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19/12/2023 | FRANCE | N°489599

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 décembre 2023, 489599


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre à la préfète des Landes de lui fournir un hébergement d'urgence le plus près possible de sa zone d'activité associative, au besoin en faisant usage de son pouvoir de réquisition, dans un délai de 7 jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, d'autre part, en cas de carence de la préfète des Lande

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Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre à la préfète des Landes de lui fournir un hébergement d'urgence le plus près possible de sa zone d'activité associative, au besoin en faisant usage de son pouvoir de réquisition, dans un délai de 7 jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, d'autre part, en cas de carence de la préfète des Landes, de prononcer la même injonction, assortie des mêmes conditions de délai et d'astreinte, à l'encontre du maire de Mimizan. Par une ordonnance n° 2302322 du 13 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 novembre, 1er et 13 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 13 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;

3°) d'enjoindre à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL), ou à défaut à la commune de Mimizan de lui fournir un hébergement d'urgence adapté à sa situation, dans le secteur sud de Mimizan-plage, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Mimizan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a été présentée dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision statuant sur sa demande d'aide juridictionnelle ;

- la condition d'urgence est satisfaite ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l'hébergement d'urgence ;

- la carence caractérisée de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission d'hébergement d'urgence des personnes en situation de détresse porte atteinte à son droit à l'hébergement d'urgence dès lors que, en premier lieu, elle se trouve dans un état de santé physique et psychique dégradé, en deuxième lieu, elle habite actuellement dans un réduit non chauffé malgré les températures hivernales, sans eau courante ni électricité et récemment exposé aux inondations, en troisième lieu, la seule solution lui ayant été proposée consistait en une nuit d'hébergement à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu d'exercice de ses activités associatives et, en dernier lieu, elle a accompli des démarches en vue d'obtenir un logement social ;

- le refus du maire de Mimizan de pallier la carence de l'Etat, en méconnaissance de son obligation de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours, porte atteinte à son droit à l'hébergement d'urgence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2023, la commune de Mimizan conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2023, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête est irrecevable en ce qu'elle est tardive, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... et, d'autre part, la DIHAL ainsi que la commune de Mimizan ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 14 décembre 2023, à 11 heures :

- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;

- Me Delamarre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Mimizan ;

- les représentantes de la DIHAL ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction et de l'audience tenue dans le cadre de la présente instance que Mme A..., qui est bénéficiaire du revenu social d'activité, a été expulsée à deux reprises du logement qu'elle occupait en octobre 2022 puis en avril 2023, est depuis lors sans domicile fixe et trouve actuellement refuge dans une habitation insalubre et précaire sur la commune de Mimizan. Cependant, il n'est pas contesté qu'elle s'est vu proposer à quatre reprises par les services compétents de l'Etat, et pour les deux dernières fois en avril 2023, des solutions d'hébergement d'urgence permettant un accompagnement social à Dax, dans un CHRS, puis à Mont-de Marsan. Mme A..., qui a refusé ces quatre propositions, fait valoir qu'elles n'étaient pas compatibles avec l'activité associative bénévole qui est la sienne à Mimizan plage, compte-tenu de l'éloignement de ces deux communes et de son état de santé. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que ces propositions concernaient les structures géographiquement les plus proches dont disposait l'Etat dans le département des Landes pour proposer une solution d'hébergement d'urgence et un accompagnement personnalisé à Mme A..., et, d'autre part, qu'elles n'étaient pas inadaptées à sa situation sanitaire et matérielle. Il suit de là, comme l'a relevé le premier juge, que Mme A... n'est pas fondée à exciper d'une carence de l'Etat dans l'accomplissement de la mission que lui confient les articles L. 345-2 et suivants du code de la famille et de l'aide sociale.

5. En second lieu, si Mme A... fait valoir que la commune de Mimizan disposerait à proximité de son lieu de vie actuelle de solutions d'hébergement d'urgence mieux adaptées à son activité associative, ce que cette commune a contesté à l'audience, il résulte, en tout état de cause, de ce qui a été dit au point 4 que Mme A... n'est pas fondée, à la date de la présente décision, à demander au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au maire de cette commune d'user des pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales pour prononcer la réquisition des locaux permettant son hébergement, et mettre fin au trouble à l'ordre public qui résulterait de sa situation.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A..., à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ainsi qu'à la commune de Mimizan.

Fait à Paris, le 19 décembre 2023

Signé : Cyril Roger-Lacan


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 489599
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2023, n° 489599
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:489599.20231219
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