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16/11/2023 | FRANCE | N°489150

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 novembre 2023, 489150


Vu la procédure suivante :

Mme E... B... et M. F..., agissant en leur nom propre et au nom de leurs enfants mineurs, A... C... et D... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et au Samu social de Paris, de les prendre effectivement en charge, de manière pérenne et adaptée, en Ile-de-France, dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence, en prenant en compte la situation de santé de Mme B.

.. et de leur enfant A... C... et d'assurer leur accompagnement so...

Vu la procédure suivante :

Mme E... B... et M. F..., agissant en leur nom propre et au nom de leurs enfants mineurs, A... C... et D... C..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et au Samu social de Paris, de les prendre effectivement en charge, de manière pérenne et adaptée, en Ile-de-France, dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence, en prenant en compte la situation de santé de Mme B... et de leur enfant A... C... et d'assurer leur accompagnement social sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2324798 du 30 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 30 et 31 octobre 2023 et les 13 et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... et M. C... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre au Samu social de Paris de les prendre effectivement en charge de manière pérenne, adaptée, en Ile-de-France et de leur assurer un accompagnement social conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris de les prendre effectivement en charge de manière pérenne, adaptée, en Ile-de-France et de leur assurer un accompagnement social conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le juge des référés du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'irrégularité en ce que, d'une part, la note en délibéré produite le 27 octobre 2023 n'a pas été visée et, d'autre part, l'instruction n'a pas été rouverte alors que cette note en délibéré exposait une circonstance de fait, dont ils n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pouvait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, tirée de l'impossibilité pour Mme B... de se rendre dans l'hébergement d'urgence proposé en raison de son état de santé ;

- il a méconnu l'étendue de son office en disant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leur requête alors que, d'une part, Mme B... ne peut voyager sans risque vers l'hébergement d'urgence proposé dans les Pays de Loire, eu égard à son état de santé et que, d'autre part, cet hébergement n'est ni adapté, compte tenu des conséquences néfastes qu'aurait un changement d'école pour la santé psychique de son fils et pour sa construction en tant qu'enfant, ni pérenne, dès lors qu'ils ne seront hébergés par le " SAS " de Beaucouzé que pendant une durée de trois semaines, à l'issue de laquelle leur prise en charge sera subordonnée à la régularité de leur séjour ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils sont dépourvus de logement avec leurs deux enfants mineurs et sans ressources financières en dépit d'appels quotidiens au 115 ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la carence caractérisée de l'Etat dans l'accomplissement de sa mission d'hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse porte atteinte à leur droit à l'hébergement d'urgence, à l'intérêt supérieur de leurs enfants, au principe de dignité de la personne humaine et à leur droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 et 13 novembre 2023, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et M. C... et d'autre part, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 9 novembre 2023, à 10 heures 30 :

- le représentant de Mme B... ;

- Mme B... ;

- les représentants de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 13 novembre 2023 à 17 heures, puis au 14 novembre 2023 à 17 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ".

2. Mme E... B... et M. G... C..., en leur nom propre et pour le compte de leurs enfants mineurs, A... C... et D... C..., ont saisi le 27 octobre 2023 le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris et au Samu social de Paris, de leur attribuer un hébergement d'urgence. Par une ordonnance n° 2324798 du 30 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur leur demande.

3. En premier lieu, les dispositions de l'article R. 742-2, seules applicables aux mentions que doivent comporter les ordonnances de référé en ce qui concerne les productions des parties, ne prescrivent pas au juge des référés de viser celles de ces productions qui interviennent après la clôture de l'instruction. Dès lors, l'absence de visa de la note en délibéré produite par les requérants après la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience publique n'entache pas l'ordonnance attaquée d'irrégularité.

4. En second lieu, l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 du même code dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) ". Aux termes de son article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

5. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 3, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... et M. C..., ressortissants ivoiriens, indiquent être arrivés en France en mars 2023 avec leur fils A... C..., alors âgé de trois ans. Après avoir été enregistrés comme demandeurs d'asile en juin 2023, ils ont refusé l'orientation vers une région de résidence qui avait été déterminée pour eux par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'ont pas introduit de demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Ils ont bénéficié d'un hébergement d'urgence du 12 au 25 juillet 2023 puis, de façon continue à l'exception de deux nuits, du 28 juillet au 20 octobre, date à laquelle Mme C... a été admise à la maternité, où elle a donné naissance à une fille, D... H... C.... A sa sortie de la maternité, la famille a été hébergée du 27 au 30 octobre dans un hôtel situé à Garges-lès-Gonesse, puis s'est vu proposer un hébergement à Paris du 30 au 31 octobre et, à compter de cette date, au " SAS Pays-de-la-Loire ", à Beaucouzé, vers lequel son transport devait être assuré par autocar. Les requérants ont refusé cette proposition. La délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, qui maintient cette proposition, a indiqué que cette structure d'accueil assurerait leur hébergement temporaire pendant une période de trois semaines, à l'issue de laquelle elle s'est engagée à ce qu'une orientation leur soit proposée, selon leur situation administrative, soit vers le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, soit vers le dispositif général d'hébergement d'urgence. Cette structure a également pour mission d'organiser la scolarisation des enfants et un éventuel suivi médical. Si les requérants présentent en appel un certificat médical daté du 30 octobre 2023 indiquant que l'état de santé de Mme C..., en raison de douleurs liées à son accouchement récent, ne permet pas un déplacement de longue durée, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente ordonnance, un voyage en autocar d'environ trois heures lui serait contre-indiqué. La production d'un certificat d'une pédopsychiatre selon lequel un éloignement de Paris entraînerait une rupture des liens sociaux préjudiciable à l'équilibre psychique de leur fils A..., scolarisé à Paris depuis juin 2023, ne saurait suffire à établir que la prise en charge de la famille au titre de l'hébergement d'urgence ne pourrait être assurée à proximité d'Angers dans des conditions qui sont de nature à répondre à l'état de détresse qu'elle rencontre actuellement. Dans ces conditions, et eu égard aux capacités limitées d'hébergement à Paris et en région Ile-de-France, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que leurs conclusions tendant à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative afin d'enjoindre à l'Etat de leur procurer, à bref délai, un hébergement d'urgence et un accompagnement social, étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B... et M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... B... et M. F... ainsi qu'à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement.

Fait à Paris, le 16 novembre 2023

Signé : Jean-Yves Ollier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 489150
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2023, n° 489150
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:489150.20231116
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