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17/05/2024 | FRANCE | N°494187

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 mai 2024, 494187


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... et l'Association EU Britizens demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-226 du 12 mars 2024 portant convocation des électeurs pour l'élection des représentants au Parlement européen, en tant qu'il ne comporte pas de disposition de nature à permettre aux citoyens

britanniques résidant sur le territoire de l'Union européenne avant le 1er févri...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... et l'Association EU Britizens demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2024-226 du 12 mars 2024 portant convocation des électeurs pour l'élection des représentants au Parlement européen, en tant qu'il ne comporte pas de disposition de nature à permettre aux citoyens britanniques résidant sur le territoire de l'Union européenne avant le 1er février 2020 et à Mme B... de participer à ces élections ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête est recevable, en ce qu'elles justifient notamment d'un intérêt pour agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les élections des représentants au Parlement européen ont lieu le 9 juin 2024 et que les ressortissants britanniques demeurant en France ne pourront exercer leur droit de vote ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée porte atteinte au principe de sécurité juridique, au droit à la protection des biens et au principe de proportionnalité inhérents à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la citoyenneté européenne constitue une véritable nationalité, indépendante de l'adhésion du Royaume-Uni à l'Union européenne ;

- la décision contestée méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle prive les citoyens britanniques de la citoyenneté européenne ;

- elle constitue une mesure discriminatoire à l'encontre des citoyens britanniques qui résident sur le territoire de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article 3 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle exclut la participation des citoyens britanniques résidant en France au processus démocratique de l'Union européenne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/87/CECA, CEE du Conseil du 20 septembre 1976 ;

- la décision (UE) 2020/135 du 30 janvier 2020 du Conseil relative à la conclusion de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique ;

- la loi n°77-729 du 7 juillet 1977 ;

- l'arrêt C-673/20 de la Cour de justice de l'Union européenne du 9 juin 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article 2-1 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen : " Les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France résidant sur le territoire français peuvent participer à l'élection des représentants de la France au Parlement européen dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des modalités particulières prévues, en ce qui les concerne, par la présente loi. / Les personnes visées au premier alinéa sont considérées comme résidant en France si elles y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu. " Aux termes de l'article 20 de la même loi : " Les électeurs sont convoqués par décret publié sept semaines au moins avant la date des élections fixée d'un commun accord entre les Etats membres de l'Union européenne. "

3. Sur le fondement de ces dernières dispositions, les électeurs ont été convoqués le dimanche 9 juin 2024 en vue de procéder à l'élection des représentants au Parlement européen par décret du 12 mars 2024. Les requérants demandent la suspension de l'exécution de ce décret en tant qu'il ne comporte pas de disposition de nature à permettre aux citoyens britanniques résidant sur le territoire français de participer à ces élections.

4. Toutefois, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord s'est retiré de l'Union européenne par l'effet d'un accord sur ce retrait, fondé sur l'article 50 du traité sur l'Union européenne et approuvé par la décision (UE) 2020/135 du 30 janvier 2020 du Conseil relative à la conclusion de l'accord sur le retrait de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique. Cet accord est entré en vigueur le 1er février 2020.

5. Par son arrêt du 9 juin 2022, EP c/ préfet du Gers (C-673/20), la Cour de justice de l'Union européenne a retenu que, en vertu de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, les traités européens ont cessé d'être applicables au Royaume-Uni à la date de l'entrée en vigueur, le 1er février 2020, de l'accord de retrait, de telle sorte que cet Etat n'est plus, depuis cette date, un Etat membre de l'Union européenne. Elle a dit pour droit que les articles 9 et 50 du traité sur l'Union européenne ainsi que les articles 20 à 22 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, combinés avec l'accord de retrait, doivent être interprétés en ce sens que, depuis le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 1er février 2020, les ressortissants de cet Etat qui ont exercé leur droit de résider dans un Etat membre avant la fin de la période de transition, ne bénéficient plus du statut de citoyen de l'Union.

6. Pour soutenir que le décret du 12 mars 2024 serait illégal en ce qu'il ne comporte pas de disposition de nature à permettre aux citoyens britanniques résidant sur le territoire français de participer aux élections du 9 juin 2024, les requérantes soutiennent que le décret, dans cette mesure, porterait atteinte au principe de sécurité juridique, au droit à la protection des biens et au principe de proportionnalité inhérents à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaîtrait l'article 1er et l'article 3 du premier protocole additionnel à cette convention et constituerait une mesure discriminatoire. Il est manifeste qu'aucun de ces moyens n'est, en tout état de cause, de nature à faire sérieusement douter de la légalité du décret contesté.

7. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions à fin de suspension de la requête ne peuvent qu'être rejetées, de même que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B... et de l'Association EU Britizens est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et à l'Association EU Britizens.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 17 mai 2024

Signé : Jacques-Henri Stahl


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 494187
Date de la décision : 17/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2024, n° 494187
Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494187.20240517
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