Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 juin, 7 et 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 mars 2023 du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) procédant à sa radiation du tableau de la section D de l'ordre des pharmaciens en qualité de pharmacienne adjointe d'officine à la " Pharmacie de Maremne " à Tosse (Landes) à compter du 27 mars 2023 ;
2°) d'enjoindre au CNOP de procéder au réexamen de sa demande d'inscription au tableau de la section D de l'ordre des pharmaciens, dans un délai de trois mois suivant la décision ;
3°) de mettre à la charge du CNOP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de la décision litigieuse l'empêche d'exercer sa profession de pharmacienne et la place dans une situation financière précaire ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision du CNOP a été prise sans consultation préalable des représentants du ministre des armées et du ministre de la santé et de la prévention, en méconnaissance de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique ;
- elle méconnaît le principe d'impartialité dès lors que deux des membres ayant participé à la réunion du CNOP avaient déjà participé à la délibération de la décision de la chambre de discipline du CNOP du 19 juin 2019 lui infligeant la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant cinq ans dont deux avec sursis ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce que le CNOP s'est fondé, afin de prendre sa décision, sur la circonstance erronée selon laquelle elle aurait effectué des facturations supplémentaires auprès des organismes sociaux d'un montant de 700 000 euros ;
- le CNOP ne pouvait, pour se prononcer sur le respect de la condition de moralité, se fonder sur la décision du 18 mai 2022 de la chambre de discipline du Conseil régional de l'ordre des pharmaciens qui n'était pas exécutoire, un appel étant pendant devant la chambre de discipline du CNOP ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit pour s'être fondée uniquement sur les faits commis entre 2013 et 2018 et les décisions qui les ont sanctionnés sans rechercher si, à la date à laquelle cette décision a été prise, elle présentait les conditions de moralité requises ;
- c'est à tort que le CNOP a considéré que la condition de moralité professionnelle exigée par l'article L. 4221-1 du code de la santé publique n'était pas remplie, alors que, depuis sa condamnation, elle a pris conscience de la gravité de ses fautes passées, s'est amendée et a entrepris des démarches pour rembourser les sommes indument appropriées ;
- aucune disposition législative ou réglementaire, en particulier l'article R. 4222-2 du code de la santé publique, ni aucun principe, n'exige, pour son inscription au tableau, la production par le professionnel d'un acte portant cession des parts sociales de l'établissement dans lequel le pharmacien adjoint a vocation à exercer son activité, de sorte que les autorités ordinales ne pouvaient, sans entacher leurs décisions d'illégalité, subordonner son inscription au tableau à cette production.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, conclut, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B..., et d'autre part, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 10 juillet, à 10 heures 30 :
- Me Sebagh, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;
- le représentant de Mme B... ;
- Me Perier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture d'instruction au lundi 17 juillet 2023 à 16 heures puis au mardi 18 juillet 2023 à 16 heures ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
2. Il résulte de l'instruction que Mme B..., qui était pharmacienne, titulaire d'officine à Tosse (Landes), a fait l'objet d'une mesure disciplinaire d'interdiction d'exercer la profession de pharmacien d'une durée de cinq ans dont deux ans avec sursis prononcée par une décision de la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) du 19 juin 2019, passée en force de chose jugée. En conséquence de cette décision, elle a été radiée du tableau de l'ordre des pharmaciens. A l'expiration de la partie ferme de la sanction, elle a sollicité sa réinscription au tableau de l'ordre de la section D de l'ordre des pharmaciens, afin de devenir pharmacienne-adjointe au sein de l'officine dont elle était autrefois titulaire. Par une décision du 16 novembre 2022, le conseil central de la section D de l'ordre des pharmaciens a fait droit à cette demande. Toutefois, sur recours du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine, le CNOP a annulé cette décision et prononcé la radiation du tableau de l'ordre de Mme B... par la décision du 27 mars 2023 dont l'intéressée demande la suspension.
3. Il résulte de l'instruction que par une décision du 17 juillet 2023, la chambre de discipline du CNOP a rejeté l'appel formé par Mme B... contre une décision du 18 mai 2022 de la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine lui infligeant la sanction de l'interdiction définitive d'exercer la profession de pharmacien. Cette décision, qui est exécutoire, a pour conséquence que la suspension de la décision litigieuse ne permettrait pas, pour autant, la réinscription de la requérante au tableau de l'ordre. Par suite, la condition d'urgence n'est pas caractérisée. Il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, de rejeter la requête de Mme B....
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du CNOP. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros à verser, à ce titre, au CNOP.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au conseil national de l'ordre des pharmaciens une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et au conseil national de l'ordre des pharmaciens.
Fait à Paris, le 24 juillet 2023
Signé : Alain Seban