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20/11/2024 | FRANCE | N°435944

France | France, Conseil d'État, Section, 20 novembre 2024, 435944


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 13 novembre et 6 décembre 2019 et les 3 février et 15 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Kosc, aux droits de laquelle vient la société MJA, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire, demande au Conseil d'Etat :



1°) d'enjoindre à l'Autorité de la concurrence de verser au débat contradictoire les rapports du mandataire indép

endant des 22 et 31 janvier 2018 ;



2°) d'annuler pour excès de pouvoir la dé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 13 novembre et 6 décembre 2019 et les 3 février et 15 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Kosc, aux droits de laquelle vient la société MJA, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'enjoindre à l'Autorité de la concurrence de verser au débat contradictoire les rapports du mandataire indépendant des 22 et 31 janvier 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 19-CSO-02 du 3 septembre 2019 par laquelle l'Autorité de la concurrence a clos une saisine d'office portant sur l'examen du respect des engagements concernant la cession du réseau DSL de Completel souscrits par Altice et Numericable Group et annexés à la décision n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SFR par Altice ;

3°) d'enjoindre à l'Autorité de la concurrence de rouvrir et de compléter l'instruction de ce dossier.

La société Kosc, qui fait valoir qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision attaquée, soutient que l'Autorité de la concurrence :

- a rendu sa décision à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir convoqué le commissaire du Gouvernement à la séance du 17 juillet 2019 ;

- a commis une erreur de droit et méconnu la portée des engagements pris en retenant qu'Altice ne les avaient pas méconnus alors qu'il résultait de ses constatations qu'elle n'avait pas respecté son obligation de résultat consistant à céder les éléments constitutifs du réseau DSL de Completel dans les délais convenus ;

- a commis une erreur de droit en s'abstenant de s'expliquer sur les nombreux manquements qu'elle dénonçait et d'en analyser les effets sur la date effective d'achèvement des opérations de cession des actifs du réseau lui permettant de commencer l'exploitation du réseau ;

- a commis une erreur de droit en refusant de rechercher les causes des difficultés constatées dans le cadre du processus d'accompagnement au prétexte que ni le mandataire désigné par l'Autorité de la concurrence ni la mission chargée du processus opérationnel d'accompagnement mise en place par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes n'avaient cherché à les identifier ;

- a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'aucune faute ne pouvait être déduite du retard d'Altice dans la transmission des mandats LIB et qu'il n'y avait pas lieu par conséquent de tenir compte des problématiques de présence ou de fourniture des LIB dans l'appréciation de la responsabilité d'Altice ;

- a commis une erreur d'appréciation en analysant les procès-verbaux de boucles, abstraction faite des réserves formulées par elle quant à l'absence de LIB ou de mesure RNO à RNO, pour apprécier l'ampleur du retard avec lequel le réseau a été livré ;

- a commis une erreur d'appréciation en retenant que les vérifications menées sous l'égide du mandataire à l'été 2017 ne démontraient pas l'existence de difficultés " endémiques " concernant le réseau livré ;

- a méconnu la portée des engagements pris en estimant que la remise de la documentation technique et juridique relative au réseau ne relevait pas du périmètre des engagements souscrits par Altice ;

- a méconnu la portée des engagements pris en excluant du périmètre des engagements la remise de certaines informations juridiques et techniques au motif que les informations concernées devaient lui permettre de proposer des services de gros par fibre et que l'engagement souscrit ne visait pas directement à répondre aux préoccupations de l'Autorité de la concurrence sur ce marché ;

- a commis une erreur de droit en s'abstenant de s'expliquer sur le refus réitéré de la société Altice de communiquer la documentation relative à la position des fibres ;

- a commis une erreur d'appréciation en retenant qu'Altice n'avait pas à sa disposition les informations relatives à la position des chambres d'extrémité, à la cartographie des liaisons, aux types de fibres utilisées, à l'emplacement des fibres, aux contrats de tiers ou aux droits des tiers sur les câbles de dégroupage (CDD) ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance qu'Altice n'avait pas à sa disposition certaines des informations en cause, en raison par exemple de leur ancienneté, l'autorisait à ne pas lui communiquer les informations qu'elle exigeait depuis plusieurs années et la dispensait de toute responsabilité à ce titre ;

- a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher, alors que son attention avait été appelée sur ce point par elle, si Altice n'avait pas méconnu ses engagements en adoptant une stratégie d'usure et de dénigrement à son préjudice.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Kosc, et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Altice France et de la société Altice SA ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014, l'Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société SFR par la société Numericable, filiale du groupe Altice, sous réserve de plusieurs engagements visant à préserver la concurrence sur les marchés affectés par l'opération. Dans ce cadre, la société Numericable s'est engagée à céder à un autre opérateur les éléments constitutifs du réseau de dégroupage DSL de la société Completel, filiale du groupe Altice. Le 21 décembre 2015, l'Autorité de la concurrence a agréé la société Kosc comme repreneur de ce réseau. Le contrat de cession conclu le 30 septembre 2015 prévoyait que la cession des éléments constitutifs de ce réseau devait être achevée le 31 mars 2017. Par une décision n° 18-SO-04 du 15 mars 2018, l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office afin d'examiner le respect des engagements relatifs à la cession de ce réseau. Au terme de son instruction, l'Autorité a prononcé la clôture de cette saisine d'office par une décision n° 19-CSO-02 du 3 septembre 2019, au motif que les retards et difficultés constatés dans le cadre du processus de cession de ce réseau n'étaient pas de nature à établir un manquement des sociétés du groupe Altice aux obligations résultant des engagements dont était assortie la décision d'autorisation du 30 octobre 2014. La société Kosc, aux droits de laquelle vient la société MJA, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette dernière décision.

Sur les dispositions applicables :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 430-1 à L. 430-7-1 du code de commerce qu'une opération de concentration remplissant les conditions fixées à l'article L. 430-2 de ce code doit être notifiée à l'Autorité de la concurrence avant sa réalisation et que sa réalisation effective ne peut intervenir qu'après l'accord de celle-ci ou, lorsqu'il a évoqué l'affaire dans les conditions prévues à l'article L. 430-7-1, celui du ministre chargé de l'économie. Il appartient à l'Autorité de la concurrence, après avoir apprécié les éventuels engagements des parties à l'opération à prendre des mesures visant notamment à remédier, le cas échéant, aux effets anticoncurrentiels de l'opération, soit de constater que l'opération qui lui a été notifiée ne figure pas au nombre de celles devant lui être notifiée, soit d'autoriser l'opération, en subordonnant éventuellement cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties, soit, après un examen approfondi, d'interdire l'opération et d'enjoindre, le cas échéant, aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante, ou de l'autoriser en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence.

3. Aux termes du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce : " Si elle estime que les parties n'ont pas exécuté dans les délais fixés une injonction, une prescription ou un engagement figurant dans sa décision, l'Autorité de la concurrence constate l'inexécution. Elle peut : / 1° Retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. A moins de revenir à l'état antérieur à la concentration, les parties sont tenues de notifier de nouveau l'opération dans un délai d'un mois à compter du retrait de la décision, sauf à encourir les sanctions prévues au I ; / 2° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l'obligation non exécutée d'exécuter dans un délai qu'elle fixe les injonctions, prescriptions ou engagements figurant dans la décision ; / 3° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l'obligation, d'exécuter dans un délai qu'elle fixe des injonctions ou des prescriptions en substitution de l'obligation non exécutée. / En outre, l'Autorité de la concurrence peut infliger aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée une sanction pécuniaire qui ne peut dépasser le montant défini au I. / La procédure applicable est celle prévue au deuxième alinéa de l'article L. 463-2 et aux articles L. 463-4, L. 463-6 et L. 463-7. Toutefois, les parties qui ont procédé à la notification et le commissaire du Gouvernement doivent produire leurs observations en réponse à la communication du rapport dans un délai de quinze jours ouvrés. / L'Autorité de la concurrence se prononce dans un délai de soixante-quinze jours ouvrés ". Aux termes du III de l'article L. 462-5 du même code, relatif aux attributions de l'Autorité de la concurrence : " Le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des pratiques mentionnées (...) à l'article L. 430-8 ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ". En application du deuxième alinéa de l'article L. 463-2 de ce code, un rapport est notifié aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés, accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés, ces destinataires disposant, en vertu de l'article L. 430-8 du même code, de quinze jours pour produire leurs observations sur ce rapport, avant que l'Autorité de la concurrence ne se prononce, dans un délai de soixante-quinze jours et dans les conditions prévues à l'article L. 463-7 du même code, qui prévoient notamment que les séances ne sont pas publiques, seuls les parties et le commissaire du Gouvernement pouvant y assister, l'Autorité de la concurrence pouvant également entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information.

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Autorité de la concurrence et les sociétés Altice France et Altice SA :

4. Il appartient à l'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante, lorsqu'elle est saisie de faits susceptibles de justifier l'adoption de mesures prévues à l'article L. 430-8 du code de commerce, de décider, après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à ces faits, dans les conditions prévues par les dispositions rappelées ci-dessus. A cet effet, elle peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu'elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l'ont été et, plus généralement, de l'ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge.

5. D'une part, les personnes qui interviennent sur le marché affecté par une opération de concentration autorisée par l'Autorité de la concurrence, et qui ont fait valoir auprès de celle-ci l'existence d'un manquement à une injonction, prescription ou engagement figurant dans la décision d'autorisation, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision faisant obstacle à ce que cette Autorité exerce, à raison de ce manquement, les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 430-8 du code de commerce, qu'il s'agisse de la décision par laquelle le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, avisé par les intéressés d'un tel manquement, refuse de proposer à l'Autorité de se saisir du manquement ainsi invoqué, ou de la décision par laquelle l'Autorité de la concurrence refuse de se saisir du manquement ainsi invoqué en dépit d'une proposition en ce sens de son rapporteur général.

6. D'autre part, si les mesures prévues à l'article L. 430-8 du code de commerce présentent, pour les parties à l'opération de concentration, le caractère de sanctions et sont, à ce titre, susceptibles de faire l'objet, de leur part, d'un recours de plein contentieux, les tiers qui interviennent sur les marchés affectés par l'opération autorisée par l'Autorité de la concurrence justifient, quant à eux, d'un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l'Autorité de la concurrence, après s'être saisie d'office, prononce une mesure corrective sur le fondement du 3° du IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, laquelle modifie les termes et conditions de l'autorisation initiale de concentration, et ce dans un délai de deux mois à compter de sa publication. Ces mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient également d'un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l'Autorité de la concurrence, après avoir constaté l'existence d'un manquement, décide qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'une des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° du IV de l'article L. 430-8 précité. Les mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision par laquelle l'Autorité de la concurrence met fin à la procédure engagée au motif que la situation soumise à son appréciation n'est pas de nature à établir un ou plusieurs manquements des parties à leurs obligations.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la société Kosc, société intervenant sur le marché affecté par l'opération de prise de contrôle exclusif de la société SFR par la société Numericable autorisée par l'Autorité de la concurrence, et qui, au demeurant, était le repreneur agréé par l'Autorité de la concurrence pour la cession du réseau DSL de la société Completel et avait d'ailleurs fait valoir auprès de l'Autorité des manquements à l'engagement imposant cette cession, est recevable à demander l'annulation de la décision contestée, par laquelle l'Autorité de la concurrence, après s'être saisie d'office de l'examen du respect des engagements concernant la cession de ce réseau souscrits par Altice et Numéricable Group, annexés à la décision n° 14-DCC-160, et avoir constaté l'absence de manquement d'Altice aux obligations découlant de celle-ci, a clôturé l'instruction de l'affaire. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par l'Autorité de la concurrence ne peut être accueillie.

Sur la requête :

En ce qui concerne la légalité externe :

8. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 463-2 et de l'article L. 436-7 du code de commerce, rendues applicables, par le renvoi opéré par les dispositions du IV de l'article L. 430-8 du même code, à la procédure de sanction en cas de manquements aux engagements pris lors d'une opération de concentration, que le commissaire du Gouvernement est destinataire du rapport par lequel les services d'instruction notifient aux intéressés les griefs qui leurs sont imputés, qu'il peut présenter des observations écrites sur ce rapport, et qu'il est convoqué à la séance de l'Autorité de la concurrence au cours de laquelle il peut présenter des observations orales. En revanche, ni ces dispositions, ni celles du III de l'article L. 462-5 du code de commerce n'imposent la convocation du commissaire du Gouvernement lorsque l'Autorité de la concurrence décide de se saisir d'office de faits susceptibles de constituer des manquements aux injonctions, prescriptions et engagements figurant dans une autorisation de concentration, ou lorsqu'elle décide de procéder à la clôture de sa saisine d'office en estimant qu'aucun manquement n'est constitué et sans, par conséquent, avoir envoyé aux parties le rapport par lequel les services d'instruction notifient des griefs aux intéressés. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, par laquelle l'Autorité de la concurrence a clos sa saisine d'office au motif qu'aucun manquement n'était constitué, aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute de convocation du commissaire du Gouvernement à la séance du 17 juillet 2019.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du respect de l'engagement de cession du réseau DSL de la société Completel :

9. Afin de prévenir le risque d'atteinte à la concurrence sur le segment des offres de gros établies sur la boucle locale cuivre et sur le marché des télécommunications fixes destinées aux entreprises pour les offres cuivre avec garantie de temps de rétablissement, la société Numéricable, filiale du groupe Altice, s'est engagée, au point 2.5.1 des engagements annexés à la décision n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 de l'Autorité de la concurrence, à céder à un autre opérateur les éléments constitutifs du réseau DSL de la société Completel, issu du dégroupage des boucles locales de cuivre du réseau téléphonique de l'opérateur historique, ainsi qu'à fournir, de manière optionnelle, des services de collecte longue distance en " fibres optiques noires " permettant à un acquéreur ne disposant pas de ses propres infrastructures de raccorder les différents éléments du réseau cédé.

10. Il ressort des pièces du dossier que ces engagements consistaient pour le groupe Altice, dans le délai prévu, à trouver un acquéreur, à signer un contrat définitif, à obtenir l'agrément du repreneur et du contrat par l'Autorité de la concurrence et à achever le processus de vente dans le délai de trois mois après l'agrément. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces engagements n'imposaient pas, en eux-mêmes, au groupe Altice de céder le réseau dans un délai permettant au cessionnaire d'exploiter effectivement ce réseau dès le 31 mars 2017, date prévue uniquement dans le contrat de cession conclu entre les sociétés Kosc et Numéricable le 30 septembre 2015.

11. Cependant, il appartient à l'Autorité de la concurrence de rechercher si, alors même que serait assuré le respect formel des critères expressément prévus par un engagement annexé à l'une de ses décisions, les parties ayant pris cet engagement ont adopté des mesures ou un comportement ayant pour conséquence de le priver de portée et de produire les effets anticoncurrentiels qu'il entend prévenir. En l'espèce, il lui incombait de déterminer si, au-delà de la conclusion du contrat de cession avec un repreneur agréé, le groupe Altice avait adopté un comportement privant d'effet utile les engagements pris, dont l'objectif était de permettre l'entrée d'un nouvel opérateur sur le marché des services de télécommunications fixes spécifiques entreprises, capable de proposer immédiatement les services de gros et de détail alors offerts par la société Completel sur son réseau DSL.

12. A ce titre, il ressort des pièces du dossier que l'Autorité de la concurrence a notamment vérifié si les retards constatés de livraison des boucles locales étaient imputables au comportement du groupe Altice, étant précisé qu'elle a estimé, conformément aux recommandations du mandataire chargé du suivi de l'exécution des engagements, que le bilan des livraisons effectives devait être dressé non pas au 31 mars 2017, date de livraison prévue dans le contrat de cession, mais à la fin du mois d'avril 2017, dès lors qu'après la livraison de la boucle locale par le groupe Altice, la société requérante disposait d'un délai de trente jours pour signer le procès-verbal de recettes ou pour émettre des réserves. Il en ressort également qu'elle a plus globalement vérifié, par ailleurs, si les sociétés du groupe Altice avaient adopté un comportement de nature à entraver l'allumage du réseau cédé.

13. En premier lieu, la société requérante fait valoir, s'agissant des liaisons nouvelles à créer résultant en particulier des modifications d'ampleur apportées à l'architecture du réseau d'un commun accord entre les parties, un retard d'Altice dans la transmission des mandats contenant les informations nécessaires pour commander auprès de la société Orange les liens inter-bâtiment, dits " mandats LIB ", retard ayant eu, selon elle, des conséquences sur l'allumage du réseau. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'ailleurs non sérieusement contestées par l'intéressée, que le groupe Altice lui a communiqué ces mandats, pour environ 70 % des boucles locales concernées avant le 31 mars 2017, et pour environ 90 % avant la fin du mois d'avril 2017, que moins de 5 % des retards de transmission des mandats étaient imputables au groupe Altice, et que l'intégralité des mandats LIB avaient été transmis en septembre 2017. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'engagement pris ne comportait aucune obligation de communiquer les mandats LIB quarante-cinq jours avant la livraison des boucles correspondantes. L'Autorité de la concurrence a donc pu légalement estimer que les modalités de transmission des mandats LIB ne permettaient pas de conclure à un manquement des sociétés du groupe Altice à l'engagement de céder à un autre opérateur les éléments constitutifs du réseau DSL de la société Completel.

14. En deuxième lieu, la société requérante fait valoir que, pour apprécier l'ampleur du retard de livraison du réseau, l'Autorité de la concurrence se serait, à tort, fondée sur les procès-verbaux de recettes établis par le groupe Altice, sans tenir compte des réserves formulées par elle. Toutefois, d'une part, il ressort des termes mêmes de la décision de l'Autorité de la concurrence, non sérieusement contestés, qu'au regard des procès-verbaux pour lesquels aucune réserve n'a été émise par la requérante ou pour lesquels les réserves ont été levées, au moins 89 % des boucles locales existantes devaient être considérées comme effectivement livrées au 31 mars 2017. D'autre part, s'agissant des 11 % restants, dans la quasi-totalité des cas, le groupe Altice avait émis un procès-verbal de levée de réserves en direction de la société Kosc avant la fin du mois d'avril 2017. S'il ressort des pièces du dossier que ces procès-verbaux n'ont certes été signés par cette dernière qu'entre septembre 2017 et juin 2018, notamment dans le cadre de l'accompagnement par le mandataire et du programme opérationnel d'accompagnement mis en place en février 2018 par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en vue de s'assurer de l'allumage du réseau cédé, il en ressort également que ces délais de levée de réserves ne provenaient pas, pour l'essentiel, d'un défaut de réparation imputable au groupe Altice, révélant un retard de livraison par ce dernier du réseau à céder, dès lors que les réserves en question tenaient, dans leur grande majorité, à l'absence de LIB et de fourniture de mesures de performances des boucles dites de " répartiteur numérique opérateur (RNO) à RNO ", et que leur levée dépendait, ainsi que l'a relevé l'Autorité de la concurrence sans être sérieusement contestée sur ce point, de diligences des sociétés Kosc et Orange ainsi que de prestations sur lesquelles le groupe Altice n'avait aucun contrôle. L'Autorité de la concurrence a pu légalement en déduire que ces réserves et le temps nécessaire à leur levée par la société Kosc n'établissaient pas un manquement des sociétés du groupe Altice à l'engagement de céder à un autre opérateur les éléments constitutifs du réseau DSL de la société Completel.

15. En troisième lieu, d'une part, si la société requérante soutient que le groupe Altice aurait dû lui transmettre la documentation technique relative aux positions de chambre d'extrémité et aux cartographies des liaisons, il ressort des pièces du dossier, comme d'ailleurs l'Autorité de la concurrence le fait valoir sans être contestée, que ni l'engagement pris ni, au demeurant, le contrat de cession ne prévoyaient la communication de ces documents à l'acquéreur. D'autre part, la société requérante ne saurait utilement invoquer l'absence de communication de la documentation relative aux positions des tiers sur les câbles de dégroupage et aux types de fibres utilisées sur le réseau, dès lors qu'il est constant, au vu des écritures des parties, que ces deux catégories d'informations étaient nécessaires pour développer des offres fibre, alors que l'engagement en cause ne visait pas à permettre le développement de ce segment de marché.

16. En quatrième lieu, c'est à bon droit que l'Autorité de la concurrence a relevé que, du fait même de la structure de l'engagement pris, qui ne porte pas sur la cession d'un réseau complet, les éléments du réseau devaient être reçus inactifs par l'acquéreur et qu'il appartenait à ce dernier de procéder à l'installation des équipements actifs et ainsi " d'allumer " le réseau, de sorte que le groupe Altice n'était pas responsable de l'allumage du réseau une fois celui-ci cédé à la requérante. Si la préservation de l'effet utile de l'engagement pris impliquait certes de rechercher si le groupe Altice avait adopté au cours de cette phase d'allumage du réseau un comportement de nature à priver cet engagement de sa portée en empêchant l'acquéreur de lancer son activité afin d'animer la concurrence sur les marchés en cause, il ressort des pièces du dossier que l'Autorité de la concurrence s'est livrée à cet examen en relevant que, dans le cadre du dispositif dit de " taskforce " créé par elle en avril 2017 et placé sous le contrôle du mandataire et du programme opérationnel d'accompagnement mis en place par l'ARCEP en février 2018, qui avaient pour but commun de parvenir, par la coopération des parties prenantes, à l'allumage du réseau par la requérante en surmontant les difficultés constatées, le groupe Altice s'était fortement impliqué, durant cette phase d'allumage du réseau, pour permettre la résorption de ces difficultés, ce qui avait permis au mandataire de relever qu'il n'existait pas de " difficultés endémiques " à l'été 2017, qu'environ 84 % des liaisons étaient opérationnelles et que, parmi les vingt-et-une liaisons qui ne l'étaient pas, seules cinq étaient " en investigation chez SFR ", les autres dépendant de l'action de tiers, notamment de la société Orange, ou de la société requérante elle-même.

17. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'Autorité de la concurrence n'était pas tenue de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par elle au cours de la procédure.

18. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société requérante, c'est à bon droit que l'Autorité de la concurrence, après avoir procédé à l'examen de l'ensemble des circonstances de fait et de droit pertinentes, a, par une décision au demeurant suffisamment motivée, constaté d'une part que la cession du réseau DSL de la société Completel, conformément à l'engagement imposant une telle cession à la société Numéricable, avait été réalisée au profit de la société Kosc, repreneur agréé, et estimé d'autre part que, au regard du degré d'exécution de cette cession, du niveau de coopération et des efforts réalisés par les sociétés Altice et Numéricable dans la transmission des mandats LIB et la livraison effective des boucles locales, ainsi que de leur implication au cours de la phase d'allumage du réseau par la requérante, ces sociétés n'avaient pas adopté un comportement de nature à priver d'effet utile l'engagement pris.

S'agissant du respect de l'engagement de ne pas faire obstacle à la migration des abonnés des opérateurs de télécommunications depuis les réseaux du groupe Altice par l'intermédiaire des offres de gros sur d'autres réseaux :

19. Il ressort des pièces du dossier que la société Numericable, filiale du groupe Altice, s'est également engagée, au point 2.6 des engagements annexés à la décision n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 de l'Autorité de la concurrence, à " ne pas utiliser de clauses contractuelles ni adopter tout comportement de nature à prévenir ou faire obstacle à la migration des abonnés des opérateurs de télécommunications depuis les réseaux de la nouvelle entité via des offres de gros sur d'autres réseaux ".

20. En premier lieu, la société requérante fait valoir qu'elle a fait l'objet d'actions en justice de la part du groupe Altice, qui l'a assignée devant le tribunal de commerce en décembre 2017 pour obtenir le paiement du solde du prix de cession et a fait bloquer ses comptes bancaires jusqu'à la levée de ces mesures en mai 2018 par le juge de l'exécution, que ses propres administrateurs, fournisseurs et clients lui ont rapporté avoir été approchés par Numéricable qui a entendu jeter le discrédit sur ses capacités, et qu'elle a été confrontée à des pratiques de facturation abusive, par Numéricable, des prestations qu'elle lui achetait. Toutefois, ces faits, à les supposer établis, dès lors notamment qu'ils n'ont pas eu pour cible les clients de la société Numéricable, ne sont pas de nature en tant que tels à établir l'existence d'un manquement à l'engagement précité de ne pas adopter de comportement de nature à empêcher les clients de la société Numéricable de migrer vers d'autres opérateurs proposant des offres de gros.

21. En second lieu, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance du point 2.5.1.3 des engagements, dès lors que celui-ci concerne l'obligation de maintenir la viabilité, la valeur marchande et la compétitivité de l'activité cédée pendant la période transitoire entre l'autorisation de concentration et l'achèvement du processus de vente, tandis que les manquements invoqués se rapportent à une période postérieure à cette vente.

22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Kosc n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision, au demeurant suffisamment motivée, en date du 3 septembre 2019 par laquelle l'Autorité de la concurrence a décidé la clôture de sa saisine d'office relative à l'examen du respect des engagements souscrits par les sociétés Altice et Numericable Group relatifs la cession du réseau DSL de la société Completel. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication des rapports établis par le mandataire les 22 et 31 janvier 2018, la requête de la société Kosc, y compris ses conclusions à fins d'injonction, doit être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Altice France et la société Altice SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Kosc est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Altice France et la société Altice SA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société MJA, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Kosc, à l'Autorité de la concurrence, à la société Altice France et à la société Altice SA.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, présidents adjoints de la section du contentieux ; M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 20 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Vella


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 435944
Date de la décision : 20/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DÉFENSE DE LA CONCURRENCE - AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE - POUVOIRS DE L’ADLC EN CAS D’INEXÉCUTION D’UN ENGAGEMENT FIGURANT DANS UNE DÉCISION D’AUTORISATION DE CONCENTRATION (IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) [RJ1] – INTÉRÊT D’UN TIERS INTERVENANT SUR LE MARCHÉ AFFECTÉ PAR UNE OPÉRATION DE CONCENTRATION À FORMER UN REP [RJ2] CONTRE UNE DÉCISION DE L’ADLC – 1) FAISANT OBSTACLE À CE QU’ELLE EXERCE CES POUVOIRS - APRÈS AVOIR ÉTÉ SAISIE D’UN MANQUEMENT PAR CE TIERS – EXISTENCE [RJ3] – 2) PRISE APRÈS QUE L’ADLC S’EST SAISIE D’OFFICE – A) PRONONÇANT UNE MESURE CORRECTIVE (3° DU IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) – EXISTENCE – B) REFUSANT DE TIRER DES CONSÉQUENCES DU CONSTAT D’UN MANQUEMENT – EXISTENCE – C) CLÔTURANT DE LA PROCÉDURE SANS RETENIR DE MANQUEMENT – EXISTENCE [RJ4].

14-05-005 Il appartient à l’Autorité de la concurrence (ADLC), autorité administrative indépendante (AAI), lorsqu’elle est saisie de faits susceptibles de justifier l’adoption de mesures prévues au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, de décider, après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à ces faits. A cet effet, elle peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge....1) D’une part, les personnes qui interviennent sur le marché affecté par une opération de concentration autorisée par l’ADLC, et qui ont fait valoir auprès de celle-ci l’existence d’un manquement à une injonction, prescription ou engagement figurant dans la décision d’autorisation, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision faisant obstacle à ce que cette Autorité exerce, à raison de ce manquement, les pouvoirs qu’elle tient du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, qu’il s’agisse de la décision par laquelle le rapporteur général de l’ADLC, avisé par les intéressés d’un tel manquement, refuse de proposer à l’Autorité de se saisir du manquement ainsi invoqué, ou de la décision par laquelle l’ADLC refuse de se saisir du manquement ainsi invoqué en dépit d’une proposition en ce sens de son rapporteur général....2) a) D’autre part, si les mesures prévues au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce présentent, pour les parties à l’opération de concentration, le caractère de sanctions et sont, à ce titre, susceptibles de faire l’objet, de leur part, d’un recours de plein contentieux, les tiers qui interviennent sur les marchés affectés par l’opération autorisée par l’ADLC justifient, quant à eux, d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l’ADLC, après s’être saisie d’office, prononce une mesure corrective sur le fondement du 3° du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, laquelle modifie les termes et conditions de l’autorisation initiale de concentration, et ce dans un délai de deux mois à compter de sa publication. ...b) Ces mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient également d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l’ADLC, après avoir constaté l’existence d’un manquement, décide qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’une des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° du IV de l’article L. 430 8 du code de commerce. ...c) Les mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision par laquelle l’ADLC met fin à la procédure engagée au motif que la situation soumise à son appréciation n’est pas de nature à établir un ou plusieurs manquements des parties à leurs obligations.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - DÉFENSE DE LA CONCURRENCE - CONTRÔLE DE LA CONCENTRATION ÉCONOMIQUE - POUVOIRS DE L’ADLC EN CAS D’INEXÉCUTION D’UN ENGAGEMENT FIGURANT DANS UNE DÉCISION D’AUTORISATION DE CONCENTRATION (IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) [RJ1] – INTÉRÊT D’UN TIERS INTERVENANT SUR LE MARCHÉ AFFECTÉ PAR UNE OPÉRATION DE CONCENTRATION À FORMER UN REP [RJ2] CONTRE UNE DÉCISION DE L’ADLC – 1) FAISANT OBSTACLE À CE QU’ELLE EXERCE CES POUVOIRS - APRÈS AVOIR ÉTÉ SAISIE D’UN MANQUEMENT PAR CE TIERS – EXISTENCE [RJ3] – 2) PRISE APRÈS QUE L’ADLC S’EST SAISIE D’OFFICE – A) PRONONÇANT UNE MESURE CORRECTIVE (3° DU IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) – EXISTENCE – B) REFUSANT DE TIRER DES CONSÉQUENCES DU CONSTAT D’UN MANQUEMENT – EXISTENCE – C) CLÔTURANT DE LA PROCÉDURE SANS RETENIR DE MANQUEMENT – EXISTENCE [RJ4].

14-05-01 Il appartient à l’Autorité de la concurrence (ADLC), autorité administrative indépendante (AAI), lorsqu’elle est saisie de faits susceptibles de justifier l’adoption de mesures prévues au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, de décider, après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à ces faits. A cet effet, elle peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge....1) D’une part, les personnes qui interviennent sur le marché affecté par une opération de concentration autorisée par l’ADLC, et qui ont fait valoir auprès de celle-ci l’existence d’un manquement à une injonction, prescription ou engagement figurant dans la décision d’autorisation, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision faisant obstacle à ce que cette Autorité exerce, à raison de ce manquement, les pouvoirs qu’elle tient du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, qu’il s’agisse de la décision par laquelle le rapporteur général de l’ADLC, avisé par les intéressés d’un tel manquement, refuse de proposer à l’Autorité de se saisir du manquement ainsi invoqué, ou de la décision par laquelle l’ADLC refuse de se saisir du manquement ainsi invoqué en dépit d’une proposition en ce sens de son rapporteur général....2) a) D’autre part, si les mesures prévues au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce présentent, pour les parties à l’opération de concentration, le caractère de sanctions et sont, à ce titre, susceptibles de faire l’objet, de leur part, d’un recours de plein contentieux, les tiers qui interviennent sur les marchés affectés par l’opération autorisée par l’ADLC justifient, quant à eux, d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l’ADLC, après s’être saisie d’office, prononce une mesure corrective sur le fondement du 3° du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, laquelle modifie les termes et conditions de l’autorisation initiale de concentration, et ce dans un délai de deux mois à compter de sa publication. ...b) Ces mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient également d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l’ADLC, après avoir constaté l’existence d’un manquement, décide qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’une des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° du IV de l’article L. 430 8 du code de commerce. ...c) Les mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision par laquelle l’ADLC met fin à la procédure engagée au motif que la situation soumise à son appréciation n’est pas de nature à établir un ou plusieurs manquements des parties à leurs obligations.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - INTÉRÊT LIÉ À UNE QUALITÉ PARTICULIÈRE - POUVOIRS DE L’ADLC EN CAS D’INEXÉCUTION D’UN ENGAGEMENT FIGURANT DANS UNE DÉCISION D’AUTORISATION DE CONCENTRATION (IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) [RJ1] – INTÉRÊT D’UN TIERS INTERVENANT SUR LE MARCHÉ AFFECTÉ PAR UNE OPÉRATION DE CONCENTRATION À FORMER UN REP [RJ2] CONTRE UNE DÉCISION DE L’ADLC – 1) FAISANT OBSTACLE À CE QU’ELLE EXERCE CES POUVOIRS - APRÈS AVOIR ÉTÉ SAISIE D’UN MANQUEMENT PAR CE TIERS – EXISTENCE [RJ3] – 2) PRISE APRÈS QUE L’ADLC S’EST SAISIE D’OFFICE – A) PRONONÇANT UNE MESURE CORRECTIVE (3° DU IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) – EXISTENCE – B) REFUSANT DE TIRER DES CONSÉQUENCES DU CONSTAT D’UN MANQUEMENT – EXISTENCE – C) CLÔTURANT DE LA PROCÉDURE SANS RETENIR DE MANQUEMENT – EXISTENCE [RJ4].

54-01-04-02-01 Il appartient à l’Autorité de la concurrence (ADLC), autorité administrative indépendante (AAI), lorsqu’elle est saisie de faits susceptibles de justifier l’adoption de mesures prévues au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, de décider, après avoir procédé à leur examen, des suites à donner à ces faits. A cet effet, elle peut tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge....1) D’une part, les personnes qui interviennent sur le marché affecté par une opération de concentration autorisée par l’ADLC, et qui ont fait valoir auprès de celle-ci l’existence d’un manquement à une injonction, prescription ou engagement figurant dans la décision d’autorisation, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision faisant obstacle à ce que cette Autorité exerce, à raison de ce manquement, les pouvoirs qu’elle tient du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, qu’il s’agisse de la décision par laquelle le rapporteur général de l’ADLC, avisé par les intéressés d’un tel manquement, refuse de proposer à l’Autorité de se saisir du manquement ainsi invoqué, ou de la décision par laquelle l’ADLC refuse de se saisir du manquement ainsi invoqué en dépit d’une proposition en ce sens de son rapporteur général....2) a) D’autre part, si les mesures prévues au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce présentent, pour les parties à l’opération de concentration, le caractère de sanctions et sont, à ce titre, susceptibles de faire l’objet, de leur part, d’un recours de plein contentieux, les tiers qui interviennent sur les marchés affectés par l’opération autorisée par l’ADLC justifient, quant à eux, d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l’ADLC, après s’être saisie d’office, prononce une mesure corrective sur le fondement du 3° du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, laquelle modifie les termes et conditions de l’autorisation initiale de concentration, et ce dans un délai de deux mois à compter de sa publication. ...b) Ces mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient également d’un intérêt leur donnant qualité pour contester pour excès de pouvoir une décision par laquelle l’ADLC, après avoir constaté l’existence d’un manquement, décide qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’une des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° du IV de l’article L. 430 8 du code de commerce. ...c) Les mêmes tiers, et dans les mêmes conditions, justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision par laquelle l’ADLC met fin à la procédure engagée au motif que la situation soumise à son appréciation n’est pas de nature à établir un ou plusieurs manquements des parties à leurs obligations.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR - RECOURS AYANT CE CARACTÈRE - RECOURS DES TIERS CONTRE CERTAINES DÉCISIONS PRISES PAR L’ADLC DANS LE CADRE DES POUVOIRS DONT ELLE DISPOSE EN CAS D’INEXÉCUTION D’UN ENGAGEMENT FIGURANT DANS UNE DÉCISION D’AUTORISATION DE CONCENTRATION (IV DE L’ARTICLE L - 430-8 DU CODE DE COMMERCE) [RJ2].

54-02-01-01 Ont le caractère d’un recours pour excès de pouvoir les recours par lesquels les personnes qui interviennent sur le marché affecté par une opération de concentration autorisée par l’Autorité de la concurrence (ADLC) contestent :...- une décision faisant obstacle à ce que cette Autorité exerce, à raison de ce manquement, les pouvoirs qu’elle tient du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, qu’il s’agisse de la décision par laquelle le rapporteur général de l’ADLC, avisé par les intéressés d’un tel manquement, refuse de proposer à l’Autorité de se saisir du manquement ainsi invoqué, ou de la décision par laquelle l’ADLC refuse de se saisir du manquement ainsi invoqué en dépit d’une proposition en ce sens de son rapporteur général ;...- une décision par laquelle l’ADLC, après s’être saisie d’office, prononce une mesure corrective sur le fondement du 3° du IV de l’article L. 430-8 du code de commerce, laquelle modifie les termes et conditions de l’autorisation initiale de concentration ;...- une décision par laquelle l’ADLC, après avoir constaté l’existence d’un manquement, décide qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’une des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° du IV de l’article L. 430 8 du code de commerce ;...- une décision par laquelle l’ADLC met fin à la procédure engagée au motif que la situation soumise à son appréciation n’est pas de nature à établir un ou plusieurs manquements des parties à leurs obligations.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - EXISTENCE DE MANQUEMENTS JUSTIFIANT QUE L’ADLC FASSE USAGE DES POUVOIRS PRÉVUS AU IV DE L’ARTICLE L - 430 8 DU CODE DE COMMERCE.

54-07-02-03 Le juge exerce un contrôle entier sur l’existence de manquements à une injonction, prescription ou engagement figurant dans une décision de l’Autorité de la concurrence (ADLC) autorisant une opération de concentration, justifiant que l’ADLC fasse usage des pouvoirs prévus au IV de l’article L. 430-8 du code de commerce.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2024, n° 435944
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:435944.20241120
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