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02/12/2022 | FRANCE | N°454318

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 02 décembre 2022, 454318


Vu la procédure suivante :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la délibération n° II-2 adoptée le 14 décembre 2015 par le conseil d'administration de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon en tant qu'elle porte sur le versement d'une cotisation de 100 000 euros à l'Université de Lyon et, d'autre part, la délibération n° III-2-B adoptée le même jour par ce même conseil d'administration approuvant la convention pour la souscription et la mise en œuvre d'un contrat de partenariat public-privé relatif au projet de réhabilitati

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Vu la procédure suivante :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la délibération n° II-2 adoptée le 14 décembre 2015 par le conseil d'administration de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon en tant qu'elle porte sur le versement d'une cotisation de 100 000 euros à l'Université de Lyon et, d'autre part, la délibération n° III-2-B adoptée le même jour par ce même conseil d'administration approuvant la convention pour la souscription et la mise en œuvre d'un contrat de partenariat public-privé relatif au projet de réhabilitation, restructuration et mise aux normes du site Monod de l'ENS de Lyon. Par un jugement n° 1601372 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération n° II-2 du conseil d'administration de l'ENS de Lyon en tant qu'elle autorise le versement d'une cotisation de 100 000 euros à l'Université de Lyon, et a rejeté le surplus de la demande de M. D....

Par un arrêt n° 19LY03101 du 6 mai 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération n° III-2-B du 14 décembre 2015.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 7 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Ecole normale supérieure de Lyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ;

- le décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la société Didier-Pinet, avocat de M. A... et Mme B... D... et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de l'Ecole normale supérieure de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération n° III-2-B du 14 décembre 2015, le conseil d'administration de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon a approuvé une convention conclue entre l'Etat, l'ENS et la communauté d'universités et établissements " Université de Lyon " visant à confier à cette dernière la souscription et la mise en œuvre d'un contrat de partenariat public-privé en vue de la réhabilitation, la restructuration et la mise aux normes du site Monod de l'ENS de Lyon. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. C... D..., membre élu du conseil d'administration de l'ENS de Lyon, tendant à l'annulation de cette délibération. M. D... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 6 mai 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement. M. A... D... et Mme B... D..., héritiers de M. C... D... décédé le 8 octobre 2021, ont repris l'instance engagée par celui-ci.

2. Aux termes de l'article 7 du décret du 7 mai 2012 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement de l'Ecole normale supérieure de Lyon : " Le président exerce les attributions confiées au président d'université par l'article L. 712-2 du code de l'éducation, à l'exception du 10°, et les textes pris pour son application. (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce même décret : " Le conseil d'administration exerce les attributions confiées au conseil d'administration des universités par le IV de l'article L. 712 3 du code de l'éducation, à l'exclusion des 8° et 9°. (...) ". L'article L.712-2 du code de l'éducation dispose que " (...) Le président assure la direction de l'université. A ce titre : (...) / 2° Il (...) conclut les accords et les conventions (...) ". L'article L.712-3 de ce code dispose que : " (...) IV.- Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement. A ce titre : (...) / 3° Il approuve les accords et les conventions signés par le président de l'établissement (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que la conclusion des conventions passées par l'ENS de Lyon intervient au terme d'un processus d'approbation par son conseil d'administration de conventions préalablement signées par son président.

4. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d'un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l'acte d'approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.

5. Toutefois, les actes d'approbation d'un contrat visés au point précédent sont seulement ceux qui émanent d'une autorité distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur. Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s'ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion.

6. Après avoir estimé, sans entacher son arrêt de dénaturation et en le motivant suffisamment sur ce point, que la délibération contestée du 14 décembre 2015 du conseil d'administration de l'ENS de Lyon portait approbation de la convention signée antérieurement par l'ensemble des parties, en date du 19 novembre 2015, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, en jugeant que M. D... n'était pas recevable à former un recours en excès de pouvoir contre cette délibération.

7. Il résulte de qui précède que le pourvoi de M. et de Mme D... doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et de Mme D... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., premier requérant dénommé, et à l'Ecole normale supérieure de Lyon.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 2 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454318
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RECEVABILITÉ - RECEVABILITÉ DU RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR EN MATIÈRE CONTRACTUELLE - CONTESTATION PAR DES TIERS – ACTE ADMINISTRATIF PORTANT APPROBATION DU CONTRAT [RJ1] – NOTION – 1) INCLUSION – ACTE ÉMANANT D'UNE AUTORITÉ DISTINCTE DES CONTRACTANTS - CONCERNANT UN CONTRAT DÉJÀ SIGNÉ ET NÉCESSAIRE À SON ENTRÉE EN VIGUEUR – 2) EXCLUSION – ACTE PARTICIPANT AU PROCESSUS DE CONCLUSION DU CONTRAT [RJ2].

39-08-01-01 Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même....1) Toutefois, les actes d'approbation d'un contrat mentionnés ci-dessus sont seulement ceux qui émanent d'une autorité distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur. ...2) Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s'ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR - ACTE ADMINISTRATIF PORTANT APPROBATION DU CONTRAT SUSCEPTIBLE D’ÊTRE CONTESTÉ PAR DES TIERS DEVANT LE JUGE DE L’EXCÈS DE POUVOIR [RJ1] – NOTION – 1) INCLUSION – ACTE ÉMANANT D'UNE AUTORITÉ DISTINCTE DES CONTRACTANTS - CONCERNANT UN CONTRAT DÉJÀ SIGNÉ ET NÉCESSAIRE À SON ENTRÉE EN VIGUEUR – 2) EXCLUSION – ACTE PARTICIPANT AU PROCESSUS DE CONCLUSION DU CONTRAT [RJ2].

54-02-01 Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même....1) Toutefois, les actes d'approbation d'un contrat mentionnés ci-dessus sont seulement ceux qui émanent d'une autorité distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur. ...2) Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s'ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion.


Références :

[RJ1]

Cf., s’agissant des critères de recevabilité de ce recours et des moyens invocables, CE, 23 décembre 2016, Association Etudes et consommation CFDT du Languedoc-Roussillon, n°s 392815 392819, T. pp. 831-832-872. ...

[RJ2]

Cf., sur la possibilité de contester ces actes dans le cadre d'un recours de pleine juridiction en contestation de validité du contrat, CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, p. 70.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2022, n° 454318
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Cécile Raquin
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET ; SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454318.20221202
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