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02/12/2022 | FRANCE | N°456277

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 02 décembre 2022, 456277


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 8 novembre 2018 par lesquels la ministre du travail ne l'a titularisé au troisième échelon du grade d'inspecteur du travail qu'avec une reprise d'ancienneté d'un an au 1er décembre 2018, de condamner l'État à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice financier subi et d'enjoindre à la ministre du travail de le reclasser, au 1er décembre 2018, au quatrième échelon de son grade avec une ancienneté de trois mois et de reconstituer sa carrière e

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 8 novembre 2018 par lesquels la ministre du travail ne l'a titularisé au troisième échelon du grade d'inspecteur du travail qu'avec une reprise d'ancienneté d'un an au 1er décembre 2018, de condamner l'État à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice financier subi et d'enjoindre à la ministre du travail de le reclasser, au 1er décembre 2018, au quatrième échelon de son grade avec une ancienneté de trois mois et de reconstituer sa carrière en conséquence dans un délai d'un mois. Par un jugement n° 1900361 du 11 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19LY04141 du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. B..., annulé le jugement en tant qu'il n'a pas statué sur la demande à fin d'injonction à reconstituer sa carrière et rejeté cette demande ainsi que le surplus des conclusions de sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2021 et 2 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2003-770 du 20 août 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été admis au troisième concours de recrutement d'inspecteur du travail de la session 2017. Il a suivi la formation d'inspecteur-élève à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à compter du 1er septembre 2017. Par arrêtés du 8 novembre 2018, la ministre du travail l'a titularisé au 1er décembre 2018, l'a affecté à la direction régionale de La Réunion et l'a classé au troisième échelon du grade d'inspecteur du travail, avec une ancienneté d'un an. M. B... a demandé l'annulation de ces arrêtés au tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande par un jugement du 11 septembre 2019. Par l'arrêt attaqué du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de M. B... contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 août 2003, dans sa version applicable au litige : " Les inspecteurs du travail constituent un corps interministériel classé dans la catégorie A prévue à l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ". Selon ses articles 7 et 8, les candidats reçus aux concours d'inspecteur du travail sont nommés inspecteurs-élèves et suivent une formation obligatoire d'une durée totale de dix-huit mois. Aux termes de son article 9, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les inspecteurs-élèves qui ont satisfait aux conditions de formation prévues à l'article 8 ci-dessus sont titularisés par arrêté du ministre chargé du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle au 1er échelon du grade d'inspecteur du travail, la durée effective de la scolarité, à l'exception de la période de redoublement éventuel, étant prise en compte pour l'avancement d'échelon ". Selon son article 12 bis, dans sa rédaction applicable au litige : " Les inspecteurs-élèves issus du troisième concours sont classés, lors de leur titularisation dans le grade d'inspecteur du travail, au troisième échelon, avec une reprise d'ancienneté d'un an, sauf si l'application des articles 11 et 12 leur est plus favorable ".

3. Selon l'article 11 du décret du 20 août 2003, les inspecteurs-élèves ayant antérieurement la qualité de fonctionnaire sont classés, pour ceux qui sont issus d'un corps ou cadre d'emploi de catégorie A ou B, dans le grade d'inspecteur à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leur grade d'origine en conservant en principe leur ancienneté d'échelon et, pour ceux qui sont issus d'un corps ou cadre d'emploi de catégorie C, en appliquant ces mêmes principes à la situation qui serait la leur s'ils avaient été nommés et classés dans un des corps de secrétaire administratif préalablement à leur nomination dans le corps des inspecteurs du travail. Aux termes de l'article 12 du même décret, les inspecteurs-élèves qui avaient antérieurement la qualité d'agent public sont nommés dans le grade d'inspecteur du travail à un échelon déterminé prenant en compte une fraction de leur ancienneté de service, laquelle dépend du niveau des emplois qu'ils ont occupé.

4. En premier lieu, si les dispositions de l'article 9 du décret du 20 août 2003 prévoient une reprise d'ancienneté au titre de leur scolarité pour les inspecteurs-élèves titularisés au 1er échelon du grade d'inspecteur du travail, les inspecteurs-élèves issus du troisième concours ne peuvent en bénéficier, dès lors qu'ils sont exclusivement régis par les dispositions de l'article 12 bis prévoyant qu'ils sont classés, lors de leur titularisation, au troisième échelon avec une ancienneté d'un an, sauf à ce que l'application des articles 11 et 12 leur soit plus favorable.

5. En deuxième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ou à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

6. Les dispositions des articles 11 et 12 du décret du 20 août 2003, qui prévoient le classement à un échelon déterminé des inspecteurs-élèves ayant antérieurement la qualité d'agent public ainsi que la reprise de leur ancienneté, ne sauraient être combinées, pour les inspecteurs du travail qui en bénéficient, avec celles de l'article 9 du décret ouvrant droit à une reprise d'ancienneté, au titre de la scolarité, pour les inspecteurs du travail titularisés au 1er échelon. En revanche, il résulte des dispositions de l'article 11 de ce décret que, ainsi qu'il est dit au point 3, les inspecteurs-élèves ayant antérieurement la qualité de fonctionnaire sont susceptibles de conserver leur ancienneté d'échelon lors de leur titularisation, cette ancienneté prenant en compte la durée de leur scolarité s'ils ont été détachés pour la suivre. Pour leur part, les inspecteurs du travail issus du troisième concours et qui ne peuvent bénéficier des dispositions des articles 11 et 12 sont, ainsi qu'il a été dit au point 4, classés au troisième échelon avec une ancienneté d'un an, sans que la durée de leur scolarité soit prise en compte.

7. Les inspecteurs du travail issus du troisième concours n'ayant pas antérieurement la qualité de fonctionnaire étant placés, au regard de l'objet de ces dispositions qui régissent la prise en compte de l'expérience professionnelle lors du classement, dans une situation différente de celle des inspecteurs du travail ayant eu cette qualité, sans que la différence de traitement qui en résulte soit manifestement disproportionnée, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt suffisamment motivé, écarté le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de ce que les dispositions du décret du 20 août 2003 méconnaîtraient le principe d'égalité en raison des modalités de reprise d'ancienneté qu'elles prévoient pour les inspecteurs issus de différentes voies de recrutement.

8. En troisième lieu, si M. B... soutient que les dispositions du décret du 20 août 2003 méconnaîtraient, en raison de cette même différence de traitement, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er de son premier protocole additionnel, ce moyen, qui n'avait pas été invoqué devant les juges du fond et n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et ne peut, par suite, qu'être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.

Rendu le 2 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Alexis Goin

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 456277
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2022, n° 456277
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: Mme Cécile Raquin
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456277.20221202
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