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26/10/2023 | FRANCE | N°488793

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 octobre 2023, 488793


Vu la procédure suivante :

M. D... A..., Mme J... F..., Mme K... H..., Mme N... I..., M. E... I..., Mme L... F..., Mme O... B..., Mme G... F... et M. C... M... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté n° AJ 2023 02 de la maire de la commune de Nemours du 13 septembre 2023 portant mise en demeure d'évacuer le camp situé route de Moret dans un délai de quarante-huit heures et, à défaut d'exécution spont

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Vu la procédure suivante :

M. D... A..., Mme J... F..., Mme K... H..., Mme N... I..., M. E... I..., Mme L... F..., Mme O... B..., Mme G... F... et M. C... M... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté n° AJ 2023 02 de la maire de la commune de Nemours du 13 septembre 2023 portant mise en demeure d'évacuer le camp situé route de Moret dans un délai de quarante-huit heures et, à défaut d'exécution spontanée dans le délai, ordonnant l'évacuation forcée de ces parcelles avec le concours de la force publique et, d'autre part, d'enjoindre à la maire de la commune de Nemours de mettre fin à toutes mesures visant à l'évacuation du camp situé route de Moret. Par une ordonnance n° 2309492 du 25 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9, 12 et 24 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler, et, en toute hypothèse, d'infirmer, l'ordonnance du 25 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté n° AJ 2023 02 de la maire de la commune de Nemours du 13 septembre 2023 portant mise en demeure d'évacuer le camp situé route de Moret dans un délai de quarante-huit heures et, à défaut d'exécution spontanée dans le délai, ordonnant l'évacuation forcée desdites parcelles avec le concours de la force publique ;

3°) d'enjoindre à la maire de la commune de Nemours de les réinstaller sur le site ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, d'une part, au délai bref qui leur est laissé pour quitter les lieux et à la gravité des conséquences qui s'attachent à cette mise en demeure ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît leur droit à disposer de leurs biens, leur droit à l'hébergement et leur droit au respect de leur vie privée et familiale dès lors que la mise en demeure d'évacuer le camp constitue une expropriation impliquant leur départ forcé et l'abandon de tout ou partie de leurs biens, dès lors que nombre des installations en cause ont perdu leur caractère mobile, alors que leur installation et leur habitation sur ce terrain sont anciennes et durables ;

- la mesure d'évacuation du camp n'est ni appropriée, dès lors que, d'une part, la cause de l'incendie du 11 septembre 2023 n'a pas clairement été déterminée et, d'autre part, le risque d'incendie n'est pas lié aux spécificités du lieu d'établissement du camp mais à la pratique de brulage de déchets par certains résidents, ni proportionnée à l'objectif poursuivi de prévention du risque d'incendie, en ce que la maire n'a pas pris des mesures spécifiquement orientées pour atteindre cet objectif ;

- elle constitue une mesure discriminatoire envers la communauté des gens du voyage ;

- elle constitue un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a pour objectif, au-delà de la prévention du risque allégué d'incendie ou du risque portée à la sécurité publique, de provoquer leur expulsion du terrain irrégulièrement occupé, prérogative qui relève de la compétence du préfet et non de la maire ;

- la seule circonstance que l'arrêté dont la suspension est demandée a été exécuté le 19 octobre dernier avec le concours de la force publique n'est pas de nature à priver la présente requête de son objet, eu égard à l'office particulier du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, la commune de Nemours conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, à titre principal, qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la requête et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et les autres requérants, et d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la commune de Nemours ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 25 octobre 2023, à 11 heures :

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... et des autres requérants ;

- Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Nemours ;

- la représentante de la commune de Nemours ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que " la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques " et qu'elle comprend notamment " 5°) le soin de prévenir, par des précautions convenables, ... les accidents et les fléaux calamiteux...tels que les incendies ". L'article L. 2212-4 de ce code prévoit qu' " en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances ".

3. Il résulte de l'instruction ainsi que des éléments recueillis lors de l'audience publique qu'un certain nombre de personnes, dont les requérants, se disant appartenir à la communauté des gens du voyage, se sont installées depuis plusieurs années sur une parcelle du domaine privé communal située au lieu-dit " Les Rougeats ", route de Moret, à Nemours, le long de l'autoroute A6 et la rivière canalisée du Loing, sans y disposer du droit de s'y maintenir. Les autorités locales ont constaté que, d'une part, le nombre d'habitants vivants sur cette parcelle avait augmenté jusqu'à atteindre environ 200 personnes et, d'autre part, une quantité importante de déchets divers s'était accumulée sur un quart de la surface de la parcelle environ. Le 11 septembre 2023, les occupants ont brûlé une partie de ces déchets, ce qui a engendré un incendie qui s'est déclaré dans la nuit du 11 au 12 septembre 2023, provoquant l'émanation de fumées toxiques affectant les alentours et nécessitant la mobilisation d'une quantité importante de moyens du service départemental d'incendie et de secours. L'agence régionale de santé a par ailleurs préconisé aux riverains de s'abstenir d'activités en plein air. L'incendie, qui s'est répandu sur 8 500m², a été définitivement maîtrisé au troisième jour de l'intervention des sapeur-pompiers.

4. Il résulte également de l'instruction que, le 13 septembre 2023, la maire de Nemours (Seine-et-Marne) a, sur le fondement des dispositions citées au point 2, pris un arrêté par lequel elle a mis en demeure les occupants du camp situé route de Moret à Nemours, y compris les requérants, de l'évacuer dans un délai de quarante-huit heures et, à défaut d'exécution spontanée dans ce délai, prévu qu'il sera procédé à l'évacuation forcée des parcelles occupées avec le concours de la force publique. M. A... et les autres requérants ont saisi le 14 septembre 2023 le juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une requête tendant, d'une part, à ce qu'il suspende l'exécution de l'arrêté du 13 septembre 2023 portant mise en demeure d'évacuer le camp situé route de Moret dans un délai de 48 heures et à défaut d'exécution spontanée dans ce délai, ordonnant leur évacuation forcée de ces parcelles avec le concours de la force publique et, d'autre part, à ce qu'il enjoigne à la commune de mettre fin à toutes mesures visant à l'évacuation du camp situé Route de Moret. M. A... et les autres requérants relèvent appel de l'ordonnance du 25 septembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.

Sur la demande en référé :

5. Eu égard aux pouvoirs du juge des référés saisi au titre de la procédure de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la mise en œuvre d'un arrêté de mise en demeure d'évacuer un campement illicite pris sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales n'est pas de nature à priver d'objet des conclusions tendant à ce que soient ordonnées les mesures d'urgence de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle la situation résultant de cette mise en œuvre porterait une atteinte grave et manifestement illégale. En revanche, la circonstance que, postérieurement à l'ordonnance attaquée, le préfet ayant attendu l'intervention de l'ordonnance du premier juge pour octroyer le concours de la force publique, le campement a été totalement évacué avec le concours de la force publique et les équipements qui y avaient été installés détruits ou retirés est de nature à priver d'objet les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté.

6. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que le camp a été évacué le 19 octobre dernier avec le concours de la force publique et qu'à la date de l'audience, il ne reste sur place ni habitants, ni habitations, mobiles ou autres.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. A... et les autres requérants tendant à l'annulation de l'ordonnance du 25 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 septembre 2023 et, par suite, celles tendant à ce qu'il soit enjoint à la maire de la commune de Nemours de les réinstaller sur le site sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme que M. A... et les autres requérants demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pas plus qu'il n'y a lieu de mettre à la charge de chacun des requérants la somme que la commune demande au même titre.

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A... et les autres requérants sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2309492 du 25 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, à la suspension de l'exécution de l'arrêté n° AJ 2023 02 du 13 septembre 2023 de la maire de Nemours et à ce qu'il soit enjoint à la maire de la commune de Nemours de les réinstaller sur le site.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et des autres requérants est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Nemours sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... A..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la commune de Nemours.

Fait à Paris, le 26 octobre 2023,

Signé : Thomas Andrieu


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488793
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2023, n° 488793
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488793.20231026
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