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20/07/2022 | FRANCE | N°454997

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20 juillet 2022, 454997


Vu les procédures suivantes :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler les décisions de la Caisse des dépôts et consignations du 6 janvier 2020 fixant le montant de sa pension concédée par le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, du 21 janvier 2020 lui demandant le remboursement d'une somme de 34 391 euros correspondant à un trop-versé au titre de cette pension et du 10 mars 2020 rejetant son recours contre ces décisions et la décision implicite née du silence gardé par la ministre des

armées sur sa demande du 7 février 2020 tendant à la révision du mon...

Vu les procédures suivantes :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler les décisions de la Caisse des dépôts et consignations du 6 janvier 2020 fixant le montant de sa pension concédée par le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, du 21 janvier 2020 lui demandant le remboursement d'une somme de 34 391 euros correspondant à un trop-versé au titre de cette pension et du 10 mars 2020 rejetant son recours contre ces décisions et la décision implicite née du silence gardé par la ministre des armées sur sa demande du 7 février 2020 tendant à la révision du montant de sa pension et, d'autre part, d'enjoindre à la Caisse des dépôts et à la ministre des armées de lui verser sa pension dans un délai de deux mois.

Par un jugement n° 2002828 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de la Caisse des dépôts et consignations et de la ministre des armées contestées et enjoint à la ministre des armées et au directeur de la Caisse des dépôts et consignations de procéder au réexamen des droits à pension de M. A....

1° Sous le n° 454997, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet et 8 octobre 2021 et le 14 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Caisse des dépôts et consignations demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....

2° Sous le n° 455041, par un pourvoi, enregistré le 28 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le décret n° 49-1378 du 3 octobre 1949 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-541 du 4 mai 1988 ;

- le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la Caisse des dépôts et consignations et de la ministre des armées sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., né en 1960, a été recruté en qualité d'ouvrier des établissements industriels de l'Etat, au sein du ministère des armées le 1er juin 1981. En 1989, il a été intégré en qualité d'agent contractuel du ministère de la défense, régi par les dispositions du décret du 3 octobre 1949 fixant le statut des agents sur contrat du ministère de la défense nationale. Il a opté en faveur de son maintien dans le régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, sur le fondement de l'article 3 de ce décret. Par contrat du 1er septembre 2011, M. A... a été engagé en qualité d'agent contractuel dans l'emploi d'ingénieur cadre technico-commercial, sur le fondement du décret du 4 mai 1988 relatif à certains agents sur contrat des services à caractère industriel ou commercial du ministère de la défense et de l'arrêté du 4 mai 1988 pris pour son application. M. A... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2017. Des avances sur pension lui ont été servies à compter de cette date. Par décision du 6 janvier 2020, la Caisse des dépôts et consignations a arrêté le montant de ses droits à pension et a notifié à M. A... un trop-perçu de 34 391 euros au titre des sommes qui lui ont été versées par le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, dont le reversement lui a été réclamé. Par un jugement du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions de rejet, par la ministre des armées et par le directeur de la Caisse des dépôts et consignations, des recours formés par M. A..., d'une part, contre la décision fixant le montant de sa pension et, d'autre part, contre la demande de reversement du trop-perçu et leur a enjoint de procéder au réexamen des droits à pension de M. A... en tenant compte des cotisations versées de 2011 à 2017 au titre du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 3 octobre 1949 fixant le statut des agents sur contrat du ministère de la défense nationale : " Le présent décret fixe le statut et le régime de rémunération des agents sur contrat employés dans les services de la défense./ Les dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat sont applicables aux agents régis par le présent décret ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La législation sur la sécurité sociale et celle relative aux accidents du travail sont applicables aux personnels régis par le présent décret./ Ceux des intéressés qui étaient affiliés au régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ont la faculté, sur leur demande effectuée dans un délai maximum de six mois à partir de leur admission dans les cadres prévus par le présent décret, de conserver, à titre personnel, le bénéfice de ce régime ".

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 4 mai 1988 relatif à certains agents sur contrat des services à caractère industriel ou commercial du ministère de la défense : " Dans les services à caractère industriel ou commercial du ministère de la défense dont l'activité est retracée dans des comptes de commerce, l'Etat peut employer, outre des agents sur contrat recrutés en application des dispositions du décret susvisé du 3 octobre 1949, des agents sur contrat dont le recrutement et le régime de rémunération et de déroulement de carrière sont déterminés par un arrêté pris conjointement par le ministre de la défense, le ministre chargé du budget et le ministre chargé de la fonction publique ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les dispositions du décret (...) du 17 janvier 1986, à l'exception des articles 5, 6, 7 et 8, sont applicables aux agents visés à l'article 1er (...) du présent décret ". Aux termes de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaire de l'Etat, dans sa version applicable : " La réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables, sauf dispositions contraires, aux agents contractuels visés à l'article 1er du présent décret (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que le décret du 4 mai 1988 a institué un nouveau régime statutaire, distinct de celui prévu par le décret du 3 octobre 1949 et, contrairement à ce dernier, n'a prévu aucune dérogation, en matière d'affiliation au régime de retraite, aux dispositions générales fixées par le décret du 17 janvier 1986. En outre, contrairement à ce que soutient M. A..., le dernier alinéa de l'article 1er de ce dernier décret qui prévoyait, dans sa version en vigueur jusqu'au 24 mars 2014, que les dispositions réglementaires en vigueur à la date de publication de ce décret continuent à s'appliquer au personnel qu'elles régissent si elles sont plus favorables, ne peut trouver à s'appliquer aux agents recrutés sur le fondement du décret du 4 mai 1988, ce dernier étant postérieur au décret du 17 janvier 1986.

6. Il résulte de ce qui précède que la Caisse des dépôts et consignations et la ministre des armées sont fondées à soutenir qu'en jugeant que M. A... pouvait être maintenu dans le régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat au-delà sur 1er septembre 2011, alors que le contrat par lequel il a été engagé à compter du 1er septembre 2011 a été établi sur le fondement du décret du 4 mai 1988, lequel ne prévoit pas, contrairement au décret du 3 octobre 1949, la possibilité pour les agents contractuels qui relevaient par le passé du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat de continuer à bénéficier de ce régime sur option de leur part, le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi de la ministre des armées, son jugement doit être annulé.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations et de l'Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 28 mai 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Caisse des dépôts et consignations, au ministre des armées et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 20 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454997
Date de la décision : 20/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2022, n° 454997
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454997.20220720
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