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16/08/2024 | FRANCE | N°496994

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 août 2024, 496994


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Lozère de prendre les mesures nécessaires à son éloignement du territoire français vers la Lettonie au plus tard le lundi 12 août 2024, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 1000 euros par jour de retard afin qu'il bénéficie de sa libération conditionnelle. Par une

ordonnance n° 2403173 du 13 août 2024, le juge des référés du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Lozère de prendre les mesures nécessaires à son éloignement du territoire français vers la Lettonie au plus tard le lundi 12 août 2024, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 1000 euros par jour de retard afin qu'il bénéficie de sa libération conditionnelle. Par une ordonnance n° 2403173 du 13 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 14 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de juger que le préfet de la Lozère est soumis à une obligation de mettre à exécution son expulsion du territoire français en direction de la Lettonie ordonnée par le juge de l'application des peines le 8 juillet 2024 ;

2°) de constater l'absence d'exécution de la part du préfet de la Lozère de cette obligation ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Lozère de prendre les mesures nécessaires pour que, d'une part, il quitte le territoire français en direction de la Lettonie au plus tard le vendredi 16 août 2024 et, d'autre part, il bénéficie de sa libération conditionnelle.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que son expulsion vers la Lettonie prévue le 29 août 2024 aurait pour conséquence de ne le faire bénéficier que d'une semaine de libération conditionnelle au lieu de sept ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à sa liberté individuelle ;

- l'absence d'exécution immédiate de son expulsion par le préfet de la Lozère prive de portée effective la décision du juge d'application des peines du 8 juillet 2024 et constitue une détention arbitraire ;

- la prise d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire est surabondante et ne constitue pas une mise à exécution de cette ordonnance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article 720 du code de procédure pénale : " I.-La situation de toute personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est obligatoirement examinée par le juge de l'application des peines afin que soit prononcée une libération sous contrainte lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir " Aux termes de l'article 729-2 du même code : " Lorsqu'un étranger condamné à une peine privative de liberté est l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français, d'interdiction administrative du territoire français, d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le territoire français, d'interdiction de circulation sur le territoire français, d'expulsion, d'extradition ou de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen, sa libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée. " Enfin, aux termes de l'article L.251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) "

3. M. B... A..., ressortissant letton né le 31 mai 1972 à Rezeknes (Lettonie), a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Nîmes du 12 mars 2024 à deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis. Sa peine d'emprisonnement ferme a été réduite à six mois par une décision du juge d'application des peines du 27 juin 2024. Par une ordonnance du 8 juillet 2024, le juge d'application des peines du tribunal judiciaire de Mende (Lozère) a accordé à M.A... une mesure de libération conditionnelle à compter du 22 juillet 2024 sur le fondement de l'article 720 du code de procédure pénale, " à la condition de la mise à exécution de son expulsion du territoire français vers la Lettonie par les services de la préfecture de la Lozère dès sa libération ". Le 23 juillet 2024, le préfet de la Lozère a pris à l'encontre de M.A... un arrêté portant obligation de quitter de territoire français et interdiction de circulation sur le territoire pendant deux ans, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L.251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimant les faits ayant justifié sa condamnation et l'ensemble de son comportement personnel constituaient " du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ", au sens de ces dispositions. M.A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes d'un premier recours sur le fondement de l'article L.521-2 du code de justice administrative, rejeté le 30 juillet 2024. Le préfet de la Lozère a alors organisé l'éloignement de M.A... vers la Lettonie, dont il a fixé la date au 29 août 2024, ce dont l'intéressé a été informé le 6 août. M.A... a introduit devant le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes un second recours sur le fondement de l'article L.521-2 du code de justice administrative, rejeté par une ordonnance du 13 août 2024 dont il relève appel.

4. En premier lieu, si M.A... fait valoir que les mesures d'expulsion et d'éloignement pour atteinte grave à l'ordre public sont distinctes en droit, il ne conteste pas, en tout état de cause, le bien-fondé de son éloignement vers la Lettonie sous le contrôle des services de police à l'issue de sa détention, en exécution de l'ordonnance du juge d'application des peines du 8 juillet 2024 dont il vise, par la présente requête, à obtenir l'exécution immédiate.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction devant le premier juge que les mesures prises par le préfet de la Lozère pour organiser son transfert à l'aéroport sous le contrôle de ses services de police et son éloignement vers la Lettonie le 29 août 2024 l'ont été pour l'exécution de l'ordonnance du juge d'application des peines du 8 juillet 2024.

6. En troisième lieu, si M.A... fait valoir qu'en fixant au 29 août 2024 la date d'exécution de la libération conditionnelle ordonnée par le juge d'application des peines, et en organisant son transfert vers l'aéroport et son éloignement du territoire à cette date, le préfet de la Lozère prolonge arbitrairement sa détention, et porte atteinte à son droit à la liberté, garanti notamment par les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les articles 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de l'instruction devant le premier juge, d'une part, que le préfet de la Lozère a attendu pour programmer son départ que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes ait statué, le 30 juillet 2024, sur la première demande en référé-liberté introduite par M.A..., puis a tenu compte, pour arrêter cette date, de la disponibilité des services de police pour encadrer le transfert de l'intéressé vers son aéroport de départ conformément à l'ordonnance du juge d'application des peines, et des places disponibles sur les vols à destination de la Lettonie. En procédant ainsi, et alors, d'une part, que le juge d'application des peines avait conditionné le bénéfice de la mesure de libération conditionnelle à " la mise à exécution de son expulsion du territoire français vers la Lettonie par les services de la préfecture de la Lozère dès sa libération ", et que d'autre part, l'article 729-2 du code de procédure pénale ne prévoit pas de délai pour l'exécution des mesures de libération conditionnelle, le préfet de la Lozère n'a porté aucune grave et manifestement illégale aux droits et libertés de M.A....

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M.A... n'est manifestement pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête et que ses conclusions d'appel doivent, par suite, être rejetées sur le fondement de l'article L.522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 16 août 2024

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 496994
Date de la décision : 16/08/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 aoû. 2024, n° 496994
Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:496994.20240816
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