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09/02/2024 | FRANCE | N°491510

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 février 2024, 491510


Vu la procédure suivante :

Mme C... E... et M. B... D..., agissant en leur nom propre et au nom de leur enfant mineure, A... D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Samu social de Paris et au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de les prendre en charge de manière pérenne dans un hébergement d'urgence conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles et d'assurer leur accompagn

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Vu la procédure suivante :

Mme C... E... et M. B... D..., agissant en leur nom propre et au nom de leur enfant mineure, A... D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Samu social de Paris et au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de les prendre en charge de manière pérenne dans un hébergement d'urgence conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles et d'assurer leur accompagnement social sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2402563 du 6 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 et 7 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... et M. D..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fille mineure, A... D..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de l'ordonnance du 6 février 2024 ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- que la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils vivent à la rue avec un enfant de cinq mois atteint de problèmes de santé ;

- que c'est à tort que le juge des référés a estimé, pour rejeter leur demande, qu'ils avaient volontairement quitté le " sas " de la région Grand-Est, dès lors que des arrêtés d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d'interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) ont été pris à leur encontre et qu'ils devaient être placés en centre de préparation au retour (CPAR) lorsqu'ils se trouvaient dans le " sas " ;

- que le recours qu'ils ont introduit contre ces arrêtés leur permet de bénéficier d'un hébergement pérenne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse ". Ce dispositif de veille sociale est, en Île-de-France, en vertu de l'article L. 345-2-1, mis en place à la demande et sous l'autorité du représentant de l'Etat dans la région sous la forme d'un dispositif unique. Aux termes de l'article L. 345-2-2 : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / L'hébergement d'urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris que Mme E... et M. D..., qui avaient pu être mis à l'abri chaque soir depuis, au plus tard, le 21 juillet 2023, à l'exception du 25 octobre et du 21 au 27 décembre 2023, mais se retrouvaient depuis le 9 janvier 2024 sans abri, en région Ile-de-France, avec leur enfant A... D..., née le 20 août 2023, ont pu être remis à l'abri le 12 janvier 2024 puis ont bénéficié avec elle à compter du 16 janvier 2024, à Geispolsheim, dans le département du Bas-Rhin, sur orientation proposée par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, d'un hébergement d'urgence, dit " sas Grand Est", dont la conformité aux dispositions des articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles citées au point 2 n'est pas contestée. Il en résulte également qu'ils en sont repartis d'eux-mêmes le 23 janvier, à la suite de la notification, le même jour, d'obligations de quitter le territoire français sans délai, et que, revenus en Ile-de-France par leurs propres moyens, ils y ont été mis à l'abri le 26 janvier, dès leur première demande au service d'appel téléphonique dénommé " 115 ", jusqu'au 2 février 2024.

5. En faisant valoir en appel, d'une part, à nouveau, que lorsqu'ils ont quitté le " sas Grand Est ", ils se trouvaient sous le coup d'arrêtés d'obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, pour la première fois, qu'ils se refusaient dès ce moment à rejoindre un centre de préparation au retour en vue de l'exécution de ces arrêtés, à l'encontre desquels ils ont ensuite introduit, avec effet suspensif, des recours pour excès de pouvoir, les requérants n'apportent pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge sur le caractère volontaire et sans contrainte de leur départ de cet établissement, avant qu'une nouvelle orientation leur ait été proposée, ni, par suite, sur l'absence de carence caractérisée de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission de mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence garanti par la loi, tant au regard des diligences ainsi accomplies par l'administration que de la composition, de l'âge, et de l'état de santé de leur famille, notamment l'état de santé de leur très jeune enfant, dont l'ordonnance médicale de prescription médicamenteuse en date du 6 février 2024 ne fait pas plus ressortir de caractère de gravité que les pièces médicales qu'ils avaient déjà produites devant le premier juge.

6. Il résulte de ce qui précède que l'appel de Mme E... et M. D... n'est manifestement pas fondé et que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, leurs conclusions doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme E... et M. D..., présentée en leur nom propre et au nom de leur enfant mineure, A... D..., est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... E... et M. B... D....

Fait à Paris, le 9 février 2024

Signé : Nicolas Polge


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 491510
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 fév. 2024, n° 491510
Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491510.20240209
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