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25/08/2023 | FRANCE | N°477334

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 août 2023, 477334


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 22 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société E-Pango demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution, en premier lieu, de la notification en date du 24 juillet 2023 du complément de prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) mis à sa charge pour l'année 2022, en deuxième lieu, de la délibération n° 20

23-176 du 29 juin 2023 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) portant décisi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 22 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société E-Pango demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution, en premier lieu, de la notification en date du 24 juillet 2023 du complément de prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) mis à sa charge pour l'année 2022, en deuxième lieu, de la délibération n° 2023-176 du 29 juin 2023 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) portant décision sur le calcul du complément de prix de l'ARENH sur l'année 2022 et, en dernier lieu, de la délibération n° 2023-207 de la CRE du 20 juillet 2023 portant correction de la délibération du 29 juin 2023 portant décision sur le calcul du complément de prix de l'ARENH sur l'année 2022 ;

2°) de mettre à la charge de la CRE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'elle ne peut régler la somme de 3 358 553,36 euros qui lui est réclamée puisqu'elle n'a plus d'activité depuis février 2022 et que ce défaut de paiement va, d'une part, la priver de l'ARENH pour l'année 2024 et, d'autre part, l'exposer à supporter immédiatement des intérêts de retard substantiels ;

- les actes contestés sont entachés d'illégalité dès lors qu'ils se fondent sur les articles R. 336-14, R. 336-33 à R. 336-35 du code de l'énergie, l'arrêté du 17 mai 2011 et la délibération n° 2020-285 de la CRE du 2 décembre 2020 qui méconnaissent la lettre et l'esprit des dispositions de l'article L. 336-5 du code de l'énergie faute de prévoir une période de référence spécifique en cas de cessation anticipée des livraisons d'ARENH.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, la Commission de régulation de l'énergie conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que le moyen soulevé n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société E-Pango, et d'autre part, la Commission de régulation de l'énergie ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 août 2023, à 15 heures :

- les représentants de la société E-Pango ;

- les représentants de la Commission de régulation de l'énergie ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le cadre juridique du litige :

2. En vertu des articles L. 336-1 et L. 336-2 du code de l'énergie, un accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) a été ouvert, pour une période transitoire, aux fournisseurs d'électricité qui le demandent, pour assurer la liberté de choix des consommateurs, dans la limite d'un volume global maximal. En application du II de l'article L. 336-5 du même code, lorsque les droits alloués à un fournisseur sont supérieurs à la consommation effectivement constatée des consommateurs finals qu'il livre, la Commission de régulation de l'énergie notifie à ce fournisseur un " complément de prix à acquitter (...) au titre des volumes excédentaires./ Ce complément, qui tient compte du coût de financement lié au caractère différé de son règlement, est au moins égal à la partie positive de l'écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique. Il tient également compte de l'ampleur de l'écart entre la prévision initialement faite par le fournisseur et la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, et de l'effet du plafonnement mentionné à l'article L. 336-2 (...) Les modalités de calcul du complément de prix et de répartition du complément de prix prévue au troisième alinéa du présent II sont précisées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 336-33 du code de l'énergie : " La Commission de régulation de l'énergie calcule le complément de prix, mentionné à l'article L. 336-5, dû chaque année calendaire par chaque fournisseur. / La Commission de régulation de l'énergie calcule, pour l'année calendaire écoulée et pour chaque catégorie de consommateurs : 1° La quantité "Qmax " égale à la somme des quantités de produit théoriques pour toutes les sous-catégories de consommateurs calculées conformément à la méthode mentionnée à l'article R. 336-4 sur la base des consommations constatées par le gestionnaire du réseau public de transport ; 2° La quantité " Q " égale à la moyenne des quantités de produit cédées au fournisseur au titre de l'ARENH au cours des deux semestres de l'année considérée, pondérée par le nombre de jours de chacun des deux semestres. (...) ". Ces quantités, en application de l'article R. 336-14 du même code, sont calculées " en fonction de la consommation prévisionnelle durant les heures de faible consommation d'électricité sur le territoire métropolitain continental ". L'arrêté du 17 mai 2011 relatif au calcul des droits à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique a défini cette période dite de référence comme étant constituée " des heures creuses d'avril à juin et de septembre à octobre " ainsi que des heures des mois de juillet et août. Par ailleurs, l'article R. 336-35 du code de l'énergie dispose que " Le complément de prix est constitué pour chaque fournisseur : 1° D'un terme " CP1 " égal à la somme pour chaque catégorie de consommateurs, de la différence, si elle est positive, entre la valorisation sur le marché, sur l'année calendaire considérée, de la quantité de produit excédentaire et le montant correspondant à l'achat de cette quantité au prix de l'électricité nucléaire historique ; 2° D'un terme " CP2 " égal à la différence, si elle est positive, entre, d'une part, la valorisation sur le marché, sur l'année calendaire considérée, de la quantité de produit égale à la somme pour chaque catégorie de consommateurs, si elle est positive, de la quantité de produit excessive et, d'autre part, le montant correspondant à l'achat de cette quantité au prix de l'électricité nucléaire historique (...) ". Enfin la délibération n° 2020-285 du 2 décembre 2020 de la Commission de régulation de l'énergie portant décision relative aux modalités de calcul et de répartition du complément de prix ARENH en cas d'atteinte du plafond prévoit, au titre du traitement des cas particuliers, que lorsque les livraisons d'un fournisseur ont été interrompues en cours d'année, d'une part, les quantités " Q " et " Qmax " sont multipliées par le quotient du nombre d'heures hors cessation de livraison par le nombre d'heures de la période de livraison et d'autre part, la référence de prix utilisée pour le " CP1 " est calculée sur les heures hors période de cessation des livraisons.

Sur la demande de la société requérante :

4. En application des dispositions citées au point 3, la CRE, par un courrier du 24 juillet 2023, a notifié à la société E-Pango un complément de prix ARENH sur l'année 2022 d'un montant de 3 356 816,30 euros. La société E-Pango demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision ainsi que des deux délibérations de la CRE en date des 29 juin 2023 et 20 juillet 2023 portant décision sur le calcul du complément de prix ARENH sur l'année 2022.

5. La société E-Pango critique les modalités de calcul du terme " CP1 " du complément de prix ARENH mis à sa charge au titre de l'année 2022 au motif qu'elles ne tiennent pas compte du fait qu'elle avait exercé son activité de fournisseur d'électricité uniquement jusqu'au 7 février. Elle soutient que la prise en compte de la période de référence de droit commun constituée des heures de faible consommation d'électricité, définie à l'arrêté du 17 mai 2011, méconnaît à la fois la lettre et l'esprit du mécanisme de complément de prix institué par l'article L. 336-5 du code de l'énergie lorsque, comme en l'espèce, les livraisons d'électricité ont eu lieu en dehors de cette période. Toutefois, il résulte de l'instruction que, ainsi que l'a d'ailleurs admis la société requérante à l'audience, si la CRE a fait application des dispositions, citées au point 3, du code de l'énergie pour déterminer le complément de prix ARENH mis à sa charge, elle a tenu compte du fait que la société avait été contrainte d'interrompre ses livraisons d'électricité aux consommateurs finals le 8 février 2022. Elle a, en conséquence, conformément à ce que prévoit sa délibération du 2 décembre 2020, déterminé le montant de la part " CP1 " du complément de prix ARENH mis à la charge de la société requérante en proratisant le nombre d'heures de livraison et en calculant la référence de prix à partir des heures hors période de cessation des livraisons. Ces opérations ont conduit à limiter le montant du complément de prix ARENH mis à la charge de la société requérante à la somme de 3 356 816,30 euros au lieu de la somme de 45 599 479,20 euros qui aurait résulté de l'application des dispositions réglementaires du code de l'énergie. Par ailleurs, la période de référence constituée des heures de faible consommation d'électricité est la seule qui ouvre droit à l'ARENH. Il s'ensuit qu'en l'état de l'instruction, n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées le moyen tiré de l'illégalité des dispositions dont la CRE a fait application pour calculer le montant du complément de prix ARENH mis à la charge de la société requérante au titre de l'année 2022 faute pour ces dispositions de déterminer une période de référence spécifique aux fournisseurs d'électricité qui interrompent leurs livraisons en cours d'année.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de la société E-Pango doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société E-Pango est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société E-Pango et à la Commission de régulation de l'énergie.

Fait à Paris, le 25 août 2023

Signé : Nathalie Escaut


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 477334
Date de la décision : 25/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 aoû. 2023, n° 477334
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 30/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:477334.20230825
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