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19/01/2024 | FRANCE | N°490830

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 janvier 2024, 490830


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ou, à défaut, au préfet des Alpes-Maritimes, de la faire bénéficier d'un hébergement d'urgence dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astr

einte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2306393 du ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ou, à défaut, au préfet des Alpes-Maritimes, de la faire bénéficier d'un hébergement d'urgence dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2306393 du 27 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, d'une part, n'a pas admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 décembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'enjoindre au directeur général de l'OFII ou, à défaut, au préfet des Alpes-Maritimes, d'attribuer à Mme A... et à sa famille un hébergement dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII ou de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'elle est dépourvue de logement, dans une situation d'extrême précarité renforcée par les conditions climatiques actuelles, avec ses deux enfants mineurs, dont le plus jeune présente un état de santé très fragile imposant un traitement médical, et ce en dépit de nombreuses relances effectuées par mail auprès de l'OFII ainsi que de plusieurs appels au " 115 " ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile, à son droit à l'hébergement d'urgence ainsi qu'au principe d'égalité ;

- le refus de l'OFII de les héberger et de lui octroyer l'allocation de demandeur d'asile méconnaît son droit d'asile dès lors que sa procédure d'asile est régulière et qu'elle a accepté le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice que Mme A..., ressortissante ivoirienne, ayant déposé une demande d'asile enregistrée le 23 novembre 2023, a saisi le 26 décembre 2023 le juge des référés du tribunal administratif, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en vue qu'il enjoigne à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ou à défaut au préfet des Alpes-Maritimes des mettre à sa disposition un lieu d'hébergement susceptible de l'accueillir avec ses deux enfants mineurs, âgés de 5 et 12 ans. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 27 décembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

3. D'une part, si la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile, le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative en adressant une injonction à l'administration que dans le cas où, d'une part, le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d'asile et où, d'autre part, il résulte de ce comportement des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation familiale. Dans cette hypothèse, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier au regard de la situation du demandeur d'asile et en tenant compte des moyens dont dispose l'administration et des diligences qu'elle a déjà accomplies.

4. D'autre part, il appartient aux autorités de l'Etat de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette tâche peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

5. Pour rejeter la demande de première instance présentée par Mme A..., le juge des référés du tribunal administratif de Nice a relevé que l'intéressée, arrivée très récemment en France, a bénéficié de l'octroi par l'OFII des conditions matérielles d'accueil et que, dans l'attente d'une orientation vers un hébergement alors que le dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile est saturé dans les Alpes-Maritimes, l'OFII lui verserait d'ici la fin du mois de décembre 2023 l'allocation pour demandeur d'asile majorée d'un montant additionnel destiné à couvrir ses frais d'hébergement ou de logement en application de l'article D. 553-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en a déduit qu'il n'était pas porté, au regard des critères mentionnés aux points 3 et 4, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale par l'OFII et l'Etat, du fait d'une carence dans la mise en œuvre du droit d'asile ou du droit à l'hébergement d'urgence, justifiant que soit prononcée une injonction sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. La requérante se borne, à l'appui de sa requête d'appel, à réitérer les circonstances de fait déjà alléguées en première instance, sans fournir d'éléments suffisamment précis ou d'arguments qui permettraient de remettre en cause l'appréciation ainsi portée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, qui n'a pas méconnu le principe d'égalité en refusant de prononcer l'injonction demandée.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de Mme A... ne peut être accueilli. Sa requête, y compris, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 ne peut dès lors qu'être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A....

Copie en sera adressée à l'Office français de l'intégration et de l'immigration.

Fait à Paris, le 19 janvier 2024

Signé : Alban de Nervaux


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 490830
Date de la décision : 19/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2024, n° 490830
Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490830.20240119
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