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20/06/2023 | FRANCE | N°475108

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 juin 2023, 475108


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CMCMRS Distribution, la société Buddha Farm's, la société K-lab, la société Green exchange lab et la société Au pays du thé demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :



1°) de déclarer recevable leur requête ;

2°) à titre principal, de suspendre l'exécution de la décision du 12 juin

2023 de la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CMCMRS Distribution, la société Buddha Farm's, la société K-lab, la société Green exchange lab et la société Au pays du thé demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de déclarer recevable leur requête ;

2°) à titre principal, de suspendre l'exécution de la décision du 12 juin 2023 de la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé portant modification de la liste des substances classées comme stupéfiants ;

3) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'administration de prévoir des mesures transitoires leur permettant de s'adapter à la nouvelle réglementation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient d'un intérêt à agir ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision du 12 juin 2023, qui leur est applicable immédiatement et sans mesure transitoire les place en infraction à la législation relative aux produits stupéfiants et les expose à des sanctions pénales, a des conséquences économiques irrémédiables sur leur activité, a fait l'objet du présent recours moins de deux jours après sa publication et porte des atteintes graves à plusieurs libertés fondamentales ;

- le classement immédiat de l'hexahydrocannabinol (HHC) comme stupéfiant méconnaît leur droit de propriété sur les stocks qu'elles ont constitués dès lors qu'il n'est pas justifié par des considérations de santé publique suffisamment fiables et documentées scientifiquement ;

- l'interdiction de la commercialisation du HHC, substance qu'elles commercialisaient jusqu'alors librement, méconnaît leur liberté d'entreprendre eu égard à l'absence de preuve de sa toxicité et de toute mesure transitoire leur permettant d'adapter leur activité ;

- la décision contestée méconnaît le principe de libre circulation des marchandises ;

- elle méconnaît l'obligation de notification à la Commission européenne, en méconnaissance des dispositions de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

- elle est constitutive d'une réglementation commerciale restrictive qui n'est pas justifiée par un impératif de santé publique ce qui méconnaît la liberté d'aller et venir des consommateurs de HHC.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La Société CMCMRS Distribution et autres demandent, à titre principal, la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'exécution de la décision du 12 juin 2023 de la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé portant modification de la liste des substances classées comme stupéfiant fixée par l'arrêté du 22 février 1990 pour y ajouter l'hexahydrocannabinol ou HHC, hexahydrocannabinol acétate ou HHC-acétate ou HHCO et enfin l'hexahydrocannabiphorol ou HHCP. Elles demandent, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint à l'administration de prendre les mesures transitoires permettant de s'adapter à la nouvelle réglementation.

3. Le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Il appartient au requérant de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.

4. Pour solliciter la suspension de l'exécution de la décision litigieuse sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, les requérants soutiennent que l'urgence est caractérisée par les conséquences économiques irrémédiables et inéluctables que la décision litigieuse occasionne pour les opérateurs économiques, qui doivent gérer leurs stocks de produits et décider de l'exécution des contrats en cours, ainsi que par les graves conséquences pénales qui découleraient de son application immédiate et sans régime transitoire et enfin par la gravité des atteintes portée aux libertés fondamentales.

5. Cependant, en l'état du dossier soumis au juge des référés, les sociétés requérantes ne font état d'aucun élément précis de nature à justifier de l'importance de l'atteinte qu'elles invoquent à leurs intérêts économiques particuliers. Par ailleurs, s'il est vrai que la méconnaissance de la décision litigieuse est susceptible de donner lieu à une action pénale, l'entrée en vigueur de cette décision n'a par elle-même aucune conséquence sur l'engagement d'une telle action. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance que la décision litigieuse porterait atteinte à certaines libertés fondamentales ne saurait caractériser une situation d'urgence. Ainsi, en l'absence de caractérisation concrète par les requérants de la situation particulière d'urgence exigée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, dans les conditions rappelées au point 3, leurs conclusions sont manifestement infondées et ne peuvent qu'être rejetées selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête des sociétés CMCMRS Distribution et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société CMCMRS Distribution, première dénommée pour l'ensemble des sociétés requérantes.

Fait à Paris, le 20 juin 2023

Signé : Damien Botteghi


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 475108
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2023, n° 475108
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:475108.20230620
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