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22/10/2023 | FRANCE | N°488973

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 octobre 2023, 488973


Vu la procédure suivante :

Mme A... D... et Mme B... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté du 18 octobre 2023 pris par le préfet des Alpes Maritimes interdisant la manifestation en soutien pour le peuple palestinien prévue le dimanche 22 octobre 2023, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n...

Vu la procédure suivante :

Mme A... D... et Mme B... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté du 18 octobre 2023 pris par le préfet des Alpes Maritimes interdisant la manifestation en soutien pour le peuple palestinien prévue le dimanche 22 octobre 2023, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2305142 du 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et Mme E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 20 octobre 2023 ;

2°) de suspendre la décision du préfet des Alpes Maritimes du 18 octobre 2023 interdisant la manifestation en soutien pour le peuple palestinien prévue le dimanche 22 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que l'illégalité de la décision dont la suspension est demandée ressort tant de ses motifs que de son caractère disproportionné.

Vu les pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...)". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il ressort des pièces du dossier que le 15 octobre 2023, Mme D... et Mme E... ont déposé, conformément aux dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, une déclaration de manifestation intitulée " Marche pacifique en soutien au peuple palestinien ", appelée à se dérouler à Nice de la place Massena à la mairie de Nice, le dimanche 22 octobre 2023 à partir de 15 heures et jusqu'à 17 heures. Par arrêté du 18 octobre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a interdit la marche de soutien au peuple palestinien, de 12h à 18h dans un périmètre défini à l'article 1er dudit arrêté.

3. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique (...) ". L'article L. 211-4 de ce code précise que : " Si l'autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté qu'elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu (...) ".

4. Le respect de la liberté de manifestation et de la liberté d'expression, qui a le caractère de libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, doit être concilié avec l'exigence constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police, lorsqu'elle est saisie de la déclaration préalable prévue à l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure ou en présence d'informations relatives à un ou des appels à manifester, d'apprécier le risque de troubles à l'ordre public et, sous le contrôle du juge administratif, de prendre les mesures de nature à prévenir de tels troubles, au nombre desquelles figure, le cas échéant, l'interdiction de la manifestation, si une telle mesure présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances, en tenant compte des moyens humains, matériels et juridiques dont elle dispose. Une mesure d'interdiction, qui ne peut être prise qu'en dernier recours, peut être motivée par le risque de troubles matériels à l'ordre public, en particulier de violences contre les personnes et de dégradations des biens, et par la nécessité de prévenir la commission suffisamment certaine et imminente d'infractions pénales susceptibles de mettre en cause la sauvegarde de l'ordre public même en l'absence de troubles matériels.

5. Pour prononcer l'interdiction litigieuse, le préfet des Alpes-Maritimes a relevé que la manifestation s'inscrivait dans un contexte international particulièrement sensible mais aussi dans un contexte particulier propre à la ville de Nice et que, dans ce contexte local de tensions, il existait un risque sérieux de troubles graves à l'ordre public entre partisans de l'une ou l'autre des parties à ce conflit, alors que les forces de l'ordre, qui sont déjà très mobilisées, n'auraient pas la capacité, compte tenu de " l'élévation de la posture Vigipirate en urgence attentat " de prévenir ces risques ou de les contenir. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le préfet a indiqué, dans son mémoire en défense devant le juge des référés, que depuis le 7 octobre ses services ont recensé à Nice de nombreux tags et graffiti qui alimentent un climat particulier de tensions, qu'un concert et un match de football Nice/Marseille, qui doivent avoir lieu le 21 octobre au soir, mobilisent les forces de l'ordre et que la venue de supporters marseillais à Nice a été interdite du fait de l'insuffisance des effectifs de forces de l'ordre disponibles.

6. Pour contester l'ordonnance attaquée, les requérantes se bornent à soutenir que le risque sérieux de troubles entre partisans n'est pas caractérisé par la préfecture des Alpes-Maritimes, que les tags cités ne peuvent non plus suffire à caractériser un risque pour l'ordre public, que la tenue d'un concert et d'un match de football sont des évènements usuels à Nice et que plusieurs juges des référés ont infléchi l'interdiction de principe des manifestations de soutien au peuple palestinien énoncée par le ministre de l'intérieur. Toutefois ses simples allégations, qui ne sont étayées par aucun élément ni aucune pièce, ne sont pas de nature à établir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait, en prononçant l'interdiction de la manifestation en cause, porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation, alors que l'interdiction prononcée est circonstanciée et ne saurait être analysée comme une interdiction de principe de toute manifestation ayant le même objet.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme D... et de Mme E... ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme D... et de Mme E... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... D... et à Mme B... E....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 22 octobre 2023

Signé : Mme F... C...


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488973
Date de la décision : 22/10/2023
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2023, n° 488973
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488973.20231022
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