La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°492666

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 mars 2024, 492666


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 18 octobre 2023 rapportant le décret de naturalisation du 21 décembre 2018 ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'art

icle L. 761-1 du code de justice administrative.







Elle soutient que :

...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 18 octobre 2023 rapportant le décret de naturalisation du 21 décembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret contesté produit des effets graves et immédiats sur sa situation administrative, en ce que la perte de sa nationalité française, d'une part, porte atteinte à sa liberté de circulation en ce qu'elle sera contrainte de restituer son titre d'identité et, d'autre part, a entrainé sa radiation du registre des français établis hors de France ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- le décret contesté est entaché d'un vice de forme dès lors que les motifs de droit et de faits sur lesquels l'administration se fonde pour lui retirer sa nationalité ne lui ont pas été communiqués, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de présenter des observations écrites, en méconnaissance des articles 59 et 62 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret est entaché d'une erreur de droit dès lors que, d'une part, elle remplit les conditions relatives à la naturalisation et, d'autre part, aucune fraude ni aucune omission au sens de l'article 27-2 du code civil ne peuvent lui être reprochées ;

- il porte atteinte, d'une part, à sa liberté de circulation dès lors que la mesure n'est pas proportionnée à l'objectif légitime poursuivi, en méconnaissance des droits attachés à la citoyenneté européenne garantis par les articles 9 du traité sur l'Union européenne et 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, d'autre part, à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elle la prive de sa nationalité, qui est un élément constitutif de son identité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

3. Par un décret du 21 décembre 2018, Mme B..., de nationalité tunisienne, a acquis la nationalité française. Ce décret a été rapporté par un décret du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 18 octobre 2023. Mme B..., qui soutient que ce dernier décret ne lui a jamais été notifié et qu'elle n'en a pris connaissance qu'à l'occasion de la demande de délivrance d'un acte de naissance auprès du consulat de France à Tunis, demande, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, que son exécution soit suspendue.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon elle, à la suspension de l'exécution du décret contesté, Mme B... soutient que le retrait de sa nationalité française porte atteinte à sa liberté de circulation en ce qu'elle se verra contrainte de restituer son titre d'identité délivré par les autorités françaises et la prive d'un élément constitutif de son identité. Toutefois, en se bornant à invoquer ces considérations générales, Mme B... ne fait pas état des éléments utiles permettant d'apprécier le caractère grave et immédiat du préjudice qui serait ainsi porté à ses intérêts.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas satisfaite. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué, les conclusions tendant à la suspension de son exécution doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B....

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 28 mars 2024

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 492666
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2024, n° 492666
Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492666.20240328
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award