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24/05/2024 | FRANCE | N°494298

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 mai 2024, 494298


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 22 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Agir pour l'environnement demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 mars 2024 du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire autorisant la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique au titre de l'article 53 du

règlement (CE) n° 1107/2009 ;



2°) de mettre à la charge du mi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 et 22 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Agir pour l'environnement demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 mars 2024 du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire autorisant la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique au titre de l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 ;

2°) de mettre à la charge du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire la somme de 7 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée présentera, si elle n'est pas suspendue, un caractère irréversible, qu'elle entraînera une contamination de l'environnement, les produits insecticides ayant un effet immédiat et dévastateur sur la biodiversité et que la substance active de l'insecticide Movento ne bénéficie plus d'une approbation au niveau européen ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente dès lors que l'approbation des substances actives relève de la seule compétence des autorités européennes et que les autorités françaises ne peuvent autoriser la mise sur le marché de substances actives interdites au niveau européen ;

- elle méconnaît l'article 7 de la charte de l'environnement et l'article L. 121-1 du code de l'environnement dès lors qu'aucune consultation publique n'a été réalisée ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors que, d'une part, aucun élément justifiant la dérogation n'est apporté et, d'autre part, aucune analyse de probabilité ou de réel bilan coût avantage n'ont été effectués ;

- elle méconnaît l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 ainsi que l'article 7 de la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 dès lors que la dérogation et le projet d'autorisation n'ont pas été notifiés à la Commission européenne et aux autres Etats membres ;

- elle méconnaît l'article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 et le règlement d'exécution (UE) n° 540/2011 du 25 mai 2011 dès lors qu'elle autorise l'usage du spirotétramate, substance active interdite sur le territoire européen ;

- elle méconnaît l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 dès lors que, en premier lieu, l'urgence justifiant la nécessité d'une dérogation n'est ni caractérisée ni mentionnée dans l'arrêté, en deuxième lieu, il n'existe pas de circonstances particulières justifiant une dérogation, en troisième lieu, il est porté une atteinte manifeste à la santé et à l'environnement, en quatrième lieu, la dérogation n'est pas accompagnée de limitation spatiale, en cinquième lieu, aucune analyse visant à privilégier des options alternatives à l'autorisation n'a été menée et, en dernier lieu, aucun contrôle pratique de la dérogation et de ses conséquences environnementales n'est prévu ;

- elle méconnaît le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 et le règlement d'exécution (UE) n° 1177/2013 du 20 novembre 2013 dès lors que l'utilisation du Movento n'a pas fait l'objet d'une analyse de toxicité pour un usage sur les betteraves ;

- elle porte atteinte au principe de non-régression en matière environnementale ;

- elle porte atteinte au principe de précaution garanti par la Constitution dès lors qu'elle autorise la mise sur le marché d'une substance ayant un effet nocif sur la santé humaine ou animale ainsi que sur l'environnement ;

- elle méconnaît la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 dès lors que, d'une part, elle a été adoptée dans une logique préventive et spéculative relative à l'impact des pucerons sur les cultures de betteraves sucrières et, d'autre part, elle ne respecte pas le plan Ecophyto II+ en ce qu'elle ne favorise pas les efforts de recherche d'alternatives à l'utilisation de Movento sur les betteraves.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 ;

- la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 ;

- le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 540/2011 du 25 mai 2011 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 1177/2013 du 20 novembre 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 2022/489 du 25 mars 2022 ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Par une décision du 27 mars 2024, prise sur le fondement des dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, en particulier son article 53 relatif aux autorisations délivrées à titre de dérogation en situation d'urgence phytosanitaire, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a autorisé, pour une période de cent vingt jours, la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Movento en vue de son utilisation sur la betterave industrielle et potagère selon les conditions d'emploi prescrites par la décision, cet insecticide étant utilisé comme une solution alternative pour lutter contre les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse de la betterave dans le contexte d'interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits. L'association Agir pour l'environnement demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision.

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon elle, à la suspension de l'exécution de la décision en litige, l'association Agir pour l'environnement soutient que l'usage de l'insecticide Movento est susceptible d'entraîner des dommages irréversibles à l'environnement. Elle ne produit toutefois aucun élément précis étayant le risque invoqué ainsi que l'insuffisance à cet égard des conditions d'emploi prescrites par l'autorisation mais se borne à faire état, d'une manière générale, des effets nocifs de l'utilisation de produits insecticides sur la biodiversité. Si l'association requérante fait également valoir que la substance active de l'insecticide Movento, le spirotétramate, ne bénéficie plus d'une approbation en application du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, il est constant, ainsi qu'elle l'expose elle-même, que le spirotétramate a bénéficié de novembre 2013 jusqu'au 1er mai 2024 d'une approbation en application de ce règlement, même si elle n'en bénéficie plus depuis en l'absence de demande de renouvellement d'une telle approbation.

5. Dans ces conditions, les éléments avancés ne permettent pas de caractériser une situation d'urgence de nature à justifier la suspension de l'exécution de la décision contestée alors en outre que l'autorisation de mise sur le marché de l'insecticide Movento est circonscrite à la période allant du 27 mars 2024 au 25 juillet 2024 et a été délivrée en vue de répondre à une situation d'urgence phytosanitaire pour lutter contre les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse de la betterave dans le contexte d'interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits.

6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, la requête de l'association Agir pour l'environnement doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'association Agir pour l'environnement est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Agir pour l'environnement.

Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Fait à Paris, le 24 mai 2024

Signé : Alban de Nervaux


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494298
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2024, n° 494298
Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494298.20240524
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