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10/07/2024 | FRANCE | N°495729

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 juillet 2024, 495729


Vu la procédure suivante :

M. B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au département de A... d'assurer son hébergement et la prise en charge de ses besoins alimentaires, dans un délai de 24 heures et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard puis de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 7 jours à compter de la

notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 24...

Vu la procédure suivante :

M. B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au département de A... d'assurer son hébergement et la prise en charge de ses besoins alimentaires, dans un délai de 24 heures et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard puis de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 7 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2402320 du 20 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif a, en premier lieu, admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, enjoint au département de A... d'organiser, dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, l'accueil, comprenant l'hébergement et la prise en charge des besoins alimentaires, de M. D... et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de M. D... ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'astreinte.

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, d'une part, M. D... est, par son comportement fautif, à l'origine de la situation d'urgence dont il se prévaut et, d'autre part, la prise en charge de l'intéressé serait préjudiciable à l'intérêt général qui s'attache au bon fonctionnement du service public de l'aide sociale à l'enfance ;

- il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors que, d'une part, le département a accompli de nombreuses diligences afin d'assurer l'hébergement de M. D... et, d'autre part, les moyens dont il dispose sont insuffisants pour permettre son relogement ;

- le montant de l'astreinte prononcée est, eu égard aux circonstances de l'espèce, excessif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) " En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif que M. D..., ressortissant ivoirien disant être né le 30 novembre 2008, a fait l'objet d'un jugement du juge des enfants du tribunal pour enfants C... (A...) du 2 mai 2024, ordonnant son placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de A... jusqu'au 30 novembre 2026. Si M. D... a alors été hébergé en hôtel, le département de A..., arguant des problèmes de comportement de l'intéressé, a mis fin à cette prise en charge à compter du 7 juin 2024. Il fait appel de l'ordonnance du 20 juin 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative à la demande de M. D..., lui a enjoint d'organiser l'accueil, comprenant l'hébergement et la prise en charge des besoins alimentaires, de l'intéressé dans le délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 375 du code civil : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. " Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; (...) ". Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ; (...) 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 de ce même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil, des articles 375-5, 377, 377-1, 380, 411 du même code ou de l'article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 qu'il incombe au département de A..., en exécution de l'ordonnance du juge des enfants du tribunal pour enfants C... mentionnée au point 2, de prendre en charge, par l'intermédiaire du service de l'aide sociale à l'enfance, M. D.... Le département requérant fait valoir, pour justifier qu'il se soit exonéré de cette obligation et que, par suite, le jeune homme soit à la rue depuis le 7 juin, ce qui suffit à caractériser une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés sur le fondement des dispositions citées au 1 de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le comportement de l'intéressé dans les deux hôtels dans lesquels il a été successivement hébergé, se manifestant par des accès de violence sous l'emprise de l'alcool ou autres substances psychotropes, le fait qu'il a commis un vol à l'étalage et des soupçons, d'ailleurs non étayés, de participation à un trafic de stupéfiants. Ces diverses circonstances, qui ne font, au demeurant, que caractériser la situation de danger pour sa santé, sa sécurité et sa moralité dans laquelle se trouve ce mineur, et les risques graves qu'il encourt pour son développement physique, affectif, intellectuel et social, ne sauraient exonérer le département de l'obligation qui lui incombe d'assurer l'exécution d'une décision du juge judiciaire qui, alors même qu'elle est frappée d'appel, s'impose à lui avec l'autorité de la chose jugée. Il suit de là que le département de A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'il attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen lui a ordonné, sous une astreinte de 1 000 euros par jour qui, dans les circonstances de l'espèce, ne peut être regardée comme excessive, d'organiser l'accueil de M. D.... Sa requête doit, par suite, être rejetée, ce qu'il y a lieu de faire selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du département de A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au département de A....

Copie en sera adressée à M. B... D....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 495729
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2024, n° 495729
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495729.20240710
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