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02/04/2024 | FRANCE | N°492856

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 avril 2024, 492856


Vu la procédure suivante :

Mme E... A... et M. D... C..., agissant au nom de leur fille mineure, Mlle B... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'octroyer sans délai à leur fille le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et de leur délivrer la carte prévue par l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du d

roit d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ord...

Vu la procédure suivante :

Mme E... A... et M. D... C..., agissant au nom de leur fille mineure, Mlle B... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'octroyer sans délai à leur fille le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et de leur délivrer la carte prévue par l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n°2406512 du 22 mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... et M. C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 mars 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils sont dépourvus de logement, dans une situation d'extrême précarité, avec leur fille de quatre mois présentant un problème de santé, malgré plusieurs appels au " 115 ", service d'appel téléphonique du Samu Social de Paris ;

- la carence de l'OFII à garantir les conditions matérielles d'accueil à leur fille porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, à l'intérêt supérieur de l'enfant, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants, au principe de dignité de la personne humaine et au droit au respect de leur vie privée et familiale ;

- c'est à tort que la juge des référés a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à leur famille au motif que la demande d'asile de leur fille, née en France postérieurement au rejet définitif de la demande d'asile de M. C..., constituait une demande de réexamen et non pas une première demande ;

- c'est à tort que la juge des référés a considéré qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'OFII ait accordé les conditions matérielles d'accueil à leur fille alors que, en premier lieu, aucune décision écrite et motivée refusant le bénéfice de ces conditions n'a été prise par l'OFII, en deuxième lieu, ils ont fourni l'ensemble des pièces justificatives nécessaires et, en dernier lieu, ces conditions ont été proposées par l'OFII et acceptées dès le 10 janvier 2024 ;

- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a considéré que la condition d'urgence n'était pas satisfaite eu égard à l'hébergement régulier proposé par le dispositif d'urgence du " 115 " ainsi que le soutien d'associations pour l'habillement, la nourriture et les soins.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Mme A... et M. C... relèvent appel de l'ordonnance du 22 mars 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ordonner au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'octroyer sans délai à leur fille le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et de leur délivrer la carte prévue à l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le cadre juridique :

3. L'article 2 de la directive 2013/33/UE précise que les conditions matérielles d'accueil comprennent le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu'une allocation journalière. Aux termes de l'article 17 de cette directive : " 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils présentent leur demande de protection internationale. / 2. Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale. / Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes vulnérables, conformément à l'article 21 (...) " et aux termes de l'article 18 de cette même directive : " (...) 9. Pour les conditions matérielles d'accueil, les États membres peuvent, à titre exceptionnel et dans des cas dûment justifiés, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : / (...) b) les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées (...) ".

4. D'une part, aux termes de l'article L. 551-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, comprennent les prestations et l'allocation prévues aux chapitres II et III. " Aux termes de l'article L. 551-9 du même code : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente. " Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Le demandeur est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut lui être refusé ou qu'il peut y être mis fin dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 551-15 et L. 551-16. " Aux termes de cet article L. 551- 15 : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : / (...) / 3° Il présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ; / (...) / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. / Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable (...) ". Aux termes de son article L. 521-3 : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants. ". En application de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à l'article L. 521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire. " Aux termes de l'article L. 521-13 du même code : " L'étranger est tenu de coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa nationalité ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures. Il présente tous documents d'identité ou de voyage dont il dispose. "

6. Enfin, aux termes de l'article L. 531-41 du même code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure. / Le fait que le demandeur ait explicitement retiré sa demande antérieure, ou que la décision définitive ait été prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38, ou encore que le demandeur ait quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions du premier alinéa. (...) ". En application de l'article L. 531-9 du même code : " Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si elle est saisie. "

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'Office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.

8. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant né après l'enregistrement de leur demande d'asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 531-41 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. La demande ainsi présentée au nom du mineur présentant le caractère d'une demande de réexamen, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil est refusé à la famille, totalement ou partiellement, conformément aux dispositions de l'article L. 551-15, sous réserve d'un examen au cas par cas tenant notamment compte de la présence au sein de la famille du mineur concerné.

Sur le litige :

10. D'une part, il ne résulte pas des pièces versées à l'instruction conduite par la juge des référés du tribunal administratif que, ainsi que le soutiennent les requérants, l'OFII ait accordé les conditions matérielles d'accueil à leur fille, alors que ce dernier précise ne pas les avoir accordées au motif que les intéressés n'auraient pas fourni les pièces justificatives demandées et que le courrier du 10 janvier 2024 se bornait à les inviter à se présenter au service d'accompagnement des demandeurs d'asile.

11. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que la juge des référés du tribunal administratif de Paris, ayant relevé que la demande d'asile présentée par M. C... avait été rejetée définitivement par la Cour nationale du droit d'asile le 26 mars 2021, a jugé que la demande d'asile introduite en janvier 2024 au nom de sa fille, sur laquelle il n'est pas contesté qu'il exerce l'autorité parentale, devait être regardée comme une demande de réexamen, de sorte que les dispositions de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient applicables s'agissant du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

12. Enfin, la juge des référés de première instance a jugé que si les intéressés se trouvent dans une situation précaire, l'existence d'une situation d'urgence justifiant qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise dans un délai de quarante-huit heures n'était pas établie, alors notamment que la famille parvient à être régulièrement hébergée grâce au " 115 " et qu'elle dispose du soutien d'associations pour l'habillement, la nourriture et les soins de l'enfant. A l'appui de leur requête d'appel, Mme A... et M. C... n'apportent aucun élément sérieux de nature à remettre en cause cette appréciation sur la condition d'urgence propre à l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. C... ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que c'est tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent par suite être rejetées, selon la procédure de l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme A... et M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... A... et M. D... C....

Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration

Fait à Paris, le 2 avril 2024

Signé : Alban de Nervaux


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 492856
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2024, n° 492856
Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492856.20240402
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