Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 498437, par une requête enregistrée le 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations La Cimade, Groupe accueil et solidarité, JRS France, la Ligue des droits de l'homme et Dom'asile demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de prendre les mesures d'organisation nécessaires à la réduction du délai de délivrance des documents tenant lieu d'état-civil ;
2°) d'enjoindre à l'OFPRA et au ministre de l'intérieur de prendre toutes mesures utiles afin de réduire ce délai à 60 jours, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'ordonnance ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'examiner la possibilité de solliciter l'affectation des crédits nécessaires à la création d'une division temporaire consacrée à la réduction du nombre de demandes d'état-civil pendantes, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'ordonnance.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à l'atteinte grave et immédiate portée aux droits des personnes dont elles défendent les intérêts, en second lieu, à l'intérêt public qui s'attache à l'effectivité de la protection et des droits octroyés au titre de l'asile, enfin, à la nécessité de faire cesser l'atteinte aux droits conférés par le droit de l'Union européenne ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus contestée ;
- le défaut de délivrance des documents tenant lieu d'état-civil dans un délai raisonnable méconnaît le droit des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire au respect de leur vie privée et familiale ainsi qu'au bénéfice de leurs droits et de la protection inhérente à l'octroi de l'asile, en vertu de la convention de Genève du 28 juillet 1951, de la convention de New York du 28 septembre 1954 et des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prises pour la transposition de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011.
II. Sous le n° 498491, par une requête enregistrée le 17 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et l'association Avocats pour la défense du droit des étrangers présentent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, une demande tendant aux mêmes fins que celle enregistrée sous le n° 498437, en soulevant les mêmes moyens.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Par deux requêtes, ayant le même objet, qu'il y a lieu de joindre, les associations La Cimade, Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution du refus implicite opposé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à leur demande tendant à ce que soient prises les mesures d'organisation nécessaires à la réduction du délai de délivrance des documents tenant lieu d'état-civil, d'autre part, d'enjoindre à l'Office et au ministre de l'intérieur de prendre les mesures permettant de réduire ce délai à 60 jours et de solliciter les crédits nécessaires, dans un délai de trois mois à compter de la présente ordonnance.
3. Aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides est habilité à délivrer aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d'apatride, après enquête s'il y a lieu, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine. Les pièces délivrées par l'office ne sont pas soumises à l'enregistrement ni au droit de timbre ". Aux termes de l'article L. 561-16 de ce code : " Dans l'attente de la fixation définitive de son état civil par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire peut solliciter le bénéfice des droits qui lui sont ouverts en application du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code de l'action sociale et des familles et du code de la construction et de l'habitation, sur la base de la composition familiale prise en compte dans le cadre de l'examen des demandes d'asile (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'article D. 561-12 du même code dispose que : " (...) le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire peut solliciter auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou du gestionnaire du lieu d'hébergement une attestation provisoire relative à la composition familiale. / L'attestation est délivrée à l'intéressé, par extraction du traitement automatisé régi par les articles R. 142-51 à R. 142-58, sur présentation de la décision lui reconnaissant la qualité de réfugié ou lui accordant le bénéfice de la protection subsidiaire. / L'attestation indique la composition de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire telle que prise en compte dans le cadre de la procédure d'asile prévue aux titres II, III et V ". Enfin, l'article D. 561-14 précise que : " L'attestation mentionnée à l'article D. 561-12 est valable à compter de sa date de délivrance et jusqu'à la délivrance par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des documents d'état civil attestant la composition familiale ".
4. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. Pour caractériser l'urgence qui s'attache, selon elles, aux mesures qu'elles sollicitent, les associations requérantes font valoir que les délais anormalement longs de délivrance des documents tenant lieu d'état-civil mentionnés à l'article L. 121-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exposent, de façon grave et immédiate, plusieurs dizaines de milliers de personnes s'étant vu octroyer le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, mais en attente de la délivrance de ces documents, à une méconnaissance de leurs droits civils, économiques et sociaux, notamment pour leur protection résultant du droit de l'Union européenne.
6. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 2 que, dans l'attente de la délivrance par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des documents tenant lieu d'état-civil, les personnes bénéficiant du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire peuvent solliciter une attestation provisoire, valable jusqu'à la délivrance de ces documents, afin de bénéficier sans attendre de la protection et des droits qui leur sont ouverts, notamment en vertu des dispositions prises pour la transposition de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, sur la base de la composition familiale prise en compte dans le cadre de l'examen de leur demande d'asile. Si les associations requérantes font valoir que ces attestations, dont elles ne contestent pas la prompte délivrance, seraient parfois erronées et, en tout état de cause, insuffisamment prises en compte pour l'ouverture et le maintien des droits en ce qu'elles ne constituent que des documents provisoires, elles se bornent sur ce point à des allégations générales quant aux " difficultés " rencontrées par les intéressés pendant " une période d'incertitude anormalement longue ". Par suite et eu égard à l'avancement de la procédure d'instruction des requêtes au fond, pour lesquelles une clôture d'instruction a d'ores et déjà été décidée, la condition d'urgence qui s'attacherait à la suspension demandée ne peut être regardée comme remplie.
7. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de l'association La Cimade et autres, y compris leurs conclusions à fin d'injonction, doivent être rejetées selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les requêtes de l'association La Cimade et autres et du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et autre sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association La Cimade, première dénommée sous le numéro 498437, et au Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, premier dénommé sous le numéro 498491.
Copie en sera adressée pour information à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Fait à Paris, le 25 octobre 2024
Signé : Suzanne von Coester