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15/02/2024 | FRANCE | N°491433

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 février 2024, 491433


Vu la procédure suivante :



Mme E... C..., Mme A... C... et M. G... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'admettre Mme E... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de leur proposer une solution d'hébergement pérenne adaptée à leur situation familiale, sous astreinte de 600 euros par jour de retard à compter de la notifi

cation de l'ordonnance à intervenir et, en dernier lieu, de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Mme E... C..., Mme A... C... et M. G... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'admettre Mme E... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de leur proposer une solution d'hébergement pérenne adaptée à leur situation familiale, sous astreinte de 600 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et, en dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au profit de leur conseil, Me Caillet, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où Mme E... C... ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat cette somme à leur verser directement au seul titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2400808 du 17 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, en premier lieu, admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, d'admettre Mme E... C..., ses six enfants mineurs, Mme A... C... et M. D... au bénéfice de l'hébergement d'urgence dans les conditions prévues aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'ordonnance, en troisième lieu, rejeté les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où Mme E... C... ne serait pas admise définitivement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une requête, enregistrée le 2 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de première instance.

Elle soutient que :

- il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

- l'absence de prise en charge des intéressés ne saurait caractériser une carence de l'Etat dans la mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence dès lors que, eu égard aux moyens dont il dispose, l'Etat a accompli des efforts significatifs pour accroître la capacité d'hébergement d'urgence dans le département de Paris et en Ile-de-France ;

- le refus de prise en charge qui a été opposé aux intéressés est dû uniquement à la nécessité de protéger prioritairement des familles en plus grande détresse et se trouvant privées d'hébergement depuis plus longtemps que les intéressés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la DIHAL, et d'autre part, Mme E... C..., Mme A... C... et M. G... B... ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 février 2024, à 16 heures :

- Me Occhipinti, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C... et autres ;

- la représentante de Mme E... C..., M. G... B... et de Mme A... C... ;

- Mme E... C... et H... C... ;

- les représentantes de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) "

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) " Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. (...) " Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. Mme E... C..., M. G... B... et Mme A... C... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de leur attribuer un hébergement d'urgence. La délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement relève appel de l'ordonnance du 17 janvier 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande.

5. Il résulte de l'instruction que Mme E... C..., avec ses six enfants mineurs, sa fille majeure Mme A... C... et M. B... sont sans abri depuis le 30 mars 2022. Malgré leurs demandes répétées, la famille n'a pu bénéficier d'un hébergement d'urgence. Toutefois, malgré les efforts de l'Etat pour accroître les capacités d'hébergement d'urgence en Seine-Saint-Denis et dans la région d'Ile-de-France, l'ensemble des besoins les plus urgents, en constante augmentation, ne peut être satisfait. Tel est notamment le cas pour les familles avec des enfants en Seine-Saint-Denis, département dans lequel, dans la seule semaine du 5 février 2024, 90% des 533 demandes n'ont pas étés satisfaites. De la même manière, 70% des familles avec des enfants de moins de 8 ans ayant formulé une demande se sont retrouvées sans solution d'hébergement à cette période.

6. Le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ne peut, compte tenu du cadre temporel dans lequel il se prononce, ordonner que des mesures utiles en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises. Il s'ensuit qu'en l'état de l'instruction et eu égard à cet office du juge des référés, le refus du préfet de procurer un hébergement d'urgence à Mme E... C..., avec ses six enfants mineurs, sa fille majeure Mme A... C... et M. B... ne relève pas, compte-tenu de la présence de familles encore plus vulnérables dans un contexte de saturation des hébergements d'urgence, d'une situation justifiant que soit ordonné, au motif d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'hébergement d'urgence, de prendre les mesures pour mettre cette famille à l'abri. Il s'ensuit que la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement est fondée à demander tant l'annulation de l'ordonnance attaquée que le rejet de la demande en référé de Mme C... et autres, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 17 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... C..., M. G... B... et Mme A... C... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) ainsi qu'à Mme E... C..., première dénommée.

Fait à Paris, le 15 février 2024

Signé : Alain Seban


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 491433
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2024, n° 491433
Composition du Tribunal
Avocat(s) : OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491433.20240215
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