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23/10/2023 | FRANCE | N°488846

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 octobre 2023, 488846


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan de lui permettre, sans délai, l'accès aux soins et rendez-vous médicaux qu'il réclame.

Par une ordonnance n° 2302461 du 29 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'E

tat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondeme...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan de lui permettre, sans délai, l'accès aux soins et rendez-vous médicaux qu'il réclame.

Par une ordonnance n° 2302461 du 29 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande présentée en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que son placement à l'isolement a des conséquences sur son état de santé qui se dégrade en raison de la parodontite aggravée dont il souffre et de son impossibilité de s'alimenter normalement ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d'accès aux soins dès lors que l'administration pénitentiaire a annulé des rendez-vous pour une consultation dentaire, que son placement à l'isolement fait obstacle au suivi régulier que son état nécessite et rend illusoire la sollicitation de déplacements pour des consultations au sein de l'unité de consultation et des soins ambulatoires et que la délivrance du bain de bouche qui lui a été prescrit n'est pas attestée ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa dignité par la privation d'un accès à des soins indispensables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénitentiaire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau que M. A..., qui est placé à l'isolement depuis son arrivée au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan en mars 2023, souffre d'une parodontite aggravée provoquant des déchaussements dentaires. Il a demandé à ce juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le prononcé d'une mesure de sauvegarde lui permettant de bénéficier des soins appropriés à son état. Il relève appel de l'ordonnance du 29 septembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande.

3. Aux termes de l'article L. 6 du code pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la commission de nouvelles infractions et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap, de l'identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue ". Aux termes de l'article L. 322-1 du même code : " La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble de la population. / L'état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur entrée en détention et pendant leur détention. L'administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l'éducation sanitaires ".

4. Eu égard à la vulnérabilité des personnes détenues et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment au garde des sceaux, ministre de la justice et aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie et leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire, les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.

5. Pour rejeter la demande de M. A..., le juge des référés du tribunal administratif de Pau a relevé que celui-ci avait pu bénéficier, depuis son arrivée au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, d'un suivi médical régulier par le médecin de l'unité sanitaire qui passe chaque semaine au sein du quartier d'isolement, sauf lorsqu'il a refusé de le voir, et qu'il avait accédé à une consultation et des soins dentaires les 15 juin et 18 août 2023. Si l'intéressé fait valoir que des rendez-vous avec le dentiste ont été annulés, il ne résulte pas de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal que ces annulations auraient affecté sa prise en charge, alors que des consultations dentaires ont eu lieu quelques jours plus tard et que le médecin de l'unité sanitaire a attesté de l'absence d'entrave à l'accès aux soins dentaires et de ses échanges avec ses collègues chirurgiens-dentistes. Par ailleurs, en se bornant à alléguer du caractère illusoire de leur obtention, il n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause le constat du juge des référés selon lequel il n'a pas sollicité de rendez-vous supplémentaires auprès de l'unité médicale dédiée pour ses soins dentaires. Enfin, il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal que si un bain de bouche lui a été prescrit le 15 juin 2023, il a lui-même refusé de prendre ce bain de bouche suite aux soins réalisés le 18 août 2023 et que, pour tenir compte de ses problèmes dentaires et de leur incidence sur sa capacité à s'alimenter normalement, il bénéficie d'un régime alimentaire mixé. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le juge des référés en première instance, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ses conditions de détention révèleraient une carence dans l'accès aux soins constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. A... ne peut être accueilli. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Paris, le 23 octobre 2023

Signé : Anne Courrèges


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488846
Date de la décision : 23/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2023, n° 488846
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488846.20231023
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