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11/10/2023 | FRANCE | N°488703

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 11 octobre 2023, 488703


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 23 février 2023 rapportant le décret de naturalisation du 26 octobre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgen

ce est satisfaite dès lors que la perte de la nationalité française porte atteinte à sa lib...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 23 février 2023 rapportant le décret de naturalisation du 26 octobre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la perte de la nationalité française porte atteinte à sa liberté d'aller et venir en ce que son accès au territoire français peut désormais être restreint alors qu'il est amené à s'y rendre fréquemment en raison de son activité professionnelle et de ses attaches familiales ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration entendait se fonder pour retirer sa nationalité ne lui ont pas été communiqués, de sorte qu'il n'a pas été en mesure de présenter des observations écrites, en méconnaissance des articles 59 et 62 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, d'une part, il remplit les conditions relatives à la naturalisation et, d'autre part, aucune fraude ni aucun mensonge au sens de l'article 27-2 du code civil ne peuvent lui être reprochés ;

- elle méconnaît, d'une part, sa liberté d'aller et venir, dès lors qu'elle n'est pas proportionnée à l'objectif légitime poursuivi, en violation des droits attachés à la citoyenneté européenne et, d'autre part, son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle le prive de sa nationalité, qui est un élément constitutif de son identité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

3. Par un décret du 26 octobre 2017, M. A..., de nationalité tunisienne, a acquis la nationalité française. Ce décret a été rapporté par un décret du 23 février 2023. M. A..., qui soutient que ce dernier décret ne lui a jamais été notifié et qu'il n'en a pris connaissance qu'à l'occasion de la levée d'un acte d'état civil auprès du service d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, demande, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, que son exécution soit suspendue.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon lui, à la suspension de l'exécution du décret contesté, M. A... soutient que le retrait de sa nationalité porte atteinte à sa liberté d'aller et venir en ce que son accès au territoire français peut désormais être restreint alors que, " de par son activité professionnelle et ses attaches familiales sur le territoire français, [il] est amené à se déplacer fréquemment sur le territoire français ". Par cette affirmation générale, dépourvue de toute précision, M. A... ne fait pas état des éléments utiles permettant de mesurer le préjudice grave et immédiat qui serait ainsi fait à ses intérêts. Dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'exécution du décret contesté serait, par elle-même, de nature à préjudicier gravement et immédiatement à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il invoque. M. A..., qui, au demeurant, ne produit pas la copie de la décision dont il demande la suspension, ne justifie donc pas en l'espèce de l'existence d'une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le respect de l'autre condition fixée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Fait à Paris, le 11 octobre 2023

Signé : Thomas Andrieu


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 488703
Date de la décision : 11/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 oct. 2023, n° 488703
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488703.20231011
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