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22/05/2023 | FRANCE | N°474147

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 mai 2023, 474147


Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 474147, par une requête, enregistrée le 15 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement Action et Démocratie et l'association PAGESTEC demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 7 avril 2023 modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de

collège pris par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de...

Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 474147, par une requête, enregistrée le 15 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement Action et Démocratie et l'association PAGESTEC demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 7 avril 2023 modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège pris par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête en référé-suspension est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'arrêté sera appliqué à la rentrée scolaire 2023, privant ainsi les élèves d'un enseignement commun obligatoire, sans que le Conseil d'Etat ait pu statuer sur la requête au fond ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- cet arrêté est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas établi que le Conseil supérieur de l'éducation aurait été préalablement consulté, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 231-1 du code de l'éducation, alors que la réforme a été décidée dès le mois de janvier 2023 ;

- le programme d'enseignement prévu par l'arrêté entrera en vigueur à la rentrée scolaire 2023, soit moins de douze mois après sa publication, sans consultation préalable du Conseil supérieur de l'éducation, en méconnaissance des dispositions de l'article D. 311-5 du code de l'éducation ;

- l'arrêté attaqué, qui supprime purement et simplement l'enseignement de la technologie du programme des élèves du niveau sixième, méconnaît les articles L. 122-1-1, L. 332-3 et L. 332-5 du code de l'éducation ;

- cet arrêté méconnaît également l'article L. 332-3 du code de l'éducation en ce qu'il supprime une heure hebdomadaire d'enseignement commun pour la remplacer par une heure hebdomadaire complémentaire.

II. Sous le n° 474149, par une requête, enregistrée le 15 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement Action et Démocratie et l'association PAGESTEC demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 7 avril 2023 modifiant l'arrêté du 21 octobre 2015 relatif aux classes des sections d'enseignement général et professionnel adapté pris par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que leur requête en référé-suspension est recevable et invoquent les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 474147.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

3. L'article L. 311-2 du code de l'éducation prévoit que l'organisation et le contenu des formations, notamment au collège, sont définis, respectivement, par décret et par arrêté du ministre chargé de l'éducation. Le I de l'article D. 332-4 du même code dispose que " Les enseignements obligatoires dispensés au collège se répartissent en enseignements communs à tous les élèves et en enseignements complémentaires définis par l'article L. 332-3. / Les programmes des enseignements communs, le volume horaire des enseignements communs et complémentaires, ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier peut être modulé par les établissements, sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'éducation. Cet arrêté fixe également le cadre des enseignements complémentaires dont le contenu est défini par chaque établissement (...) ".

4. Par un arrêté du 7 avril 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a modifié l'annexe 1 de l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège, qui fixe le volume horaire hebdomadaire des enseignements obligatoires applicables aux élèves du niveau sixième, en supprimant, à compter de la rentrée scolaire 2023, l'heure d'enseignement de technologie qui y était auparavant prévue et en y introduisant une heure de " soutien ou approfondissement ". Par un autre arrêté du même jour, le même ministre a modifié l'annexe unique de l'arrêté du 21 octobre 2015 relatif aux classes des sections d'enseignement général et professionnel adapté, en tant qu'il fixe le volume horaire hebdomadaire des enseignements applicables aux élèves de sixième de ces sections, en réduisant d'une heure le volume horaire des enseignements de " sciences et technologie " et en y introduisant une heure de " soutien ou approfondissement ". Le syndicat et l'association requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat la suspension de l'exécution des deux arrêtés du 7 avril 2023 dans cette mesure.

5. En premier lieu, les requérants se bornent à indiquer qu'" il reviendra au ministère de l'éducation et de la jeunesse de produire l'avis visé du Conseil supérieur de l'éducation du 24 mars 2023 ", mais ne soutiennent pas que cet organisme, dont le syndicat requérant est membre et dont l'avis est visé par les arrêtés contestés, n'aurait pas été consulté préalablement à leur édiction, ni ne critiquent la régularité de cette consultation.

6. En deuxième lieu, la circonstance que, par une note de service du 21 janvier 2023, l'administration a lancé des réflexions et travaux en vue de la mise en place de sessions d'une heure hebdomadaire de consolidation ou d'approfondissement à la rentrée 2023 est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la consultation du Conseil supérieur de l'éducation et la légalité des arrêtés attaqués.

7. En troisième lieu, l'article L. 332-3 du code de l'éducation dispose que les collèges dispensent un enseignement commun " réparti sur quatre niveaux successifs " et que, à chacun des niveaux, des enseignements complémentaires peuvent être proposés, en sus de l'enseignement commun, afin de favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné à l'article L. 122-1-1 du même code. Ce dernier article renvoie à un décret le soin de fixer les éléments de ce socle commun que doit permettre d'acquérir la scolarité obligatoire et les " modalités de son acquisition progressive ". Ces dispositions ne font obstacle ni à ce qu'une matière ne soit enseignée qu'au cours de certaines années de scolarité du collège seulement et, notamment, qu'elle ne le soit qu'au cycle 4 correspondant aux classes de cinquième, quatrième et troisième, ni à ce qu'une heure d'enseignement qui relevait de l'enseignement commun soit supprimée et que soit concomitamment ajoutée une heure d'enseignement relevant des enseignements complémentaires.

8. En quatrième lieu, l'article L. 332-5 du même code dispose que : " La formation dispensée à tous les élèves des collèges comprend obligatoirement (...) une initiation technologique (...) ". Ces dispositions, qu'elles soient appliquées seules ou en combinaison avec celles mentionnées au point 7, n'imposent pas que l'initiation technologique qu'elles mentionnent soit dispensée au cours de chaque année composant la scolarité au collège.

9. En cinquième et dernier lieu, il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'éducation que l'Etat définit les voies de formation et fixe les programmes nationaux, ainsi que l'organisation et le contenu des enseignements. Selon l'article L. 311-3 du code de l'éducation, les programmes " définissent, pour chaque cycle, les connaissances et les compétences qui doivent être acquises au cours du cycle et les méthodes qui doivent être assimilées ". L'article D. 311-5 du même code, dont les requérants invoquent la méconnaissance, pose la règle selon laquelle les programmes ne peuvent entrer en vigueur que douze mois au moins après leur publication, sauf dérogation expresse du ministre chargé de l'éducation, après avis du Conseil supérieur de l'éducation. Toutefois, les arrêtés litigieux, qui au demeurant prévoient expressément leur entrée en vigueur à la rentrée 2023 et ont été précédés d'un avis du Conseil supérieur de l'éducation, modifient l'organisation des formations, et en particulier, le volume horaire des enseignements, mais non les programmes au sens des dispositions précédemment mentionnées. En outre, la circonstance alléguée que ces arrêtés impliquent nécessairement une modification des programmes et que le Conseil supérieur de l'éducation n'aurait pas encore été consulté sur celle-ci est sans incidence sur leur légalité.

10. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés contestés. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner si la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie, les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 de ce code, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes du syndicat national de l'enseignement Action et Démocratie et de l'association PAGESTEC sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat national de l'enseignement Action et Démocratie et à l'association PAGESTEC.

Fait à Paris, le 22 mai 2023

Signé : Alexandre Lallet


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 474147
Date de la décision : 22/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2023, n° 474147
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474147.20230522
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