La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°494357

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 mai 2024, 494357


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Mouvement Kanak " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision révélée par le Premier ministre et par la presse d'ordonner le blocage, sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, du service de communication au public en ligne dénommé " TikTok " ;



2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Mouvement Kanak " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision révélée par le Premier ministre et par la presse d'ordonner le blocage, sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, du service de communication au public en ligne dénommé " TikTok " ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer de notifier toute personne physique et morale ayant mis en œuvre la décision contestée de sa suspension et d'ordonner à ces personnes de procéder, avec effet immédiat, à la restauration de l'accès au service de communication " TikTok " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable en ce qu'elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, la décision porte une atteinte à la liberté d'expression et produit des effets depuis le 16 mai 2024 et, d'autre part, l'action en référé-liberté est la seule voie de recours effective permettant de limiter efficacement les effets de la décision ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression dès lors que la décision empêche l'accès à un réseau social très utilisé et très utile pour contacter dans l'urgence des personnes réparties sur un territoire long de 400 kilomètres et comprenant plusieurs îles ;

- la décision contestée est entachée d'incompétence dès lors qu'elle a été prise par le Premier ministre en lieu et place du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

- elle est entachée d'illégalité dès lors que les dispositions du II de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 n'étaient pas applicables ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir en ce qu'elle a été prise dans un but de lutte contre la désinformation ;

- elle est disproportionnée en ce que le service de communication " TikTok " n'est pas utilisé pour diffuser des informations dans le cadre de manœuvres informationnelles d'un Etat étranger.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code pénal ;

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que depuis le 13 mai dernier la Nouvelle-Calédonie connaît de très graves troubles à l'ordre public et des affrontements très violents du fait de groupe de personnes armées, qui se sont traduits par des attaques et destructions de bâtiments publics, d'infrastructures et de commerces. Les transports et les services publics sont paralysés, l'alimentation de la population menacée. Des habitations privées ont également fait l'objet d'attaques et d'incendies criminels. A ce jour, le bilan humains est de six morts et plus de 170 blessés. Eu égard à la gravité des atteintes portées à l'ordre et à la sécurité publics, le Président de la République, par décret du 15 mai 2024, a déclaré l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Dès la veille, soit le 14 mai 2024, la décision a été prise de bloquer l'accès de la population de Nouvelle-Calédonie au réseau social " TikTok ". L'association " Mouvement Kanak " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre cette décision et d'enjoindre à la reprise du réseau social " TikTok ".

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Il en va de même lorsque la requête a perdu son objet en cours d'instance.

3. Postérieurement à l'introduction de la requête par laquelle l'association " Mouvement Kanak " a demandé au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision de blocage du réseau social " TikTok " sur le territoire de Nouvelle-Calédonie et d'enjoindre à la reprise de ce réseau social, le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé, dans un communiqué en date du 29 mai 2024, la levée de l'interdiction du réseau social " TikTok " sur le territoire. Dans ces conditions, la requête de l'intéressée doit être regardée comme ayant perdu son objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.

4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de l'association " Mouvement Kanak ".

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association " Mouvement Kanak " ainsi qu'au Premier ministre.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 29 mai 2024

Signé : Rémy Schwartz


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494357
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2024, n° 494357
Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494357.20240529
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award