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28/03/2024 | FRANCE | N°492751

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 mars 2024, 492751


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté d'expulsion du 24 janvier 2024 pris à son encontre par le préfet des Bouches-du-Rhône et de lui enjoindre de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance n°2402553 du 19 mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, après l'avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle pro

visoire, a rejeté sa demande.



Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté d'expulsion du 24 janvier 2024 pris à son encontre par le préfet des Bouches-du-Rhône et de lui enjoindre de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance n°2402553 du 19 mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille, après l'avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;

3°) de suspendre l'exécution de l'arrêté d'expulsion du 24 janvier 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été convoqué à l'audience et qu'il n'a pu de ce fait prendre connaissance du mémoire en défense du préfet avant l'audience ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il fait l'objet d'un placement en centre de rétention en vue de son éloignement du territoire français ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté préfectoral contesté a été pris par une autorité incompétente et est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie résider habituellement en France depuis l'âge de douze ans et qu'il n'est pas démontré que son comportement est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou est lié à des activités à caractère terroriste ou constituant des actes de provocation explicite délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Par un arrêté du 24 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé, sur le fondement de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, l'expulsion de M. B... du territoire français. M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté et d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance du 19 mars 2024, dont M. B... relève appel, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

3. En premier lieu, il n'est pas contesté que le conseil de M. B... qui était présent à l'audience au cours de laquelle il a présenté ses observations, a pu prendre connaissance du mémoire en défense que le préfet des Bouches-du-Rhône avait déposé avant celle-ci. Il n'apparaît pas, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, qu'il ait demandé à joindre l'intéressé qui n'avait pu, pour les besoins de l'audience de référé, être extrait du centre de rétention administrative, dans lequel il avait été placé le 12 mars 2024 après sa levée d'écrou, ou qu'il ait sollicité un report de la clôture de l'audience, afin de lui permettre de répondre à l'argumentation du préfet. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'audience s'est déroulée révèlent une violation du principe du caractère contradictoire de l'instruction. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée a été prise selon une procédure irrégulière.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". En vertu en particulier de l'article 631-3 du même code dans sa version alors applicable : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / (...) / La circonstance qu'un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des dispositions du présent article ". Aux termes de l'article R. 632-1 du même code : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police " et de l'article R. 632-2 : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3 ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'intérieur ".

5. Pour rejeter la demande de l'intéressé, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a relevé, en premier lieu, pour écarter le moyen tiré de ce qu'il pouvait bénéficier de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 631-3 du code cité au point précédent, que M. B... n'établissait pas résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ou y résider régulièrement depuis plus de vingt ans. Elle a relevé, en deuxième lieu, qu'il ne justifiait ni être dépourvu de toute attache familiale au Maroc, ni entretenir des liens d'une particulière intensité avec ses parents ou les autres membres de sa famille résidant en France. Elle a retenu, en dernier lieu, pour estimer qu'il constituait une menace grave pour l'ordre public, d'une part, la gravité des faits de viol par personne en état d'ivresse manifeste commis, en avril 2016, sur personne vulnérable, qui lui ont valu une condamnation à une peine de dix ans de réclusion criminelle et de cinq ans de suivi socio-judiciaire le 12 septembre 2018, et d'autre part, les actes de violence commis au cours de son incarcération et une agression contre sa mère, ayant conduit à son hospitalisation sous contrainte.

6. Si, d'une part, M. B... apporte en appel des pièces complémentaires tendant à démontrer sa présence continue en France pendant et après sa scolarité au collège jusqu'à son incarcération, en revanche, il ne justifie ni de sa résidence habituelle en France à compter de l'âge de neuf ans comme il l'allègue, ni de sa date d'entrée en France au cours de l'année 2004 avant ses treize ans. Il s'en déduit que sa contestation de la compétence du préfet des Bouches-du-Rhône pour ordonner son expulsion au regard des dispositions de l'article R. 632-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile rappelées au point 4 ne peut qu'être écartée. Eu égard, d'autre part, aux pièces du dossier qui témoignent du comportement agressif et violent qu'il a manifesté à plusieurs reprises au cours de sa période de détention à l'égard notamment de sa mère, de lui-même et d'autres patients pendant son hospitalisation sous contrainte et d'une absence d'investissement dans un projet de réinsertion, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir des seules mesures de réductions de peine dont il a bénéficié, pour soutenir qu'il aurait purgé sa peine sans aucun incident et qu'il ne présenterait pas une menace grave pour l'ordre public.

7. Dans ces conditions, en l'absence d'élément nouveau apporté en appel susceptible d'infirmer l'appréciation retenue par la juge des référés du tribunal administratif, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'expulsion contestée aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'aller et venir ou à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il en résulte, et sans qu'il y ait lieu d'admettre M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, qu'il est manifeste que son appel ne peut être accueilli. Il y a donc lieu de rejeter sa requête, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 28 mars 2024

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 492751
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2024, n° 492751
Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492751.20240328
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