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25/07/2023 | FRANCE | N°475940

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 juillet 2023, 475940


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du 26 mai 2023 rapportant le décret du 22 novembre 2019 ayant prononcé sa naturalisation ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de tous les actes subséquents, notamment la convocation le 19 juillet 2023 à la préfecture de Versailles aux fins de restitution

de sa carte nationale d'identité et de son passeport et de ceux de sa fille et la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du 26 mai 2023 rapportant le décret du 22 novembre 2019 ayant prononcé sa naturalisation ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de tous les actes subséquents, notamment la convocation le 19 juillet 2023 à la préfecture de Versailles aux fins de restitution de sa carte nationale d'identité et de son passeport et de ceux de sa fille et la convocation le 28 juillet 2023 à la préfecture de Police de restitution de l'ampliation de son décret de naturalisation ;

3°) à titre subsidiaire, de reporter les effets du retrait de sa nationalité française, jusqu'à ce qu'elle obtienne un premier récépissé de demande de titre de séjour auprès de la préfecture de Versailles ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la restitution de ses documents d'identité aura pour conséquence de la priver de tout document justifiant de la régularité de son séjour sur le territoire national et l'exposera à une précarisation de sa situation administrative et à un risque de perte de son emploi et de précarisation sociale, financière et psychologique ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- le décret contesté méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que le retrait de sa nationalité concerne également sa fille mineure, dont les intérêts n'ont pas été pris en considération, ainsi qu'il ressort de l'absence de visa de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnaît la liberté d'aller et venir dès lors qu'il aura pour effet de la priver, ainsi que sa fille, de tout documents de voyage, les empêchant de traverser les frontières et les exposant à un risque de rétention administrative ou de retenue pour vérification d'identité, sauf à en reporter les effets jusqu'à ce qu'elle obtienne un récépissé de demande de titre de séjour ;

- il méconnaît le droit à la vie privée et familiale dès lors que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe en France depuis 2002, son mariage avec un ressortissant marocain étant sans incidence à cet égard ;

- il est manifestement illégal dès lors que, d'une part, le délai de rapport du décret de naturalisation du 22 novembre 2019 tel que prévu par l'article 27-2 du code civil n'a pas été respecté et, d'autre part, la fraude, au sens de l'article 27-2 du code civil, n'est pas caractérisée, dès lors qu'elle n'a pas intentionnellement dissimulé son mariage à l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la demande est irrecevable en ce qui concerne la restitution des cartes nationales d'identité et passeport et de l'ampliation du décret de naturalisation, et la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Première ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et d'autre part, la Première ministre et le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 juillet 2023, à 10 heures 30 :

- Me Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;

- le représentant de Mme B... ;

- Mme B... ;

- la représentante du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article, la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'étant pas de nature, par elle-même, à caractériser l'existence d'une situation d'urgence.

3. Par décret du 26 mai 2023, dont la suspension est demandée, la Première ministre a rapporté le décret du 22 novembre 2019 portant naturalisation de Mme B... au motif qu'il avait été obtenu par fraude, en raison de la dissimulation volontaire par l'intéressée de son mariage avec un ressortissant marocain résidant à l'étranger, intervenu pendant l'instruction de sa demande. Par un courrier du 20 juin 2023, la préfecture de Versailles a convoqué aux fins de restitution de sa carte nationale d'identité et de son passeport et de ceux de sa fille, fixé le 19 juillet 2023. Par une lettre du 22 juin 2023, elle a été convoquée le 28 juillet 2023 à la préfecture de Police pour restituer l'ampliation de son décret de naturalisation.

4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache, selon elle, à la suspension de l'exécution des décisions contestées, Mme B... soutient que le retrait de sa nationalité et la restitution de ses documents d'identité qui en résulte auront pour conséquence de la priver de tout document justifiant de la régularité de son séjour sur le territoire national et l'exposeront à une précarisation de sa situation administrative et à un risque de perte de son emploi et de précarisation sociale, financière et psychologique. Toutefois, le décret contesté n'implique pas, par lui-même, que Mme B... et sa fille seraient privées de tout droit au séjour sur le territoire français et que l'intéressée risquerait en conséquence de perdre l'emploi qu'elle occupe, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction qu'elle a rendez-vous le 31 juillet 2023 à la préfecture de Versailles pour déposer une demande de titre de séjour. Dès lors, la requérante ne justifie pas de l'existence d'une situation d'urgence particulière nécessitant l'intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la requête de Mme B... ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B..., à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 25 juillet 2023

Signé : Jean-Yves Ollier


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 475940
Date de la décision : 25/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2023, n° 475940
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:475940.20230725
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