Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre et 16 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus née du silence gardé par le collège national de second examen de la direction générale des finances publiques prévu à l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales sur sa demande tendant à la révision de la prise de position formelle de l'administration fiscale du 23 février 2024, rendue sur le fondement du 1° de l'article L. 80 B du même code ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le collège national de second examen de la direction générale des finances publiques a refusé de réviser la position prise par l'administration fiscale le 23 février 2024 en application du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, selon laquelle si le gain résultant de la cession de titres souscrits, dans un plan d'épargne en actions, en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprises est exonérée d'impôt sur le revenu sur le fondement du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts, la fraction de la plus-value de cession correspondant au gain d'exercice de tels bons est imposée dans les conditions prévues à l'article 163 bis G du même code.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 80 CB du même livre : " Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou 8° de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à la condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux. / (...) Lorsqu'elle est saisie d'une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l'administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. / A sa demande, le contribuable ou son représentant est entendu par le collège (...) ".
4. Une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal en réponse à une demande présentée par le contribuable dans les conditions prévues par les dispositions mentionnées au point 2 a, au regard des effets qu'elle est susceptible d'avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, le caractère d'une décision.
5. En principe, une telle décision ne peut, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt, pas être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent.
6. Lorsqu'une prise de position en réponse à une demande relevant de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales présente le caractère d'une décision susceptible d'un recours pour excès de pouvoir, le contribuable auteur de la demande qui entend la contester doit saisir préalablement l'administration dans les conditions prévues à l'article L. 80 CB du même livre cité au point 3. La décision par laquelle l'administration fiscale prend position à l'issue de ce second examen se substitue à sa prise de position initiale. Seule cette seconde prise de position peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, auquel il appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d'injonction qu'il tient du titre Ier du livre IX du code de justice administrative.
7. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que le silence gardé par l'administration à l'expiration du délai prévu au troisième alinéa de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales sur une demande de second examen fait naître une décision implicite de confirmation de sa prise de position initiale. Par suite, ne peut qu'être écartée la fin de non-recevoir, opposée par le ministre, tirée de l'irrecevabilité des conclusions d'annulation présentées par le requérant, faute d'existence, du fait du silence gardé par celui-ci, d'une décision du collège de second examen, dont il ressort des pièces du dossier que M. B... l'a saisi, dans les formes et délais prescrits, de la prise de position formelle qui lui avait été notifiée.
8. En revanche, en se bornant à soutenir que la prise de position contestée aurait pour conséquence, s'il s'y conformait, l'imposition, lors de la cession de titres souscrits dans un plan d'épargne en actions en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprises, du gain résultant de l'exercice de ces bons, y compris dans l'hypothèse où le prix de cession s'avèrerait inférieur à la valeur réelle des titres au jour de leur souscription, et sans que cette perte puisse être imputée sur le gain d'exercice, M. B... ne fait valoir l'existence d'aucun effet autre que fiscal. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions présentées par le requérant sont irrecevables.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu pour le Conseil d'Etat de se prononcer sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, que la requête, qui est entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, doit être rejetée par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 novembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 29 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle