Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société UGGC Avocats demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la note n° 360/24/SG du 2 avril 2024 de la secrétaire générale du Gouvernement relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics et la protection fonctionnelle.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, d'une part, dès lors qu'elle justifie d'un intérêt à agir et, d'autre part, eu égard aux effets notables de la note de service sur ses destinataires et sur les avocats titulaires de conventions d'honoraires de protection fonctionnelle conclues au bénéfice des gestionnaires publics mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la note contestée a une incidence directe sur les poursuites engagées à l'encontre de gestionnaires publics, en deuxième lieu, elle empêche l'exécution des conventions d'honoraires et, en dernier lieu, elle instaure une nouvelle règle se distinguant fortement de la pratique usuelle devant cette juridiction qui a succédé à la cour de discipline budgétaire et financière ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision contestée est entachée d'illégalité en ce qu'elle méconnaît la portée et le champ d'application des article L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique en ce qu'elle exclut les poursuites devant la Cour des comptes comme ne relevant pas de " poursuites pénales " ;
- elle méconnaît la portée du principe général du droit à la protection fonctionnelle ;
- l'interprétation qui est donnée des dispositions de l'article L. 134-1 du code général de la fonction publique révèle une incompétence négative du législateur, en ce que ce dernier n'a pas explicitement prévu d'exclure du champ de la protection fonctionnelle les procédures engagées par la chambre du contentieux de la Cour des comptes à l'encontre des gestionnaires publics ;
- elle conduit à une méconnaissance du principe d'égalité et des droits de la défense.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 septembre 2024, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requérante. Elle soutient que son intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la note attaquée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des juridictions financières ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Mme B... justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Ainsi, son intervention est recevable.
3. Aux termes de l'article L. 134-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public ou, le cas échéant, l'ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 134-2 du même code : " Sauf en cas de faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la responsabilité civile de l'agent public ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute commise dans l'exercice de ses fonctions ". Aux termes de l'article L. 134-3 du même code : " Lorsque l'agent public a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à l'agent public, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ". Aux termes de l'article L. 134-4 du même code : " Lorsque l'agent public fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection (...) ". Selon l'article L. 134-5 de ce même code : " La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".
4. Par une note de service n° 360/24/SG du 2 avril 2024 relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, adressée aux secrétaires généraux et aux directeurs des affaires juridiques des ministères, la secrétaire générale du Gouvernement a rappelé que la protection fonctionnelle prévue par les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique citées au point 3 est accordée à l'agent par la collectivité publique qui l'emploie en vue de le protéger dans l'exercice de ses fonctions contre les menaces et attaques dont il peut faire l'objet, et lui garantissent également une protection en matière civile et pénale. Elle précise toutefois que, dès lors, d'une part, que les juridictions financières ne constituent pas des juridictions pénales et, d'autre part, que les poursuites devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes puis, le cas échéant, devant la cour d'appel financière ne peuvent être assimilées à des " attaques " au sens des dispositions de l'article L. 135-5 du code général de la fonction publique, la protection fonctionnelle ne peut être accordée aux fonctionnaires poursuivis devant ces juridictions, de sorte que les demandes tendant au bénéfice de cette protection doivent, dans de telles circonstances, être rejetées au motif que ce cas de figure n'est pas prévu par les dispositions légales en vigueur. La société UGGC Avocats a saisi le Conseil d'Etat d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette note de service du 2 avril 2024 en tant qu'elle exclut du champ d'application de la protection fonctionnelle les procédures engagées à l'encontre des gestionnaires publics devant les juridictions financières, et demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution.
5. Pour justifier de l'urgence qui s'attache à suspendre l'exécution de la note de service en litige, la société requérante fait valoir, en premier lieu, que les énonciations contestées sont entachées d'illégalité en ce qu'elles méconnaissent la portée et le champ d'application de la protection fonctionnelle instituée à l'article L. 134-4 du code général de la fonction publique en excluant les poursuites devant la Cour des comptes comme ne relevant pas de " poursuites pénales ". En deuxième lieu, la société UGGC Avocats soutient que cette note a une incidence directe sur la situation de l'une de ses clientes, ancienne directrice de l'établissement public AgroParisTech, en ce qu'elle ne sera plus en mesure d'assurer la défense de l'intéressée dans le cadre des poursuites engagées à son encontre devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes. En troisième lieu, il est soutenu qu'elle affecte de manière directe et certaine les ressources financières et la gestion des équipes d'avocats composant le cabinet requérant. Toutefois, d'une part, la seule circonstance qu'une note de service serait entachée d'illégalité, à la supposer établie, n'est, par elle-même, pas de nature à caractériser une situation d'urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond de la requête à fin d'annulation de l'arrêté et de la note de service en cause, l'exécution de celle-ci soit suspendue à titre conservatoire. D'autre part, les considérations d'ordre général mises en avant, qui ne sont pas étayées par des éléments précis établissant la réalité de l'incidence de cette note de service sur l'activité de la requérante, ne sont pas de nature à établir que l'exécution de la note de service dont la suspension est demandée en référé serait susceptible de porter une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des personnes dont ce cabinet d'avocats est chargé d'assurer la défense ou aux intérêts qu'il entend défendre.
6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie en l'espèce. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des énonciations de la note de service contestée, la requête de la société UGGC Avocats doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de Mme B... est admise.
Article 2 : La requête de la société UGGC Avocats est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société UGGC Avocats et à Mme A... B....