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25/06/2024 | FRANCE | N°495252

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 juin 2024, 495252


Vu la procédure suivante :

M. B... A... Mba'a a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis d'accomplir toutes les diligences utiles pour qu'il puisse bénéficier d'une mise à l'abri, dans un délai de 12 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jo

ur de retard. Par une ordonnance n° 2407941 du 14 juin 2024, le jug...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... Mba'a a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis d'accomplir toutes les diligences utiles pour qu'il puisse bénéficier d'une mise à l'abri, dans un délai de 12 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2407941 du 14 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, admis M. A... Mba'a au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... Mba'a demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 14 juin 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de procéder à sa mise à l'abri et d'organiser un entretien d'évaluation de sa situation au titre des articles L. 221-1, L. 221-2-4, L. 222-5 et R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département de la Saint-Seine-Denis la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il se trouve sans hébergement, sans prise en charge et sans moyen de subsistance sur le territoire français, ce qui l'expose à un risque immédiat pour sa sécurité ;

- la carence caractérisée du département de la Seine-Saint-Denis dans l'accomplissement de sa mission d'accueil à l'égard des mineurs porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

- c'est à tort que le département de la Seine-Saint-Denis a refusé de le prendre en charge en se fondant sur l'évaluation par la Ville de Paris d'une personne partageant son identité, dès lors qu'il n'a pas fait l'objet d'une nouvelle évaluation et que ses empreintes n'ont pas été collectées ;

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a considéré que le département de la Seine-Saint-Denis était en situation de compétence liée et qu'il pouvait refuser de le prendre en charge sans procéder à une vérification.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'article 375 du code civil dispose que : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 373-5 du même code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Si la situation de l'enfant le permet, le procureur de la République fixe la nature et la fréquence du droit de correspondance, de visite et d'hébergement des parents, sauf à les réserver si l'intérêt de l'enfant l'exige ".

3. L'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (...) / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (...) ". L'article L. 222-5 du même code prévoit que : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil (...) ". L'article L. 223-2 de ce code dispose que : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / (...) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil ". L'article R. 221-11 du même code dispose que : " I. - Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II. - Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. (...) / IV. - Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

5. Il en résulte également que, lorsqu'il est saisi par un mineur d'une demande d'admission à l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles, décider de saisir l'autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d'admettre le mineur à l'aide sociale à l'enfance sans que l'autorité judiciaire l'ait ordonné. L'article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d'assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation mentionnée au point 4, au motif que l'intéressé n'aurait pas la qualité de mineur isolé, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département.

6. Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2, lorsqu'il lui apparaît que l'appréciation portée par le département sur l'absence de qualité de mineur isolé de l'intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d'enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

7. Pour refuser la prise en charge de M. A... Mba'a au titre de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental de la Seine Saint-Denis s'est, ainsi que l'a relevé le premier juge, fondé notamment sur un rapport circonstancié concernant son âge, établi par la Ville de Paris dans le cadre de l'examen de sa demande de prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance rejetée le 23 mai 2024, et concluant à son absence de minorité.

8. En premier lieu, s'il est soutenu en appel que le services du conseil départemental de la Seine Saint Denis auraient dû procéder à une prise d'empreinte digitale pour s'assurer de la concordance de l'identité de M. A... Mba'a avec celle du demandeur homonyme ayant fait l'objet de cet examen par la Ville de Paris quelques mois plus tôt, aucun élément de nature à réfuter cette concordance, qui résultait par ailleurs de plusieurs pièces du dossier, n'est ,en tout état de cause, produit au soutien de ce moyen.

9. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu en appel, le président du conseil départemental ne s'est pas estimé lié par ce rapport, qu'il a toutefois pu prendre en considération pour former sa conviction dans le cadre de l'examen qu'il effectue en application des dispositions du II de l'article R.221-11 du code de l'action sociale et des familles.

10. En troisième lieu enfin, M. A... Mba'a ne produit, en appel, aucun élément de nature à établir que l'estimation de son âge par le président du conseil départemental était manifestement erronée.

11. Il résulte de ce qui précède que l'appel de M. A... Mba'a est manifestement mal fondé. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... Mba'a est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... Mba'a et au département de la Seine-Saint-Denis.

Fait à Paris, le 25 juin 2024

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 495252
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 495252
Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495252.20240625
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