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20/08/2024 | FRANCE | N°497008

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 août 2024, 497008


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " France Nature Environnement ", l'association " Eau et Rivières de Bretagne ", l'association " Sources et Rivières du Limousin " et l'Association Nationale pour la Protection des Eaux et Rivières demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 juillet 2024 du ministre

de la transition écologique et de la cohésion des territoires modifiant l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " France Nature Environnement ", l'association " Eau et Rivières de Bretagne ", l'association " Sources et Rivières du Limousin " et l'Association Nationale pour la Protection des Eaux et Rivières demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 juillet 2024 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires modifiant l'arrêté du 9 juin 2021 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux plans d'eau, y compris en ce qui concerne les modalités de vidange, relevant de la rubrique 3.2.3.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient d'un intérêt pour agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, l'arrêté contesté porte atteinte aux intérêts qu'elles défendent eu égard à leurs objets sociaux et, d'autre part, l'arrêté contesté porte une atteinte suffisamment grave, immédiate et irréversible à la protection de l'environnement, en l'espèce aux zones humides et à leur bonne conservation ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté méconnait le principe de non-régression dès lors que, en premier lieu, il réduit le champ d'application de la protection des zones humides de l'article 4 de l'arrêté du 9 juin 2021, en deuxième lieu, toute diminution du nombre de zones humides a des incidences notables pour l'environnement, en troisième lieu, aucune garantie ou règle alternative ne sont prévues afin de compenser cette réduction et, en dernier lieu, il méconnaît la loi sur l'eau ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation comme méconnaissant les articles L. 210-1, L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l'environnement qui ont pour objet la préservation des zones humides et la gestion durable et équilibrée de la ressource ;

- il méconnait le principe de prévention en ce que ce principe exige du pouvoir réglementaire, d'une part, qu'il établisse les mesures applicables aux plans d'eau permettant la préservation des zones humides et, d'autre part, qu'il mette en œuvre une évaluation environnementale de l'arrêté contesté ;

- il est entaché d'illégalité dès lors qu'il doit être regardé comme un " plan et programme " au sens de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 et qu'aucune évaluation environnementale préalable a son adoption n'a été diligentée par les services de l'Inspection générale et de l'environnement et du développement durable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. "

2. Les associations " France Nature Environnement ", " Eaux et Rivières de Bretagne ", " Sources et Rivières du Limousin " et l'Association pour la Protection des Eaux et Rivières demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, en application des dispositions citées au point 1, l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 3 juillet 2024 modifiant l'arrêté du 9 juin 2021 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux plans d'eau, y compris en ce qui concerne les modalités de vidange, relevant de la rubrique 3.2.3.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, publié au Journal officiel de la République française le 16 juillet 2024.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L 214-2 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques. " L'article R. 214-1 du même code soumet, en son point 3.3.1.0, l'" assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais " à autorisation lorsque la zone asséchée ou mise en eau est d'une superficie supérieure à 1 hectare, et à déclaration lorsque sa superficie se situe entre 0,1 et 1 hectare.

4. L'article 4 de l'arrêté du 9 juin 2021 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux plans d'eau, y compris en ce qui concerne les modalités de vidange, relevant de la rubrique 3.2.3.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement prévoyait, dans sa rédaction antérieure à l'arrêté litigieux : " L'implantation d'un plan d'eau en zone humide ne peut intervenir que s'il participe à l'opération de restauration de la zone humide, ou dès lors que le projet de création du plan d'eau respecte les conditions suivantes : / - la création du plan d'eau répond à un intérêt général majeur ou les bénéfices escomptés du projet en matière de santé humaine, de maintien de la sécurité pour les personnes ou de développement durable l'emportent sur les bénéfices pour l'environnement et la société liés à la préservation des fonctions de la zone humide, modifiées, altérées ou détruites par le projet ; / - les objectifs bénéfiques poursuivis par le projet ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d'autres moyens constituant une option environnementale sensiblement meilleure ; / - les mesures de réduction et de compensation de l'impact qui ne peut pas être évité, sont prises en visant la plus grande efficacité. " La modification introduite par l'arrêté contesté a pour objet de créer une exception aux conditions de création de plans d'eau en zone humide édictées par ces dispositions pour les plans d'eau " dont la surface implantée en zone humide est supérieure ou égale au seuil d'autorisation de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ", soit un hectare, ainsi qu'il a été dit au point précédent.

5. Si les associations requérantes, pour tenter d'établir l'urgence qui s'attacherait à la suspension de cet arrêté, développent diverses considérations relatives à l'importance des zones humides dans l'équilibre écologique et aux perturbations que peut y introduire la création de plans d'eaux si elle n'est pas très strictement encadrée, ces considérations d'ordre général ne démontrent pas que la modification d'ampleur limitée résultant de l'arrêté litigieux préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des associations requérantes ou aux intérêts qu'elles entendent défendre. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, leur requête en référé doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce qu'il y a lieu de faire selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association " France Nature Environnement " et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association " France Nature Environnement ", première requérante dénommée.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Fait à Paris, le 20 août 2024

Signé : Alain Seban


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 497008
Date de la décision : 20/08/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 aoû. 2024, n° 497008
Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:497008.20240820
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