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02/01/2024 | FRANCE | N°490428

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 janvier 2024, 490428


Vu la procédure suivante :



M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 13 novembre 2023 par laquelle le président du conseil départemental de la Côte-d'Or a refusé de lui accorder le bénéfice d'un " accueil provisoire jeune majeur " par le biais d'un " contrat jeune majeur " et d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le

bénéfice de cette mesure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Pa...

Vu la procédure suivante :

M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 13 novembre 2023 par laquelle le président du conseil départemental de la Côte-d'Or a refusé de lui accorder le bénéfice d'un " accueil provisoire jeune majeur " par le biais d'un " contrat jeune majeur " et d'enjoindre à cette autorité de lui accorder le bénéfice de cette mesure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2303398 du 14 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 14 décembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance en enjoignant en outre au président du conseil départemental de la Côte-d'Or de confier la mesure qui lui sera accordée au service Oxy Jeunes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elle a omis de rediriger ses conclusions comme il l'avait sollicité contre la décision prise par le président du conseil départemental sur son recours administratif préalable ;

- la condition d'urgence est satisfaite, compte tenu du risque qu'il court de dormir dans la rue ou de voir sa scolarité gravement compromise ;

- la décision attaquée porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l'hébergement d'urgence et à son droit à bénéficier d'un accompagnement du service de l'aide sociale à l'enfance en qualité de jeune majeur ;

- l'absence de validité des actes d'état civil qu'il avait produits ne pouvait lui être opposée par le président du conseil départemental dès lors que l'autorité étrangère compétente n'avait pas été saisie, qu'il n'avait pas bénéficié d'une procédure contradictoire, qu'il bénéficie d'un passeport et que l'âge le plus favorable résultant de l'examen d'âge osseux dont il a fait l'objet doit être retenu, conduisant à estimer qu'il a moins de vingt et un ans.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 522-3 de ce code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. "

2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes que M. B..., ressortissant ivoirien, déclarant être entré irrégulièrement en France le 28 février 2021, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or par une ordonnance du 18 mars 2021 de placement provisoire du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon, puis par des jugements en assistance éducative du 4 octobre 2021 et du 30 juin 2022 jusqu'au 15 octobre 2023, date alors retenue comme celle de sa majorité. Le 13 novembre 2023, le président du conseil départemental de la Côte-d'Or a refusé de lui accorder le bénéfice d'un " accueil provisoire jeune majeur " par le biais d'un " contrat jeune majeur ", ainsi qu'il en avait formulé la demande le 29 septembre 2023, au motif que ses documents d'état civil avaient été évalués comme étant contrefaits. M. A... relève appel de l'ordonnance du 14 décembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à ce que l'exécution de la décision du 13 novembre 2023 soit suspendue et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au président du conseil départemental de la Côte-d'Or de lui accorder le bénéfice de la mesure sollicité, dont il précise qu'il souhaite qu'elle soit confiée au service Oxy Jeunes.

3. D'une part, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes de nationalité étrangère bénéficient dans les conditions propres à chacune de ces prestations : 1° Des prestations d'aide sociale à l'enfance ; (...) / Elles bénéficient des autres formes d'aide sociale, à condition qu'elles justifient d'un titre exigé des personnes de nationalité étrangère pour séjourner régulièrement en France (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) 5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants, lorsqu'ils ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance avant leur majorité, y compris lorsqu'ils ne bénéficient plus d'aucune prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article. / Peuvent être également pris en charge à titre temporaire, par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance, les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants./ Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés au 5° et à l'avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles que, depuis l'entrée en vigueur du I de l'article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un département avant leur majorité bénéficient d'un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu'ils ne disposent pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants.

6. Une carence caractérisée dans l'accomplissement par le président du conseil départemental des missions fixées par les dispositions rappelées aux points précédents, notamment dans les modalités de prise en charge des besoins du mineur ou du jeune majeur relevant de l'aide sociale à l'enfance, lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour l'intéressé, est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon que si M. A... a fait valoir, à l'appui de sa demande de poursuite de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance en qualité de jeune majeur, qu'il souhaitait " terminer sereinement cette année scolaire " et être accompagné dans la constitution de son dossier de demande de titre de séjour en préfecture, il est décrit par ce service, dans le rapport social joint à cette demande, comme " très autonome dans la vie quotidienne ", ayant surtout besoin d'être " rassuré " et " encouragé " dans ses démarches. Il en résulte en outre que, dans le cadre de sa deuxième année de certificat d'aptitude professionnelle comme peintre applicateur de revêtements, qu'il suit en apprentissage, il est assidu et donne toute satisfaction à son employeur et perçoit un salaire mensuel d'environ 866 euros nets par mois.

8. Dans ces conditions, il n'apparaît pas, en cet état de l'instruction, compte tenu tant de l'autonomie de l'intéressé que des ressources dont il dispose, que le refus du président du conseil départemental de la Côte-d'Or d'accorder à M. A... le bénéfice d'un " accueil provisoire jeune majeur " par le biais d'un " contrat jeune majeur " soit, à supposer même qu'il se fonderait à tort sur la remise en cause de l'authenticité de ses documents d'état civil, de nature à entraîner des conséquences graves pour l'intéressé, notamment, comme il le soutient sans apporter aucune précision sur ce point, quant à son hébergement ou à la poursuite de sa scolarité.

9. Par suite, il est manifeste que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a jugé que sa situation ne justifiait pas l'intervention du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, sans que l'ordonnance attaquée puisse être regardée comme irrégulière au seul motif que les conclusions qu'il avait présentées n'auraient pas été redirigées contre la décision par laquelle le président du conseil départemental a, le 29 novembre 2023, sur son recours administratif préalable, confirmé, sans la modifier, la décision du 13 novembre 2023 initialement attaquée, contre laquelle M. A... persiste d'ailleurs lui-même à diriger ses conclusions en appel. Il en résulte que sa requête doit être rejetée par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans qu'il y ait lieu de faire droit à sa demande tendant à ce que l'aide juridictionnelle lui soit attribuée à titre provisoire.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B....

Copie en sera adressée au département de la Côte-d'Or.

Fait à Paris, le 2 janvier 2024

Signé : Gaëlle Dumortier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 490428
Date de la décision : 02/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2024, n° 490428
Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490428.20240102
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