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14/08/2023 | FRANCE | N°478448

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 août 2023, 478448


Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé son expulsion du territoire français et fixé le pays de destination. Par une ordonnance n° 2316600 du 21 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Par une requête, enregistrée

le 7 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au j...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé son expulsion du territoire français et fixé le pays de destination. Par une ordonnance n° 2316600 du 21 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2316600 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 mai 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer ordonnant son expulsion et fixant son pays de destination comme étant le Sénégal.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'une obligation de quitter le territoire français porte, en principe, par elle-même, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne qu'elle vise ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît sa liberté d'aller et venir dès lors qu'il l'oblige à quitter le territoire national ;

- l'arrêté contesté méconnaît son droit de mener une vie familiale normale dès lors que, d'une part, il l'oblige à quitter la France, pays dans lequel il est né, a toujours vécu et où se trouve sa cellule familiale, constituée de son enfant et de la mère de celui-ci, Mme B..., avec laquelle il est marié religieusement depuis le 21 août 2021 et, d'autre part, il n'a aucune attache familiale ou sociale dans le pays de destination désigné ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, d'une part, il a pour effet de l'expulser sans considération de la protection offerte par ces dispositions aux étrangers justifiant d'une vie privée et familiale en France et, d'autre part, son comportement ne représente pas de danger actuel pour les intérêts fondamentaux de l'Etat ;

- l'arrêté contesté ne tient pas compte de sa situation d'apatridie dès lors que, d'une part, il a été déchu de sa nationalité française par décret du 30 avril 2021 du Premier ministre et, d'autre part, il ne bénéficie pas de la nationalité sénégalaise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. A..., ressortissant sénégalais né le 2 février 1994, relève appel de l'ordonnance du 21 juillet 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande, qu'il a présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé son expulsion du territoire français et fixé le pays de destination.

3. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-3 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) /4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) ".

4. D'une part, il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de Paris que M. A... a fait l'objet d'une condamnation, prononcée le 23 mars 2016, à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme. Le juge des référés a en outre relevé, après avoir constaté que la commission d'expulsion avait émis un avis favorable à la mesure contestée que le comportement de M. A... démontrait un ancrage persistant dans la mouvance islamiste radicale corroborés par les notes des services de renseignements précises et circonstanciées rédigées en 2021, 2022 et 2023, portant notamment sur ses contacts réguliers avec des personnes pro djihadistes condamnées pour terrorisme. M. A... ne remet pas sérieusement en cause en appel ces éléments, lesquels révèlent un comportement qui, en l'état de l'instruction, est lié à des activités à caractère terroriste au sens et pour l'application de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

5. D'autre part, si l'intéressé, ayant acquis la nationalité française à l'âge de 14 ans, en a été déchu par décret du 30 avril 2021, soutient en premier lieu que son apatridie ferait obstacle à son expulsion, la seule circonstance qu'il ne disposerait pas de documents d'identité sénégalais et ne figurerait pas dans les registres de l'état civil du Sénégal ne saurait permettre de déduire qu'il ne possède plus la nationalité de ce pays à la suite de la déchéance de la nationalité française dont il a fait l'objet. En second lieu, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif, si M. A... est le père d'un enfant français mineur résidant en France, les éléments qu'il a produits ne permettent pas d'établir qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de cet enfant né en 2022 de sa relation avec Mme B..., avec laquelle il ne vit pas. Dans ces conditions, et en l'état de l'instruction, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'expulsion porterait à son droit de mener une vie familiale normale avec sa fille et sa compagne une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, M. A... n'est manifestement pas fondé à soutenir que l'arrêté du ministre de l'intérieur qu'il conteste serait entaché d'une illégalité de nature à justifier que le juge des référés fasse usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite il y a lieu de rejeter son appel selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... A....

Fait à Paris, le 14 août 2023

Signé : Nicolas Boulouis


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 478448
Date de la décision : 14/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 aoû. 2023, n° 478448
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:478448.20230814
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