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18/09/2023 | FRANCE | N°487622

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 septembre 2023, 487622


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 août, et les 4 et 11 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;

2°) de suspendre l'exécution du décret du 31 mai 2023 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat

la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 août, et les 4 et 11 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;

2°) de suspendre l'exécution du décret du 31 mai 2023 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret contesté a pour conséquences, en premier lieu, de le rendre apatride, en deuxième lieu, de l'empêcher d'aller en Angola afin de rendre visite à sa fille mineure qui se trouve dans un état de détresse et, en dernier lieu, de l'empêcher de faire venir sa fille sur le territoire français ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- la procédure d'adoption du décret est entachée d'irrégularité, dès lors qu'il n'a jamais été informé de l'intention du gouvernement de s'opposer à son acquisition de la nationalité française ;

- ce décret mentionne un nom qui n'est plus le sien depuis le 5 décembre 2022 ;

- ce décret est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'il se fonde sur des faits de violence et de fraude qui ne sont pas établis et seraient en tout état de cause insuffisants pour justifier la décision prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Première ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et d'autre part, la Première ministre et le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 11 septembre 2023, à 15 heures 30 :

- Me Descorps-Declere, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M A... ;

- la représentante de M. A... ;

- M. A... ;

- la représentante du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 12 septembre à 12 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

2. Aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger (...) qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article 21-4 du même code : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 (...). / En cas d'opposition du Gouvernement, l'intéressé est réputé n'avoir jamais acquis la nationalité française (...) ".

3. M. A..., ressortissant congolais, a épousé une ressortissante française le 27 février 2016 à Saint-Jean de Braye (Loiret). Il a souscrit, le 8 janvier 2021, une déclaration d'acquisition de la nationalité française à raison de son mariage, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, un récépissé lui ayant été remis le 31 mai 2021. La Première ministre, se fondant sur l'article 21-4 du même code, s'est opposée à l'acquisition de la nationalité française par un décret du 31 mai 2023, au motif que l'intéressé ne pouvait être regardé comme digne, en l'état, d'acquérir la nationalité française. M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 31 mai 2023.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon lui, à la suspension de l'exécution du décret du 31 mai 2023, M. A... fait valoir que ce décret a pour conséquences de le rendre apatride et de l'empêcher, d'une part, de se rendre en Angola, pour rendre visite à sa fille de 12 ans, orpheline de mère depuis 2015, qui se trouverait sans situation d'hébergement pérenne, en situation de détresse affective et matérielle et souffre de troubles respiratoires, et, d'autre part, de faire venir celle-ci en France dans les meilleurs délais. Toutefois, l'exécution du décret contesté n'implique pas, par lui-même, que M. A..., qui réside sur le territoire français depuis 2012 et est marié à une ressortissante française depuis 2016, soit privé de tout droit au séjour sur le territoire français. En outre, il n'est pas établi que M. A... ait effectivement perdu sa nationalité congolaise, rendant de ce fait plus difficile pour lui de se rendre en Angola, le refus d'acquisition de la nationalité française ayant pour effet, aux termes des dispositions précitées du code civil, qu'il est réputé n'avoir jamais acquis la nationalité française. Enfin, il a toujours la possibilité de faire venir sa fille en France, dans le cadre du regroupement familial. Dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'exécution du décret contesté serait, par elle-même, de nature à préjudicier gravement et immédiatement à la situation de M. A... ou aux intérêts qu'il invoque.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué, la requête de M. A... ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la Première ministre.

Fait à Paris, le 18 septembre 2023

Signé : Jérôme Marchand-Arvier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 487622
Date de la décision : 18/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 sep. 2023, n° 487622
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DESCORPS-DECLÈRE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:487622.20230918
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