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22/05/2024 | FRANCE | N°494273

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 mai 2024, 494273


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :



1°) d'annuler ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision du 27 mars 2024 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) l'a inscrit sur la liste des personnalités politiques et a demandé aux éditeurs d

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision du 27 mars 2024 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) l'a inscrit sur la liste des personnalités politiques et a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de décompter ses interventions au titre de l'appartenance " divers centre " ;

2°) d'enjoindre à l'Arcom d'effacer les données à caractère personnel sensibles le concernant ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa décision de traiter ces données en explicitant les critères mis en œuvre par ses services pour retenir son appartenance " divers centre " ;

3°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la gravité de l'atteinte au droit à la protection des données personnelles garanti par le droit de l'Union européenne ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la protection de ses données personnelles dès lors que l'Arcom ne prévoit aucune mesure appropriée et spécifique au traitement des données sensibles portant sur l'opinion politique et ne justifie pas respecter les obligations qui incombent au responsable d'un traitement de données personnelles en application des articles 5, 12 et 15 du règlement général sur la protection des données.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. / Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique selon les conditions de périodicité et de format que l'autorité détermine. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ".

3. Par une décision du 27 mars 2024 prise pour l'application de ces dispositions, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a inscrit M. B... A... sur la liste des personnalités politiques et a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de décompter ses interventions au titre de l'appartenance " divers centre ". L'intéressé a saisi le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à " son annulation ou sa suspension " qui ne peut être regardée, eu égard à l'office du juge des référés, que comme tendant à la suspension de cette décision. M. A... demande également qu'il soit enjoint à l'Arcom d'effacer les données à caractère personnel sensibles le concernant ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa décision de traiter ces données en explicitant les critères mis en œuvre par ses services pour retenir son appartenance " divers centre ".

4. Aux termes de l'article 9 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données) : " 1. Le traitement des données à caractère personnel qui révèle (...) les opinions politiques (...) [est] interdit. / 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas si l'une des conditions suivantes est remplie : / (...) g) le traitement est nécessaire pour des motifs d'intérêt public important, sur la base du droit de l'Union ou du droit d'un État membre qui doit être proportionné à l'objectif poursuivi, respecter l'essence du droit à la protection des données et prévoir des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée (...) ".

5. A l'appui de sa requête en référé, M. A... se borne à faire valoir que, pour retenir son appartenance " divers centre ", l'Arcom a nécessairement procédé à un traitement de données le concernant relatives à ses prises de position politiques et révélant son opinion politique. S'il soutient que l'Arcom ne justifie pas avoir pris de mesures spécifiques appropriées au traitement de ces données personnelles sensibles, ni respecter les obligations incombant au responsable d'un tel traitement en termes de transparence, d'accès, de limitation et de conservation de ces données, il ne résulte pas de ces allégations non étayées que le traitement par l'Arcom des données le concernant, qui trouve son fondement légal dans l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 cité au point 2, serait manifestement illégal.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Fait à Paris, le 22 mai 2024

Signé : Suzanne von Coester


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494273
Date de la décision : 22/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2024, n° 494273
Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494273.20240522
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