Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer en urgence son hébergement dans une structure adaptée à son âge ainsi que de lui assurer une prise en charge de ses besoins essentiels jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait définitivement statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil, dans un délai de douze heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2421728 du 19 août 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d'une part, admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par une requête, enregistrée le 30 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler l'ordonnance du 19 août 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer en urgence son hébergement dans une structure adaptée à son âge ainsi que de lui assurer une prise en charge de ses besoins essentiels jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait définitivement statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil, dans un délai de douze heures à compter de la notification l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il est recevable à saisir le juge des référés pour solliciter un hébergement d'urgence en tant que mineur isolé ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'en l'absence de prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ou au titre de l'hébergement d'urgence, il se trouve dépourvu de logement et dans une situation d'extrême précarité mettant en péril sa santé ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant et à son droit à l'hébergement d'urgence ;
- sa minorité est établie eu égard aux documents d'identité qu'il produit ;
- il est établi que, d'une part, il se trouve dans une situation de détresse psychique au sens de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles et, d'autre part, l'Etat est à l'origine d'une carence caractérisée dans la mise en œuvre de son droit à l'hébergement d'urgence.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'article 375 du code civil dispose que : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 373-5 de ce code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. (...) ".
3. L'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (...) / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (...) ". L'article L. 222-5 du même code dispose que : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil (...) ". L'article L. 223-2 de ce code dispose que : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / (...) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil ".
4. Aux termes de l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence. / II.- En vue d'évaluer la situation de la personne mentionnée au I et après lui avoir permis de bénéficier d'un temps de répit, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. / L'évaluation est réalisée par les services du département. Dans le cas où le président du conseil départemental délègue la mission d'évaluation à un organisme public ou à une association, les services du département assurent un contrôle régulier des conditions d'évaluation par la structure délégataire. / (...) / Il statue sur la minorité et la situation d'isolement de la personne, en s'appuyant sur les entretiens réalisés avec celle-ci, sur les informations transmises par le représentant de l'Etat dans le département ainsi que sur tout autre élément susceptible de l'éclairer. / (...) / V.- Les modalités d'application du présent article, notamment des dispositions relatives à la durée de l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I et au versement de la contribution mentionnée au IV, sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 221-11 du même code dispose que : " I. - Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II. - Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. (...) / IV. - Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin ". L'article R. 223-2 du même code dispose que les décisions de refus de prise en charge sont motivées et mentionnent les voies et délais de recours.
5. Enfin, selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.
7. Il en résulte également que, lorsqu'il est saisi par un mineur d'une demande d'admission à l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles, décider de saisir l'autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d'admettre le mineur à l'aide sociale à l'enfance sans que l'autorité judiciaire l'ait ordonné. L'article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d'assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation mentionnée au point 4 ci-dessus, au motif que l'intéressé n'aurait pas la qualité de mineur isolé, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département.
8. Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il lui apparaît que l'appréciation portée par le département sur l'absence de qualité de mineur isolé de l'intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d'enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.
9. Il résulte de l'instruction conduite devant la juge des référés du tribunal administratif de Paris que M. B..., de nationalité camerounaise, a déclaré être né le 22 septembre 2007 et être arrivé en France à la fin du mois d'août 2023. A la suite de l'entretien d'évaluation prévu par l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles qui a eu lieu le 30 août 2023, la ville de Paris a refusé sa prise en charge au titre de l'accueil provisoire d'urgence des mineurs non accompagnés, au motif que ses propos relatifs à sa famille, sa scolarité, sa vie quotidienne au Cameroun étaient insuffisamment précis et non situés dans le temps, son parcours migratoire n'étant en outre pas compatible avec l'âge allégué. Le juge des enfants du tribunal judiciaire de Paris, saisi par M. B... le 22 septembre 2023, a refusé par une ordonnance du 17 avril 2004, dont l'intéressé a relevé appel, de faire droit à sa demande tendant à son placement à l'aide sociale à l'enfance. Sa demande, présentée le 12 août 2024 sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à être mis à l'abri et pris en charge en tant que mineur par la Ville de Paris, a été rejetée par la juge des référés du tribunal administratif de Paris le 10 juillet 2024, après la tenue d'une audience publique. Son ordonnance retient, d'une part, qu'au vu du caractère non concordant des pièces produites par M. B..., il n'apparaissait pas que le la Ville de Paris aurait porté une appréciation manifestement erronée sur l'absence de qualité de mineur de l'intéressé et que son refus révèle, au vu de la situation de M. B..., une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et, d'autre part, que si le requérant a fait état d'une vulnérabilité liée à son jeune âge et à son isolement, il n'a pas apporté pas d'élément de nature à établir qu'il se trouvait dans une situation de détresse médicale, psychique ou sociale particulière, le traitement médical qui lui a été prescrit ne révélant pas, à lui seul une vulnérabilité particulière.
10. A l'appui de sa requête d'appel, M. B..., âgé selon ses déclarations de 16 ans et onze mois, se borne à faire valoir que sa minorité serait établie au vu des pièces qu'il a fournies et qu'il se trouve dépourvu de logement et dans une situation d'extrême précarité mettant en péril sa santé, sans avancer ou produire d'autres éléments que ceux soumis à la juge des référés du tribunal administratif de paris. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la Ville de Paris de l'héberger provisoirement dans l'attente que la cour d'appel de Paris statue sur l'appel qu'il a formé contre l'ordonnance du juge des enfants du 17 avril 2004 rejetant sa demande de placement à l'aide sociale à l'enfance.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et celles aux fins d'injonction, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....