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06/05/2023 | FRANCE | N°473716

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 mai 2023, 473716


Vu la procédure suivante :

M. B... C..., Mme D... A..., l'Association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO) et le Syndicat des avocats de France ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 28 avril 2023 du préfet de la Seine-Maritime portant autorisation de mettre en œuvre les moyens de captation, d'enregistrement et de transmission d'images par des aéronefs lors des manifestations du 1er mai 2023 sur le territoire

de la commune du Havre. Par une ordonnance n° 2301728 du 30 avril...

Vu la procédure suivante :

M. B... C..., Mme D... A..., l'Association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO) et le Syndicat des avocats de France ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 28 avril 2023 du préfet de la Seine-Maritime portant autorisation de mettre en œuvre les moyens de captation, d'enregistrement et de transmission d'images par des aéronefs lors des manifestations du 1er mai 2023 sur le territoire de la commune du Havre. Par une ordonnance n° 2301728 du 30 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a, d'une part, admis l'intervention du Syndicat de la magistrature et, d'autre part, suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime uniquement en tant qu'il autorise la captation, l'enregistrement et la transmission d'images à l'est des rue et pont Jean-Jacques Rousseau et de la rue Marceau, et dans le reste du périmètre de survol après 14 heures.

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C..., l'ADELICO et le Syndicat des avocats de France demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 avril 2023 en tant qu'elle ne suspend pas entièrement l'exécution de l'arrêté du 28 avril 2023 du préfet de Seine-Maritime portant autorisation de mettre en œuvre des moyens de captation, d'enregistrement et de transmission d'images par des aéronefs lors des manifestations du 1er mai 2023 sur le territoire de la commune du Havre ;

2°) de suspendre entièrement l'exécution du même arrêté.

Ils soutiennent que :

- leur requête en appel n'est pas dépourvue d'objet dès lors que celles des données recueillies lors de la manifestation du 1er mai 2023 qui n'ont pas été supprimées sont conservées pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif ou, pour certaines, seront utilisées au-delà de ce délai à des fins pédagogiques et de formation ;

- les dispositions des articles R. 242-8 à R. 242-14 du code de la sécurité intérieure constituent une mise en œuvre incomplète des articles L. 242-1 et suivants de ce code ;

- l'arrêté contesté en entaché d'illégalité dès lors qu'il ne pouvait autoriser les forces de l'ordre à déployer le dispositif litigieux, sur le fondement des articles R. 242-8 et suivants du code de la sécurité intérieure, en l'absence d'édiction par le ministère concerné de " doctrines d'emploi " telles que sollicitées par une délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), destinées à rappeler le cadre juridique ainsi que les conditions d'emploi et de conduite à tenir lors de cette utilisation ;

- la circonstance qu'une circulaire provisoire de la direction générale de la police nationale ait été édictée pour définir le cadre opérationnel de l'intervention des aéronefs sur la voie publique ne suffit pas à assurer la légalité de l'arrêté contesté en l'absence de publication et, partant, de caractère exécutoire, ainsi que de communication à la CNIL de cette circulaire ;

- l'arrêté contesté ne démontre pas la nécessité absolue de recourir au dispositif litigieux, qui est un procédé subsidiaire aux moyens classiques de maintien de l'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Les requérants demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 30 avril 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen en tant qu'elle n'a suspendu l'exécution de l'arrêté du 28 avril 2023 du préfet de la Seine-Maritime qu'en tant que cet arrêté autorise la captation, l'enregistrement et la transmission d'images à l'est des rue et pont Jean-Jacques Rousseau et de la rue Marceau, et dans le reste du périmètre de survol après 14 heures, et de suspendre cet arrêté dans son intégralité.

3. Aux termes de l'article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure : " I.- Dans l'exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale (...) peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs aux fins d'assurer : / 1° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s'y sont déjà déroulés, à des risques d'agression, de vol ou de trafic d'armes, d'êtres humains ou de stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation ; / 2° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l'appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de maintenir ou de rétablir l'ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des troubles graves à l'ordre public ; (...). " Aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 242-4 du même code : " (...) Les enregistrements peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents. / Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant mis en œuvre le dispositif aéroporté, pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d'un signalement dans ce délai à l'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. "

4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté dont la suspension est demandée qu'à la date de la présente ordonnance, la période pendant laquelle la captation, l'enregistrement et la transmission d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs étaient autorisés au Havre est arrivée à son terme. En second lieu, les requérants n'expliquent en rien en quoi l'urgence est constituée à la date de la présente ordonnance. Par suite, la conservation, dans les conditions déterminées par les dispositions précitées de l'article L. 242-4 du code de la sécurité intérieure, des données enregistrées le 1er mai au Havre sur le fondement de cet arrêté n'est pas constitutive à elle seule d'une situation de nature à justifier l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère grave et manifestement illégal de la conservation de ces données, que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif du Havre a rejeté leur demande.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. C... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C..., à l'Association de la défense des libertés constitutionnelles et au Syndicat des avocats de France.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 6 mai 2023

Signé : Thomas ANDRIEU


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 473716
Date de la décision : 06/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2023, n° 473716
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:473716.20230506
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