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08/02/2024 | FRANCE | N°491342

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 08 février 2024, 491342


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union naturaliste pour les intérêts de la conservation animale et de la biodiversité (UNICAB) et M. B... A... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de l'application des articles 2 et 5 de l'avenant n° 1 à la convention relative à la gestion du fichier national d'identification des ani

maux d'espèces non domestiques du 10 août 2022 ;



2°) de suspend...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union naturaliste pour les intérêts de la conservation animale et de la biodiversité (UNICAB) et M. B... A... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'application des articles 2 et 5 de l'avenant n° 1 à la convention relative à la gestion du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques du 10 août 2022 ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 novembre 2023 prolongeant l'agrément de la société d'actions et de promotion vétérinaires (SAPV) en tant que gestionnaire du fichier national d'identification des animaux non domestiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, l'arrêté du 15 novembre 2023 prolonge pour une durée de huit mois les effets de l'augmentation des tarifs mis en place par l'avenant du 10 août 2022, ce qui est de nature à préjudicier gravement les intérêts financiers des propriétaires d'animaux concernés et que, d'autre part, aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à la suspension des décisions contestées ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- l'avenant attaqué est entaché d'illégalité dès lors que :

- en premier lieu, la modification tarifaire prévue est disproportionnée eu égard au service rendu ;

en deuxième lieu, cette modification est substantielle et bouleverse l'économie du contrat en avantageant la SAPV ;

en dernier lieu, la restriction du champ des utilisateurs susceptibles de souscrire un abonnement constitue une rupture d'égalité entre les usagers du service ;

- l'arrêté attaqué a été adopté au terme d'une procédure irrégulière susceptible d'avoir exercée une influence sur le sens de cet acte ou d'avoir privé les intéressés d'une garantie dès lors que la commission nationale consultative pour la faune sauvage captive n'a pas été régulièrement saisie ;

- il est entaché d'illégalité dès lors que la prolongation de l'agrément accordé à la SAPV pour une durée de huit mois constitue une modification substantielle du contrat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'UNICAB et M. A... demandent au juge des référés du conseil d'Etat, de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative l'exécution, d'une part, des articles 2 et 5 de l'avenant n° 1 à la convention relative à la gestion du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques, en date du 10 août 2022, et, d'autre part, de l'arrêté du 15 novembre 2023 qui prolonge pour huit mois l'agrément de la société d'actions et de promotion vétérinaires (SAPV) en qualité de gestionnaire de ce fichier.

3. En vertu des dispositions de l'article L. 413-6 du code de l'environnement, les mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens d'espèces non domestiques figurant sur les listes établies en application des articles L. 411-1, L. 411-2 et L. 412-1 détenus en captivité doivent être identifiés individuellement dans les conditions précisées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture. Pour assurer un suivi statistique et administratif de ces animaux, les données relatives à leur identification ainsi que celle de leurs propriétaires respectifs sont enregistrées au sein d'un fichier national dont les caractéristiques sont précisées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et dont la gestion peut être confiée à des personnes agréées.

4. Dans le cadre des dispositions figurant aux articles R. 413-23-5 à R. 413-23-10 du code de l'environnement, le ministère de la transition écologique et solidaire a, par une convention conclue le 10 avril 2018, confié, pour cinq ans, à la SAPV, la gestion du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques dit fichier I-FAP (pour " identification de la faune sauvage protégée "). Son article 5, prévoit, d'une part, que le gestionnaire doit s'assurer de disposer des moyens financiers nécessaires au fonctionnement du fichier étant précisé que les missions relevant de la délégation sont financées par les sommes collectées au titre de l'enregistrement des animaux d'espèces non domestiques dans le fichier national d'identification et, d'autre part, procéder à une gestion financière du fichier national d'identification distincte de la gestion financière de ses autres activités. Cet article fixe également un barème de tarifs qui distingue selon que les enregistrements dans le fichier sont effectués " hors abonnements " ou dans le cadre d'un " abonnement ". Pour les premiers, les tarifs diffèrent selon que les enregistrements sont effectués en ligne ou par voie postale et en fonction de leur quantité. Au titre de l'abonnement, la convention fixe un tarif forfaitaire annuel déterminé par année civile donnant droit à un nombre illimité d'enregistrements, à la condition que l'utilisateur dispose d'un outil informatique de gestion des animaux lui permettant d'effectuer des saisies " en masse " des renseignement requis par le fichier (" bulk import "). Ces tarifs initiaux qui ont été établis en 2018 sur la base de 200 000 enregistrements au fichier national par an, dont 20 % de demandes faites sur papier et 80 % par internet, peuvent faire l'objet, selon l'article 5 de la convention, d'une renégociation ou de modification d'un ou plusieurs prix figurant dans la grille de tarifs après une analyse des coûts soumise pour approbation au ministre en charge de la protection de la nature. L'avenant n° 1 du 10 août 2022, entré en vigueur le 1er septembre 2022, procède notamment, à son article 2, à de telles modifications. Au titre des achats hors abonnement, il fixe un tarif unique de 5,80 euros l'enregistrement pour des quantités comprises de 1 à 999 enregistrements et un tarif unique de 4, 80 euros l'enregistrement au-delà de 1 000 enregistrements, là où le précédent barème distinguait quatre paliers d'enregistrements, de 1 à 9, de 10 à 99, de 100 à 999 et au-delà de 1 000 enregistrements, avec des tarifs respectivement par palier de 5,60 euros, 3,80 euros, 3,70 euros et 3,55 euros. Il procède de même avec des tarifs propres pour les enregistrements par voie postale. Il modifie enfin l'ancien tarif d'abonnement annuel de 250 euros par année civile en le fixant à 300 euros pour de 12 mois, et en le réservant désormais aux parcs zoologiques. L'article 5 de l'avenant modifie quant à lui le préambule du cahier des charges de la convention initiale. Enfin, l'arrêté ministériel du 15 novembre 2023 prolonge pour une durée de huit mois, à compter du 16 novembre 2023, la qualité de gestionnaire du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques, octroyé par arrêté du 15 novembre 2018 à la SAPV en application des articles L. 413-6 et R. 413-23-5 du code de l'environnement.

5. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. Pour justifier de la condition d'urgence à suspendre les articles contestés de l'avenant n° 1 et l'arrêté ministériel critiqué, l'Union naturaliste pour les intérêts de la conservation animale et de la biodiversité (UNICAB) qui se présente comme étant composée d'usagers du fichier I-FAP directement affectés par les modifications tarifaires et des modalités d'enregistrement et M A... qui a la qualité d'éleveur d'agrément, soutiennent que les modifications rappelées au point 4 portent une atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par l'association et à ceux des éleveurs professionnels et non-professionnels compte tenu que la charge financière supplémentaire qui en résulte pour les propriétaires d'animaux relevant du champ d'application de l'obligation d'inscription au fichier I-FAP. Ils font en particulier valoir, d'une part, que l'augmentation des tarifs, de l'ordre de 25 à 55 % par rapport aux montants initiaux, est substantielle, d'autre part, que cette augmentation va se poursuivre durant huit mois supplémentaires du fait de la prolongation de l'agrément accordé à la SAPV et enfin qu'il est nécessaire d'y mettre fin immédiatement au regard de l'échéance prochaine de l'agrément le 15 juillet 2024. Toutefois, les requérants n'apportent, à l'appui de leurs allégations, aucun élément de nature à établir que la situation résultant de ces augmentations aurait eu, depuis le 1er septembre 2022, des conséquences significatives sur l'activité ou les revenus des débiteurs de l'obligation d'enregistrement et que le maintien du barème pendant huit mois supplémentaires serait susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à leur situation alors d'ailleurs qu'ils indiquent que l'échéance de l'agrément donné à la SAPV est désormais prochaine. Dans ces conditions, les effets des modifications critiquées n'apparaissent pas, compte tenu des éléments du dossier, d'une importance telle qu'ils seraient de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution des mesures contestées soit suspendue.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des actes attaqués, que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de l'UNICAB et M. A..., y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'UNICAB et M. A... société est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Union naturaliste pour les intérêts de la conservation animale et de la biodiversité et M. B... A....

Fait à Paris, le 8 février 2024

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 491342
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2024, n° 491342
Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491342.20240208
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