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25/10/2023 | FRANCE | N°488976

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 octobre 2023, 488976


Vu la procédure suivante :

M. C... E... et Mme G..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de M. D... E..., Mme B... E... et M. A... E..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet compétent de les prendre en charge dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence sans délai à compter de la notification de l'ordonna

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Vu la procédure suivante :

M. C... E... et Mme G..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de M. D... E..., Mme B... E... et M. A... E..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet compétent de les prendre en charge dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2323977 du 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d'une part, admis M. E... et Mme F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... et Mme F... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2323977 du 20 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre au préfet compétent de les prendre en charge, ainsi que leurs enfants mineurs, dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'ils sont, avec leurs trois enfants, dénués de toute possibilité d'hébergement et vivent à la rue depuis plusieurs semaines malgré de nombreux appels passés au " 115 ", service d'appel téléphonique du Samu-social de Paris ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- l'absence de prise en charge par l'Etat constitue une carence caractérisée qui porte atteinte à leur droit à l'hébergement d'urgence et à l'intérêt supérieur de leurs enfants dès lors qu'ils sont en situation de particulière vulnérabilité eu égard, d'une part, à la présence d'un enfant de deux ans au sein de la famille et, d'autre part, aux conséquences que représente un maintien dans la rue pour l'intégrité physique de leurs enfants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. E... et Mme F..., ressortissants arméniens, sont entrés sur le territoire français en 2022, accompagnés de leurs trois enfants mineurs, pour y demander l'asile. Ils ont bénéficié d'un hébergement en centre d'accueil de demandeurs d'asile, à Saint-Jeoire, dans le département de la Haute-Savoie, pendant la durée de l'examen de leur demande d'asile, laquelle a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile au mois d'avril 2023. Ils se sont ensuite rendus à Paris au mois de mai 2023 et, ne disposant d'aucun hébergement, ont appelé en vain le " 115 " à différentes reprises en vue de bénéficier d'une mise à l'abri. M. et Mme E... ont été reconnus prioritaires, avec leurs enfants, pour être accueillis dans une structure d'hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale par une décision du 24 août 2023 de la commission de médiation du droit au logement opposable de Paris, sans toutefois recevoir de proposition.

3. Aux termes du II de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation : " II. Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être accueilli dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale et qui n'a pas été accueilli, dans un délai fixé par décret, dans l'une de ces structures peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale./ (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue prioritaire par la commission de médiation et que n'a pas été proposée au demandeur une place dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition, un logement foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, ordonne l'accueil dans l'une de ces structures et peut assortir son injonction d'une astreinte./ (...) Le montant de cette astreinte est déterminé en fonction du coût moyen du type d'hébergement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation. / Le produit de l'astreinte est versé au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, institué en application de l'article L. 300-2. ". Ces dispositions, par lesquelles le législateur a ouvert aux personnes déclarées prioritaires pour l'accueil dans une structure d'hébergement un recours spécial en vue de rendre effectif leur droit à l'hébergement, définissent la seule voie de droit ouverte devant la juridiction administrative afin d'obtenir l'exécution d'une décision de la commission de médiation. Par suite, ces personnes ne sont pas recevables à agir à cette fin sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Toutefois, dans l'hypothèse où un jugement de tribunal administratif qui a, sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, ordonné l'accueil du demandeur reconnu prioritaire dans l'une des structures d'hébergement mentionnées par ces dispositions, demeure inexécuté, les dispositions des articles L. 345-2 et suivants du code de l'action sociale et des familles permettent à l'intéressé de solliciter le bénéfice de l'hébergement d'urgence. Le demandeur peut, s'il s'y croit fondé, saisir le juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre toutes mesures afin d'assurer cet hébergement dans les plus brefs délais. Une carence caractérisée dans la mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose au sein du département concerné ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. E... et Mme F..., qui ont été reconnus prioritaires par la commission de médiation du département de Paris, n'ont pas exercé le recours spécial qui est ouvert par les dispositions du II de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation aux personnes déclarées prioritaires par la commission de médiation pour l'accueil dans une structure d'hébergement en vue de rendre effectif leur droit à l'hébergement. Par suite, ils n'étaient pas recevables à agir à cette fin sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. E... et Mme F... doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. E... et Mme F... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... E... et à Mme H... F..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de M. D... E..., Mme B... E... et M. A... E....

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé et au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.

Fait à Paris, le 25 octobre 2023

Signé : Christine Maugüé


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488976
Date de la décision : 25/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2023, n° 488976
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488976.20231025
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