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31/07/2023 | FRANCE | N°476068

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 31 juillet 2023, 476068


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Police nationale (APN) et la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur (UNSA-FASMI) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la circulaire du 22 mars 2023 relative à la recomposition des commissions locales d'action sociale (CLAS) à la suite des élections professionnelles du 1er a

u 8 décembre 2022 ainsi que de la décision implicite du ministre de l'intér...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Police nationale (APN) et la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur (UNSA-FASMI) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la circulaire du 22 mars 2023 relative à la recomposition des commissions locales d'action sociale (CLAS) à la suite des élections professionnelles du 1er au 8 décembre 2022 ainsi que de la décision implicite du ministre de l'intérieur et des outre-mer rejetant leur recours gracieux du 5 avril 2023 et de la décision du 23 juin 2023 de la même autorité le rejetant explicitement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la circulaire contestée, en ce qu'elle a des effets immédiats sur la composition des commissions locales d'action sociale (CLAS) en cours de constitution, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'ils entendent défendre ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des actes contestés ;

- la circulaire en litige ajoute à l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2022 relatif aux commissions locales d'action sociale et au réseau local d'action sociale du ministère de l'intérieur et des outre-mer, dont elle méconnaît le sens et la portée, en tant qu'elle expose qu'il ne peut y avoir d'agrégation des résultats obtenus par les listes communes présentées par la fédération des services CFE-CGC et l'UNSA-FASMI ;

- ce faisant, elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi, l'égalité devant le suffrage, le droit des organisations syndicales du personnel de présenter une liste commune lors d'élections et de décider des modalités de répartition entre elles des sièges et le droit des syndicats à être représentés dans des instances de concertation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, les dispositions en litige ayant déjà épuisé leurs effets lorsqu'elle a été présentée, que la condition d'urgence n'est, pour le même motif, pas satisfaite, que le recours pour excès de pouvoir dirigé contre la circulaire est lui-même tardif et que les moyens soulevés ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions en litige.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006 ;

- l'arrêté du 17 octobre 2022 relatif aux commissions locales d'action sociale et au réseau local d'action sociale du ministère de l'intérieur et des outre-mer ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le syndicat Alliance Police nationale et la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 juillet 2023, à 15 heures :

- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat Alliance Police nationale et de la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur (UNSA-FASMI) ;

- le représentant de l'UNSA-FASMI ;

- les représentants du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 juillet 2023, présentée par le syndicat Alliance Police nationale (APN) et la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur (UNSA-FASMI) ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'article L. 731-2 du code général de la fonction publique dispose que : " Les agents publics participent à la définition et à la gestion de l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bénéficient ou qu'ils organisent. " L'article 4 du décret du 6 janvier 2006 relatif à l'action sociale au bénéfice des personnels de l'Etat précise que : " (...) les agents de l'Etat participent à la définition et à la gestion de l'action sociale par l'intermédiaire de représentants siégeant dans des organes consultatifs compétents en cette matière. "

3. Sur le fondement de ces dispositions, l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 2022 relatif aux commissions locales d'action sociale et au réseau local d'action sociale du ministère de l'intérieur et des outre-mer dispose que : " Il est institué, dans chaque département ou collectivité de métropole et d'outre-mer, par un arrêté du représentant de l'Etat, une commission locale d'action sociale dont la composition, les attributions et le fonctionnement sont régis par les règles fixées par le présent arrêté " et dont les attributions " s'exercent au profit de tous les personnels relevant de l'action sociale du ministère de l'intérieur et des outre-mer affectés sur le territoires concerné ", sous réserve de certaines dispositions particulières. L'article 2 de cet arrêté prévoit que, sous réserve de la dérogation qu'il précise, la commission locale d'action sociale comprend, outre des membres de droit, un certain nombre, variant selon la " strate " du département, de membres représentant " les principales organisations syndicales représentatives des personnels du ministère ", désignés par celles-ci, avec leur suppléant, parmi les agents remplissant les conditions requises pour être électeurs aux comités sociaux d'administration dont la liste est précisée en annexe 2 ou parmi les pensionnés. Le premier alinéa de l'article 3 du même arrêté précise que : " Les sièges sont répartis entre les représentants des personnels du ministère exerçant leurs fonctions au sein d'un service implanté sur le territoire de référence, sans distinction du service d'affectation. (...) " Enfin, l'article 4 de cet arrêté dispose que : " I- La répartition des sièges s'effectue à la proportionnelle à la plus forte moyenne, sur la base des résultats locaux obtenus par les listes déposées par les organisations syndicales à l'élection pour les comités sociaux d'administration figurant en annexe 2. / (...) Les résultats obtenus par les listes déposées pour l'élection aux différents comités sociaux d'administration par des organisations syndicales appartenant aux mêmes fédérations ou unions sont agrégés. / II- Pour l'application du I, il est procédé successivement : 1. A une répartition des sièges entre chacune des listes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne sur la base des suffrages qu'elles ont recueillis ; / 2. A une répartition des sièges entre les organisations syndicales partenaires au sein d'une liste commune conformément aux dispositions de leur convention, lorsque celle-ci existe. A défaut d'indication, la répartition des suffrages recueillis se fait à part égale entre elles. (...) "

4. Pour la mise en œuvre de l'arrêté précité, la directrice des ressources humaines du ministère de l'intérieur et des outre-mer a, le 22 mars 2023, édicté une circulaire, relative à la recomposition des commissions locales d'action sociale (CLAS) à la suite des élections professionnelles du 1er au 8 décembre 2022. Le syndicat Alliance Police nationale (APN) et la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur (UNSA-FASMI) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution, de même que de la décision implicite rejetant leur recours gracieux présenté le 5 avril 2023 et de la décision explicite du 23 juin 2023 rejetant ce recours gracieux. Eu égard aux moyens qu'ils invoquent et ainsi qu'ils l'ont confirmé à l'audience, ils doivent être regardés comme demandant la suspension de l'exécution de cette circulaire en tant seulement qu'à son I relatif au " mode opératoire de recomposition de la CLAS ", au sein du " e) Répartition des sièges et représentation des personnels ", à propos de l' " étape 1 " devant conduire à déterminer " l'ensemble des listes présentées à l'ensemble des CSA participant à la recomposition des CLAS ", après avoir rappelé que " Les résultats obtenus par les listes sont agrégés dès lors qu'elles appartiennent aux mêmes fédérations ou unions ", cette circulaire indique que : " Il convient de souligner que, pour un certain nombre de CSA, la fédération des services publics CFE-CGC et UNSA-FASMI ont présenté des listes communes dont les compositions et les protocoles diffèrent selon les CSA. S'agissant au cas présent de deux blocs syndicaux distincts qui ont présentés des listes et des protocoles différents, il ne peut y avoir d'agrégation. C'est la raison pour laquelle les 10 listes présentées par CFE-CGC et UNSA-FASMI doivent être considérées et traitées indépendamment les unes des autres. "

5. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'une décision administrative lorsque l'exécution de celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de la décision litigieuse sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de cette décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

6. Il résulte du calendrier fixé par la circulaire en litige que la mise en œuvre de ces dispositions devait donner lieu, pour chacune des commissions locales d'action sociale, au nombre de cent sept selon les indications données à l'audience par le ministère, à un arrêté préfectoral pris au plus tard le 30 juin 2023 et notifié sans délai aux organisations syndicales, précisant à chacune le nombre de sièges qui lui sont attribués et ouvrant à celle-ci un délai maximum d'un mois pour désigner ses représentants, la réunion d'installation de la commission locale d'action sociale devant avoir lieu au plus tard deux mois après cette notification et l'arrêté du 17 octobre 2022 prévoyant lui-même que la nouvelle composition de la commission locale d'action sociale est fixée dans les six mois suivant la publication des résultats aux scrutins des comités sociaux figurant à son annexe 2.

7. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que l'ensemble des cent sept arrêtés préfectoraux de répartition des sièges mettant en œuvre les dispositions en litige de la circulaire, qui devaient être pris au plus tard le 30 juin 2023, ne l'auraient pas été au jour de la présente ordonnance, cent d'entre eux ayant d'ailleurs été communiqués au ministère, selon les indications, non contestées, données par celui-ci à l'audience. Il résulte en outre de l'instruction que le processus de recomposition des cent sept commissions locales d'action sociale concernées est, au jour de la présente ordonnance, achevé ou proche de l'être pour une part substantielle d'entre elles, trente-neuf ayant d'ores et déjà été installées et vingt-cinq convoquées à cette fin, selon les indications, non contestées, données par les requérants eux-mêmes à l'audience.

8. Dans ces conditions, alors que les requérants, qui avaient connaissance de la circulaire qu'ils attaquent au moins depuis le courrier qu'ils ont adressé au ministre de l'intérieur et des outre-mer le 5 avril 2023 pour se plaindre de ses dispositions en litige, n'ont saisi le juge des référés du Conseil d'Etat que trois semaines après que ces dispositions devaient avoir épuisé leurs effets par l'intervention des arrêtés préfectoraux de répartition des sièges et, à supposer même que les quelques arrêtés qui n'ont pas encore été communiqués au ministère n'aient pas encore été pris, eu égard à l'intérêt qui s'attache à ce que le processus de recomposition en cours, proche d'aboutir, soit mené à son terme de la même façon pour toutes les commissions locales d'action sociale, la suspension des dispositions en litige ne peut être regardée comme présentant un caractère d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

9. Il résulte de ce qui précède qu'en cet état de l'instruction, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, les conclusions des requérants tendant à ce que soit suspendue, dans la mesure précisée au point 4, l'exécution de la circulaire du 22 mars 2023, ainsi, par voie de conséquence, que des rejets, implicite et explicite, de leur recours gracieux, ne peuvent qu'être rejetées, de même, par suite, que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat Alliance Police nationale et de la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat Alliance Police nationale, à la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur, ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 31 juillet 2023

signé : Gaëlle Dumortier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 476068
Date de la décision : 31/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 2023, n° 476068
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:476068.20230731
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