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10/05/2024 | FRANCE | N°493715

France | France, Conseil d'État, 10 mai 2024, 493715


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) l'a inscrit sur la liste des personnalités politiques et a demandé aux éditeurs des services de radio et de tél

évision de décompter ses interventions au titre de l'appartenance " divers droite ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) l'a inscrit sur la liste des personnalités politiques et a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de décompter ses interventions au titre de l'appartenance " divers droite ", ainsi que des décisions du 13 décembre 2023 et du 24 janvier 2024 par lesquelles l'Arcom a confirmé son inscription sur cette liste ;

2°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les décisions litigieuses ont pour effet de réduire son temps d'intervention sur la chaîne de télévision où il était auparavant fréquemment invité et, par suite, de porter une atteinte grave à sa liberté d'expression ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, qui ne lui ont pas été communiquées ;

- elles sont entachées d'irrégularités faute, d'une part, d'être revêtues des mentions prescrites par l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, d'autre part, d'être motivées en application de l'article L. 211-2 de ce code, enfin, d'avoir été précédées de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du même code ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles le qualifient de " personnalité politique " au seul motif qu'il exerce un mandat municipal ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles le qualifient de " personnalité politique " alors qu'il ne bénéficie d'aucune notoriété et n'exerce pas de fonction politique ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 ainsi que la liberté d'expression et la liberté d'association en ce qu'elles lui attribuent une nuance politique, sans qu'aucun texte n'encadre une telle attribution ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles lui attribuent la nuance " divers droite " au seul motif que celle-ci correspond à celle de la liste sur laquelle il était inscrit lors des élections municipales de 2020 ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation en ce qu'elles lui attribuent la nuance " divers droite " alors qu'il n'a jamais pris position en ce sens et qu'il n'intervient dans les médias que pour faire valoir son point de vue de chef d'entreprise ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles ne sont pas assorties d'une exception pour ses interventions en tant que chef d'entreprise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. / Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique selon les conditions de périodicité et de format que l'autorité détermine. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ".

3. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a demandé aux éditeurs des services de radio et de télévision de le regarder comme une personnalité politique et de décompter ses interventions au titre de l'appartenance " divers droite ", ainsi que des décisions du 13 décembre 2023 et du 24 janvier 2024 par lesquelles l'Arcom a confirmé son inscription sur la liste des personnalités politiques, pour l'application des dispositions citées au point 2.

4. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

5. Pour justifier l'urgence qui s'attache, selon lui, à la suspension de l'exécution des décisions de l'Arcom, M. B... invoque une atteinte grave à sa liberté d'expression, faisant valoir que ces décisions ont conduit la chaîne de télévision qui l'invitait jusqu'alors au moins deux fois par semaine pour s'exprimer, en sa qualité de chef d'entreprise, sur des sujets notamment liés à l'actualité économique, à réduire la fréquence de ses interventions dans ses programmes. Toutefois, les décisions de l'Arcom le concernant ne lui interdisent pas, par elles-mêmes, l'accès aux plateaux de cette chaîne de télévision et n'ont pas non plus conduit celle-ci à cesser de l'inviter, ainsi qu'il ressort du calendrier de ses interventions, annexé à sa requête. Dans ces conditions, les éléments au dossier ne permettent pas de caractériser une situation d'urgence justifiant la suspension de l'exécution des décisions contestées par M. B..., dans l'attente du jugement de sa requête au fond.

6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées, la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Fait à Paris, le 10 mai 2024

Signé : Suzanne Von Coester


Synthèse
Numéro d'arrêt : 493715
Date de la décision : 10/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2024, n° 493715
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493715.20240510
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