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09/04/2024 | FRANCE | N°492574

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 avril 2024, 492574


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars, 21 mars et 3 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 16 novembre 2023 par laquelle le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, d'une part, confirmé la décision du conseil régional d'Ile-de-Fra

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars, 21 mars et 3 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 16 novembre 2023 par laquelle le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, d'une part, confirmé la décision du conseil régional d'Ile-de-France confirmant elle-même la décision du conseil départemental des Yvelines prononçant sa radiation de son tableau le 13 juin 2023 et, d'autre part, refusé son inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes du conseil départemental des Yvelines ;

2°) d'enjoindre au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Yvelines de l'inscrire provisoirement au tableau de l'ordre ;

3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa radiation porte atteinte, d'une part, à sa situation professionnelle en l'empêchant d'exercer individuellement et en bloquant entièrement l'activité de son cabinet et, d'autre part, à sa situation financière en l'exposant à des charges importantes tenant aux loyers des locaux, aux salaires des employés et aux contrats conclus pour la fourniture des équipements nécessaires à l'exercice de sa profession ;

- le délai séparant sa radiation et la présentation de sa requête aux fins de référé-suspension ne fait pas obstacle à ce que la condition d'urgence soit regardée comme satisfaite dès lors qu'il a souhaité privilégier le dialogue avec les instances ordinales et que la décision dont la suspension est demandée ne lui a été notifiée que le 21 février 2024 ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 4112-1 du code de la santé publique dès lors que, d'une part, il appartenait au conseil national des chirurgiens-dentistes de statuer lui-même sur la mesure de radiation à la date à laquelle il examinait le recours sans se contenter de confirmer la décision du conseil régional et, d'autre part, les motifs retenus par le conseil national des chirurgiens-dentistes reposent sur des circonstances antérieures à son inscription au tableau de l'ordre des Yvelines ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- les motifs tenant à sa double inscription et à son double exercice sont entachés de plusieurs inexactitudes matérielles dès lors que, d'une part, il n'est plus inscrit au tableau d'Alger depuis le 3 novembre 2019 et, d'autre part, les faits de double exercice en France et en Algérie ainsi que ceux entre les départements de Paris et des Yvelines ne sont pas établis ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne sauraient caractériser un manquement à la moralité de nature à justifier sa radiation du tableau de l'ordre des Yvelines en ce que, en premier lieu, ces faits ne présentent pas par eux-mêmes un caractère de gravité tel qu'ils justifient une mesure de radiation, en deuxième lieu, les règles méconnues visent à assurer la continuité des soins dont la qualité n'a jamais été remise en cause par les instances ordinales, en troisième lieu, il a fait part de sa volonté de régulariser la situation afin de poursuivre son activité dans le respect de ses obligations professionnelles et déontologiques et, en dernier lieu, aucune urgence ne justifie le choix d'une mesure de radiation plutôt que d'engager une procédure disciplinaire.

Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 29 mars, 4 avril et 5 avril 2024, le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... et, d'autre part, le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 5 avril 2024, à 10 heures 30 :

- Me Loiseau, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. B... ;

- M. B... ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 5 avril 2024 à 16 heures, puis à 17 heures le même jour ;

Vu le mémoire après audience, enregistré le 5 avril 2024, présenté par M. B... ;

Vu le mémoire après audience, enregistré le 5 avril 2024, présenté par le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. (...) Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence. (...) Il incombe au conseil départemental de tenir à jour le tableau et, le cas échéant, de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances avérées postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir ces conditions./ Un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être inscrit que sur un seul tableau qui est celui du département où se trouve sa résidence professionnelle, sauf dérogation prévue par le code de déontologie mentionné à l'article L. 4127-1./ Un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme inscrit ou enregistré en cette qualité dans un Etat ne faisant pas partie de l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne peut être inscrit à un tableau de l'ordre dont il relève".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu son diplôme de chirurgien-dentiste en 2001 à Alger. Après avoir ouvert son cabinet avec deux associés en 2012, il a fondé en octobre 2016 une clinique dentaire à Alger avec deux autres associés. Après que son diplôme algérien a été reconnu équivalent au diplôme français, M. B... a été autorisé à exercer en France en 2017. Il s'est inscrit au tableau de l'ordre de Paris le 31 janvier 2018 et a commencé à exercer à Paris. Après avoir été radié de ce tableau le 22 juin 2022 à sa demande pour créer son propre cabinet à la Celle-Saint-Cloud dans le département des Yvelines, le conseil départemental de l'ordre des Yvelines l'a inscrit à son tableau le 23 juin 2022, en l'autorisant par dérogation à poursuivre son exercice à Paris pour une durée de 6 mois. Après un signalement du conseil de l'ordre des médecins dentistes d'Alger en date du 18 février 2023, il a été convoqué devant le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Yvelines le 20 avril et le 13 juin 2023. Ce conseil départemental a alors décidé de radier M. B... du tableau de l'ordre des Yvelines pour non-respect des dispositions de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique. Le 30 juin 2023, M. B... a contesté cette décision de radiation devant le conseil régional de l'ordre d'Ile-de-France. Le 29 août 2023, la formation restreinte du conseil régional de l'ordre d'Ile-de-France a rejeté son recours et confirmé la décision de radiation du conseil départemental de l'ordre des Yvelines. Le 28 septembre 2023, M. B... a contesté cette décision devant le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 16 novembre 2023, la formation restreinte du conseil de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, d'une part, confirmé la décision du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes et, d'autre part, refusé l'inscription de M. B... au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes du conseil départemental des Yvelines. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision.

4. Il ressort des énonciations de la décision dont la suspension est demandée que la formation restreinte du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a constaté, en premier lieu, qu'après avoir choisi de s'inscrire au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Yvelines établissant ainsi sa résidence professionnelle à la Celle-Saint-Cloud, M. B... a persisté à exercer sans droit ni titre à Paris au-delà de la date autorisée par le conseil départemental de l'ordre, soit le 30 décembre 2022, en deuxième lieu, que M. B... a procédé à une fausse déclaration sur son curriculum vitae en indiquant ne pas être inscrit ou avoir été inscrit à aucun tableau dans un pays hors de l'Union européenne, alors qu'il a exercé pendant au moins vingt-et-un mois à la fois en France et en Algérie. Dans ces circonstances, la formation restreinte du conseil national de l'ordre a constaté que M. B... a, à l'occasion de sa demande d'inscription au tableau de l'ordre des Yvelines, fait une fausse déclaration en affirmant de manière trompeuse ne pas avoir d'inscription dans un pays hors de l'Union européenne et a dissimulé son double exercice dentaire en France et en Algérie et que, par conséquent, il ne remplit pas les critères de moralité exigés par le code de la santé publique pour son inscription à un tableau de l'ordre en France.

5. En l'état de l'instruction, les éléments produits lors de la procédure écrite et ceux échangés lors de l'audience publique ne sont pas de nature à contredire l'appréciation de la formation restreinte du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes quant au fait qu'à la date de sa demande d'inscription au tableau du conseil de l'ordre des Yvelines il conservait une activité de chirurgien-dentiste en Algérie et demeurait inscrit au tableau du conseil de l'ordre d'Alger, alors même que sa demande d'inscription mentionnait qu'il n'était pas inscrit dans un pays hors de l'Union européenne ni pour la période en cours ni pour une période précédente. Un tel comportement de M. B... a pu en conséquence être regardé par les instances ordinales comme démontrant de sa part une volonté de les tromper en dissimulant la réalité de sa situation, s'agissant d'une condition déterminante pour autoriser son inscription au tableau. Il suit de là que ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension est demandée les moyens tirés de ce que les motifs tenant à sa double inscription en France et en Algérie seraient entachés d'inexactitudes matérielles et de ce que la décision serait entachée d'erreur de droit pour ne pas s'être fondée, en méconnaissance de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique, sur l'intervention de circonstances avérées postérieures à son inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Yvelines

6. Par ailleurs, aucun des autres moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... et par le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

Copie en sera adressée au conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des chirurgiens-dentistes et au conseil départemental des Yvelines de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

Fait à Paris, le 9 avril 2024

Signé : Stéphane Hoynck


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 492574
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2024, n° 492574
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492574.20240409
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