Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a mise en demeure de quitter les lieux qu'elle occupe dans un délai de dix jours en précisant qu'à l'expiration de ce délai, il serait procédé à l'évacuation forcée des occupants, en second lieu, d'enjoindre à l'administration compétente de procéder, dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir, à l'examen de sa situation et de lui proposer un hébergement adapté à sa situation et, en dernier lieu et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cet arrêté dans l'attente de la réalisation d'un diagnostic social et d'une proposition d'hébergement. Par une ordonnance n° 2411530 du 13 novembre 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 novembre 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 30 octobre 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône portant mise en demeure de quitter les lieux dans un délai de 10 jours ;
3°) d'enjoindre à l'administration compétente de procéder, dans un délai de 15 jours à compter de l'ordonnance à intervenir, à l'examen de sa situation et de lui proposer un hébergement adapté à sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'état la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à sa qualité de mère isolée accompagnée de quatre enfants mineurs dont le risque de précarité est particulièrement élevé, en deuxième lieu, à leur évacuation imminente et à l'absence de proposition de mise à l'abri de la part de l'administration et, en dernier lieu, à sa pathologie cardiaque nécessitant un suivi médical constant ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au logement opposable, à son droit au respect de la vie privée et familiale et au principe d'inviolabilité du domicile ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal de Marseille a considéré que le logement qu'elle occupait pouvait être regardé comme un local à usage d'habitation au sens des dispositions de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 alors que, d'une part, la métropole d'Aix-Marseille-Provence n'a pas vocation à occuper les lieux dès lors qu'elle a acquis la propriété pour constituer une réserve foncière pour un projet de travaux publics et, d'autre part, il ne remplit pas les conditions minimales pour se voir qualifier de domicile ;
- l'arrêté litigieux, d'une part, en tant qu'il a été pris sans prendre en compte sa situation personnelle et familiale et notamment l'intérêt supérieur de ses enfants et, d'autre part, en tant qu'il ne prend pas en compte l'absence de proposition de relogement de la famille alors même que le domicile n'a pas vocation à permettre l'habitation d'autres personnes, contrairement aux dispositions de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 et de la circulaire du 2 mai 2024 relative à la réforme de la procédure administrative d'évacuation forcée en cas de " squat ", est de nature à porter une atteinte grave à sa situation personnelle eu égard, notamment, à son isolement et à la présence de ses quatre enfants mineurs âgés de quatre à douze ans.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Aux termes de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite : " En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale ou dans un local à usage d'habitation, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé, toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé peut demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile ou sa propriété et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire, par le maire ou par un commissaire de justice. / (...) / La décision de mise en demeure est prise, après considération de la situation personnelle et familiale de l'occupant, par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent amener le représentant de l'Etat dans le département à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur, ce délai est porté à sept jours et l'introduction d'une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative suspend l'exécution de la décision du représentant de l'Etat. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l'auteur de la demande. / Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ".
3. Par un arrêté du 30 octobre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a mis en demeure Mme A... B..., ressortissante croate, de quitter le logement qu'elle occupe avec ses enfants 506 chemin du Littoral à Marseille, propriété de la métropole Aix-Marseille-Provence, dans un délai de dix jours à compter du même jour et sous peine d'évacuation forcée passé ce délai. Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté. Par une ordonnance du 13 novembre 2024 dont elle relève appel, celui-ci a rejeté sa demande.
4. Il n'est pas sérieusement contesté en appel que comme l'a jugé la juge des référés du tribunal administratif, les conditions légales de mise en œuvre de la procédure prévue par l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 modifiée étaient remplies, le législateur ayant en particulier entendu permettre au propriétaire d'un local à usage d'habitation, lorsque l'occupant du local s'y est introduit et maintenu à l'aide de manœuvres, de demander au préfet de mettre en œuvre cette procédure, si ce propriétaire a déposé plainte et lorsque cette occupation a été constatée par une personne habilitée. La circonstance qu'en l'espèce les locaux en cause soient dans un état " totalement délabré " selon les termes de la requête d'appel et seraient en réalité de ce fait impropres à l'habitation ne change pas le fait que leur vocation actuel est d'être à usage d'habitation.
5. S'il appartient au préfet de prendre en considération la situation personnelle et familiale de l'occupant, il résulte de l'instruction que le préfet a tenu compte de la situation de Mme B..., qui occupe ce local délabré avec ses quatre enfants mineurs, et qu'il a sollicité le jour de l'édiction de son arrêté le service intégré de l'accueil et de l'orientation des Bouches-du-Rhône afin qu'une solution d'hébergement puisse être proposée à l'intéressée et à ses enfants, l'octroi d'une solution d'hébergement immédiate étant prioritaire pour un public vulnérable.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de Mme B... ne peut être accueilli. Par suite, sa requête, y compris les conclusions présentées aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B....
Copie en sera adressée à la métropole Aix-Marseille-Provence, au ministre de l'intérieur et au préfet des Bouches du Rhône.