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10/11/2023 | FRANCE | N°489207

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 novembre 2023, 489207


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 et 5 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution des arrêtés des 6 et 27 octobre 2023 par lesquels la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a suspendu de ses fonctions pour une durée d'un an.





Il soutient que :
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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 et 5 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution des arrêtés des 6 et 27 octobre 2023 par lesquels la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a suspendu de ses fonctions pour une durée d'un an.

Il soutient que :

- les arrêtés litigieux le privent du libre exercice de son mandat d'élu au conseil d'administration de l'université de La Réunion et de son mandat de président élu de cette université ;

- la condition d'urgence est satisfaite, dès lors que, d'une part, la suspension prononcée, l'empêche d'exercer les mandats pour lesquels il a été élu ainsi que des activités d'enseignement, le prive du bénéfice des primes associées à ses mandats et fait obstacle à ce qu'il puisse accéder aux sites et locaux de l'université, d'autre part, qu'il importe, dans l'intérêt du conseil d'administration dont il est le président élu et de celui de la communauté universitaire, de rétablir ce conseil dans sa composition légitime et son fonctionnement normal, alors que la privation de ses mandats provoque des dysfonctionnements, et, enfin, qu'il est porté atteinte aux intérêts du service public universitaire, notamment à proximité du lancement de la campagne d'évaluation de l'université de La Réunion par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur avec ses conséquences sur l'allocation des moyens de l'établissement ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- les décisions de suspension prises à son encontre portent atteinte à la liberté académique et au libre exercice de ses mandats électifs de membre du conseil d'administration et de président de l'université et mettent en cause la présomption d'innocence, la liberté de l'enseignement, la libre expression du suffrage et la liberté d'expression des courants de pensée et d'opinion, ainsi qu'à la liberté d'aller et venir ;

- les atteintes portées sont graves en ce que, d'une part, la suspension prononcée compromet le fonctionnement normal de l'université et est discrétionnaire, sans être justifiée par l'intérêt du service public, d'autre part, il se trouve privé de l'exercice de ses mandats électifs, dans sa dernière année, dans des conditions contraires à l'intérêt général et à son intérêt personnel, ainsi que des droits en découlant quant à la possibilité de conserver un service d'enseignement et, enfin, il perd le bénéfice des primes associées à l'exercice de ses mandats ;

- les arrêtés litigieux ont été adoptés au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure d'obtenir communication de son dossier ;

- ils sont dépourvus de toute motivation, ne reposent pas sur des faits matériellement exacts et sont entachés d'erreur manifeste ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit en ce que les articles L. 712-2, L. 712-3 et L. 951-4 du code de l'éducation ne prévoient pas la compétence de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche pour démettre de ses fonctions un président d'université ou le suspendre dans l'exercice de ses mandats électifs et que l'article R. 712-8 du même code ne peut fonder le refus d'accès aux locaux de l'université ;

- ils ont été adoptés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation en ce que les faits qui lui sont reprochés ne présentent pas un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et en ce que la poursuite de ses activités au sein de l'établissement ne présente pas des inconvénients suffisamment sérieux pour le service et pour le déroulement des procédures en cours ;

- ils sont entachés de disproportion au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. B..., professeur des universités, affecté à l'université de La Réunion qu'il préside, a été suspendu à titre conservatoire, pour une durée d'un an, de ses fonctions par un premier arrêté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 6 octobre 2023, suspension qui a été réitérée par un second arrêté en date du 27 octobre suivant pour tenir compte de son congé de maladie. Il demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de ces arrêtés.

3. Il appartient au requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article.

4. Il ressort des éléments versés par M. B... à l'appui de sa demande de référé qu'à la suite d'un courrier d'alerte signé, en mars 2023, par sept personnes, occupant ou ayant occupé des fonctions, y compris d'encadrement, au sein de l'université de La Réunion, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a saisi l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche pour conduire une enquête administrative. Au vu du rapport rendu en juillet, qui concluait à l'existence de faits susceptibles de relever d'un harcèlement moral et à la responsabilité du président de l'université dans cette situation, la ministre a décidé de suspendre ce dernier de ses fonctions à titre conservatoire et a fait connaître son intention d'engager une procédure disciplinaire, parallèlement à la transmission réalisée par l'inspection générale auprès de la procureure de la République de Saint-Denis de La Réunion sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.

5. Les arrêtés litigieux ont comme seule portée d'écarter temporairement le requérant du service aux fins de préserver le bon fonctionnement de l'université et maintiennent l'intégralité du traitement de l'intéressé, à l'exclusion du bénéfice des primes liées à ses fonctions de président de l'université. Ainsi, les effets produits par les décisions contestées sur la situation personnelle de M. B... ne sont pas tels qu'ils caractérisent l'existence d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. En outre, si l'intéressé fait valoir les atteintes qu'il estime portées au libre exercice de ses mandats électifs et à plusieurs libertés fondamentales, la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'est, par elle-même, pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence. Enfin, si M. B... se prévaut des intérêts du conseil d'administration de l'université de La Réunion, de la communauté universitaire et du service public universitaire, notamment dans le contexte du lancement de la campagne d'évaluation de l'université de La Réunion par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, les éléments avancés ne permettent pas, compte tenu des motifs ayant justifié la prise de la mesure de suspension et alors que la continuité de la gouvernance de l'université est assurée, comme cela ressort d'ailleurs des documents versés par le requérant à l'appui de sa demande de référé, d'établir qu'il serait porté à ces intérêts une atteinte suffisamment grave et immédiate justifiant l'intervention en urgence du juge des référés.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne justifie pas d'une situation d'urgence particulière, de nature à conduire le juge des référés à prendre à très bref délai des mesures conservatoires sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Sa requête doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Fait à Paris, le 10 novembre 2023

Signé : Anne Courrèges


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 489207
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2023, n° 489207
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:489207.20231110
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