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08/05/2023 | FRANCE | N°473705

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 08 mai 2023, 473705


Vu la procédure suivante :

M. E... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'

une durée de deux ans, en deuxième lieu, d'enjoindre au représentant de l'Et...

Vu la procédure suivante :

M. E... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, en deuxième lieu, d'enjoindre au représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir, en troisième lieu, d'ordonner la restitution de son passeport et, en dernier lieu, d'enjoindre au représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, en cas d'éloignement effectif, de mettre en œuvre son retour à Saint-Martin. Par une ordonnance n°2300061 du 18 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de déclarer la procédure d'appel recevable et bien fondée ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 18 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin ;

3°) de suspendre sans délai l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

4°) d'enjoindre au représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir ;

5°) d'ordonner la restitution de son passeport ;

6°) d'enjoindre au représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, en cas d'éloignement effectif, de mettre en œuvre son retour à Saint-Martin ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a été enregistrée dans le délai imparti, qu'il justifie d'un intérêt à agir et que le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation n'est pas obligatoire ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il est placé en rétention administrative depuis le 13 avril 2023 et que l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet depuis le 17 mars 2023 est susceptible d'être exécutée à tout moment ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de mener une vie familiale normale ;

- il vit en concubinage de façon notoire et continue depuis 2013 avec une ressortissante française qui est handicapée et requiert sa présence au quotidien, et il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin et des pièces du dossier que M. E... A... B..., ressortissant haïtien, né le 8 janvier 1969 à Port-au-Prince, est arrivé en France le 15 janvier 2008 muni d'un titre de séjour temporaire portant la mention " visiteur ". M. A... B... a formé, le 8 novembre 2019, une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 24 janvier 2020, la préfète déléguée de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. M. A... B... a formé un recours gracieux contre cette décision le 8 avril 2020, qui a été rejeté le 9 avril 2020. Le 17 mars 2023, M. A... B... a fait l'objet d'un contrôle d'identité diligenté par les services de la police aux frontières. Par un arrêté du même jour, le représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... B... relève appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat de l'ordonnance du 18 avril 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative précité, tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

4. M. A... B... se prévaut de ce qu'il vit depuis 2013 en concubinage avec Mme D... C..., ressortissante française née en 1949, qui est handicapée et requiert sa présence au quotidien. Toutefois, ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, si M. A... B... justifie qu'il est hébergé depuis plusieurs années, du moins de façon ponctuelle, au domicile de Mme C..., il n'établit pas le concubinage qu'il invoque, et en particulier la relation de couple qu'il entretiendrait avec celle-ci, alors notamment qu'il a déclaré être célibataire, tant lors de son audition par les services de la police aux frontières le 25 juillet 2016 qu'aux termes de la fiche de renseignements qu'il a remplie le 8 novembre 2019 à l'occasion de sa demande de titre de séjour. Les attestations émanant de voisins, établies pour les besoins de la cause et produites à hauteur d'appel, ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. De même, s'il résulte des certificats médicaux produits que l'état de santé de Mme C... requiert la présence d'un tiers au quotidien, aucun élément ne permet d'établir que M. A... B... serait la seule personne susceptible de lui apporter l'aide dont elle a besoin. Enfin, M. A... B..., qui a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, n'établit pas y être dépourvu d'attache, alors qu'il résulte de l'instruction qu'il a effectué à destination de celui-ci, pendant plusieurs années et encore en 2019, plusieurs virements au bénéfice de son frère. Dans ces conditions, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de sa vie privée et familiale.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... B... doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E... A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 8 mai 2023

Signé : Thomas ANDRIEU


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 473705
Date de la décision : 08/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 mai. 2023, n° 473705
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:473705.20230508
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