Office français de l'immigration et de l'intégration depuis leur arrivée en France en 2023, soit au titre de l'hébergement d'urgence, soit au titre des conditions matérielles d'accueil accordées aux demandeurs d'asile, ils s'étaient maintenus au sein de la structure d'hébergement des demandeurs d'asile en dépit, d'une part, de la mise en demeure de devoir quitter les lieux depuis la décision de la CNDA et, d'autre part, d'une prise en charge par le dispositif d'hébergement d'urgence entre le 18 janvier 2025 et le 27 janvier 2025. Il a également retenu que les éléments médicaux relatifs à leur fils demeuraient imprécis. Il s'est, enfin, fondé sur l'état de saturation du dispositif à la date de sa décision. Ayant estimé qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il n'apparaissait pas qu'en l'état de l'instruction, la famille, compte tenu de sa composition, se trouverait dans une situation telle qu'elle devrait être considérée comme prioritaire par rapport aux familles accompagnées de très jeunes enfants que l'administration n'est pas parvenue à héberger, il en a déduit que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir que l'absence d'attribution d'un hébergement révèlerait de la part de l'Etat une carence constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

5. Les requérants n'apportent au soutien de leur appel aucun élément sérieux de nature à remettre en cause ces constatations et cette appréciation. Ils ne sont, par suite, manifestement pas fondés à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, par l'ordonnance attaquée, rejeté leur demande.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme D... et M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... D... et M. A... C....

Copie en sera adressée à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL)

Fait à Paris, le 6 mars 2025

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 501985
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2025, n° 501985
Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:501985.20250306
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