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21/06/2023 | FRANCE | N°474852

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 juin 2023, 474852


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution du décret du 17 avril 2023 par lequel le Président de la République a prononcé sa radiation des cadres par mesure disciplinaire ;



2°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration immédiate, d

ans un délai de huit jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 17 avril 2023 par lequel le Président de la République a prononcé sa radiation des cadres par mesure disciplinaire ;

2°) d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration immédiate, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le juge des référés du Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de sa requête ;

- sa requête est recevable dès lors que, d'une part, il a intérêt et qualité pour agir et, d'autre part, il a introduit un recours en annulation dans le délai imparti contre le décret contesté et sans être tenu de former préalablement un recours administratif devant la commission des recours des militaires ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa radiation des cadres entraîne la perte immédiate de son traitement et de son logement concédé par nécessité absolue de service, ce qui le place dans une situation personnelle et financière très précaire ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- sa radiation des cadres est une sanction manifestement disproportionnée eu égard, en premier lieu, aux avis du conseil d'enquête et de l'autorité militaire de premier niveau, qui ont respectivement recommandé, aux termes d'une instruction contradictoire, un retrait d'emploi pour une durée d'un mois et un blâme du ministre, en deuxième lieu, à l'absence de sa part de toute intention de nuire et de toute tentative de dissimuler ses malversations, en troisième lieu, au caractère ponctuel des détournements opérés, qui s'inscrivaient dans le contexte difficile, psychologiquement et financièrement, de sa séparation avec son épouse et qu'il a depuis intégralement remboursés et, en dernier lieu, à la pleine conscience qu'il a de la gravité de ses actes et aux remords qu'il a exprimés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du code de la défense : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. " ".

3. En outre, en vertu des dispositions combinées des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 du code de la défense, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent à des sanctions disciplinaires réparties en trois groupes et qui sont, respectivement, pour le premier : l'avertissement, la consigne, la réprimande, le blâme, les arrêts et le blâme du ministre ; pour le deuxième : l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération, l'abaissement temporaire d'échelon et la radiation du tableau d'avancement ; et, enfin, pour le troisième groupe : le retrait d'emploi et la radiation des cadres ou la résiliation du contrat.

4. Par le décret du 17 avril 2023 dont la suspension est demandée, le Président de la République a, en application de ces dispositions, prononcé à l'encontre de M. A..., chef d'escadron de la gendarmerie nationale, la radiation des cadres par mesure disciplinaire. Cette sanction est motivée par le fait que cet officier, alors affecté à l'office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) jusqu'à sa mutation le 1er août 2020, aurait transféré une somme totale de 7 674 euros sur son compte bancaire personnel à partir du compte bancaire de l'amicale de l'OCLDI, dont il exerçait les fonctions de trésorier.

5. Pour demander la suspension de ce décret, M. A..., soutient que la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a effectué de 2019 à 2020 sans aucune justification onze virements du compte bancaire de l'amicale vers son compte personnel et que le total des prélèvements indus s'élève à 7 674 euros, ces faits répétés, eu égard à leur gravité et à leur incompatibilité avec la fonction de gendarme, spécialement lorsqu'il s'agit d'un officier devant montrer l'exemple, constituent un manquement de nature à nuire gravement à la considération portée à la gendarmerie nationale. Dans ces conditions, alors que M. A... ne conteste ni la matérialité des faits qui lui sont reprochés ni l'existence d'une faute, et malgré des circonstances personnelles alors difficiles, le moyen tiré de ce que la sanction de radiation serait disproportionnée n'est pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret dont la suspension est demandée.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la demande de M. A... ne peut, en l'état, qu'être rejetée, y compris les conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre des armées.

Fait à Paris, le 21 juin 2023

Signé : Thomas Andrieu


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 474852
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2023, n° 474852
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474852.20230621
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